Dix ans après la commission Bouchard-Taylor, le débat québécois sur l’intégration des immigrants ressemble à une saga parsemée de soubresauts dont on ne voit pas bien venir l’apaisement, malgré l’adoption d’une loi visant à favoriser la neutralité religieuse de l’État. La semaine dernière, un colloque organisé à l’Université de Montréal par la titulaire de la Chaire en gestion de la diversité culturelle et religieuse, Solange Lefebvre, a fourni beaucoup de matière à réflexion en faisant entendre des experts de plusieurs horizons, autant de l’étranger que d’ici, dont les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor eux-mêmes.
Les conclusions de messieurs Bouchard et Taylor paraissaient relativement optimistes, en ce sens qu’ils ont tous deux exprimé une grande confiance dans les traditions d’entraide, de solidarité et d’accueil des Québécois. Tous deux ont aussi lancé un appel aux jeunes de toutes origines en leur demandant de reprendre le flambeau et de s’atteler à la construction d’une société québécoise ouverte.
Quelques experts se sont aussi interrogés sur le discours de l’ouverture à la diversité qui atteint si mal ses buts et n’arrive pas à endiguer les discours de droite comme ceux de « La Meute » dans les réseaux sociaux. C’est ce point précis que j’aimerais aborder en partant de l’expression « identitaires versus progressistes », expression que l’on retrouve si souvent dans le discours des spécialistes qui se campent du côté desdits « progressistes ».
Cette façon d’opposer les deux mots laisse entendre que tous ceux qui auraient la moindre inquiétude quant à l’avenir de la société québécoise appartiennent désormais à la droite réactionnaire et raciste, et ne pourront jamais prétendre au progressisme. Cette formule, déguisée en raccourci commode, a manifestement pour but de stigmatiser. Insidieusement, elle trouve de plus en plus sa place dans le discours des politiciens et des médias.
Construction d’un projet original
La psychologie élémentaire enseigne que lorsqu’on veut rassembler, il faut d’abord comprendre les inquiétudes de l’autre et trouver les moyens d’y répondre en le rassurant. Aux dernières nouvelles, ceux qui s’inquiètent de la capacité de la société québécoise à survivre dans l’océan anglophone d’Amérique du Nord sont encore nombreux et sont loin d’être tous réactionnaires ou racistes ,ni même indépendantistes. Pour être perçue comme adéquate, une réponse à leurs inquiétudes devrait les convaincre qu’il est possible, sans se trahir, d’absorber sans limites, année après année, plus de 50 000 immigrants et réfugiés de cultures éloignées.
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