Les éléphants dans le salon … funéraire

Re: Culture, langue et identité en milieu minoritaire

Tribune libre

Re: Culture, langue et identité en milieu minoritaire
Un éléphant prend beaucoup de place dans un salon. Les gens hésitent généralement à en faire cas. Juste au cas où justement l’éléphant déciderait de changer de place et aller en écraser d’autres, particulièrement soi ou ses proches. La situation ne s’améliore pas lorsqu’il y a plus d’un éléphant. Au risque de ne plus avoir personne dans le salon, outre ceux qui ne sont plus capables de le quitter. Jeunes et nouveaux arrivants s’en absenteront bien volontiers.
Les salons funéraires n’y font pas exception. De plus, les gens y parlent à voix basse et personne ne s’y exprime publiquement. Un officiel veillera au protocole et un petit discours sur les mérites du disparu(e) sera prononcé à la fermeture du salon. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et les gens y portent leurs plus beaux habits. Tante rectitude et oncle stoïcisme s’assureront du reste. Il ne faudrait certes pas déranger l’ (les) éléphant (s) du salon ou, pire encore, perdre la face. Les écarts sont rares et la personne qui dérange sera vite escortée. Les proches qui risqueraient d’être agités seront médicamentés au préalable. Le cabinet à boisson restera bien barré. Les gens s’interrogeront peut-être sur qui sera le prochain pour qui le glas sonnera, à en juger par la mine basse de certains dans le salon. Jeunes et nouveaux arrivants (ne connaissant souvent pas le défunt) se tiendront loin d’une scène de telle morbidité. Il y a bien sûr la chronique de nécrologie pour les curieux dans les médias.
Parlant de scène de grande morbidité, je me retrouvais récemment à prendre intérêt à une nouvelle intitulée “Appartenir à une minorité linguistique peut nuire à la santé, selon des chercheurs”. Les membres des communautés minoritaires francophones (et anglophones) auraient apparemment une moins bonne santé que la population majoritaire, selon deux chercheurs de l'Université d'Ottawa. Une spécialiste en santé des populations expliquait par des “conditions de vie moins bonnes”, des “problèmes de communications”, des difficultés d’accès aux services de santé, le vieillissement des populations, ainsi que des problèmes d’éducation et de salaire. Bouleversé, je m’empressai de commenter en ligne cette terrible nouvelle de notre diffuseur public, pour découvrir que j’étais le seul vivant en milieu minoritaire hors-Québec à la commenter? Je me suis alors interrogé sur cette histoire de salon funéraire, de bon protocole … et d’éléphants occupant les lieux.
La morbidité ne date pas d’hier et le grand souverainiste québécois avait jadis parlé de “dead ducks” pour décrire le déclin du français hors-Québec. Ce qui avait bien sûr remué les chaumières à l’époque. Près de 20 ans plus tard, Jean Chrétien décrivait devant une assemblée de la francophonie canadienne l’assimilation comme un “simple fait de la vie”, hochement des épaules à l’appui: “Que voulez-vous donc qu’on y fasse? stoïque comme pas un! Plus récemment dans une sortie fracassante qu’il regrette probablement, Gilles Duceppe invoquait ce déclin du français hors-Québec pour convaincre les Québécois de l’urgence de la séparation, cela après cette méchante raclée électorale. Tante Madeleine le reprenait en disant que mononcle Méo ne se portait pas si mal, ce sur quoi un neveu ajoutait le bémol: mononcle Méo ne va pas bien en effet. Et des cousins du Vermont qui s’agitaient aux dernières nouvelles de famille. Les grands moments d’émotion donnent certes lieu à de grands écarts dans le salon funéraire!
Prenez cette sortie de Jacques Parizeau le soir du référendum, celui qui a passé si proche. Le cabinet à boisson n’était probablement pas barré et l’illustre ex-banquier y allait de son explication du pouvoir, de l’argent et du vote ethnique au sujet des faits de la vie. Les chaumières ne s’en sont jamais remises. Cela dit, je me demande si les éléphants de Parizeau expliquent toujours le grand silence qui sévit bien au-delà du Québec. Mais le pouvoir, l’argent et l’ethnicité n’ont plus la mine qu’ils avaient. Quitteront-ils un jour le salon funéraire pour laisser de la place? Peut-être qu’on pourra alors avoir un maudit bon party d’enterrement. Espérons même que le prochain à trépasser sera un de ces misérables éléphants de cirque qui ne demande pourtant pas mieux. Mononcle Méo : lâchez nous pas avant cela et matante Madeleine, allez donc voir ce qui se passe au cabinet à boisson!


Laissez un commentaire



4 commentaires

  • Anonyme RB Répondre

    16 août 2011

    @PC: Les discours argumentatifs sont bien mal venus en effet dans les salons funéraires. cqfd? ;-)
    Matante Marie-France est bien jovialiste, maitrise la rectitude et représente un bon exemple de ceux qui sont incapables de quitter le salon. attention, elle ne représente pas nécessairement ceux qui s'en tiennent loin, si ces derniers sont d'intérêt. Incidemment, la né0-fransaskoise passe beaucoup de temps à Ottawa. Étonnant?

  • Archives de Vigile Répondre

    15 août 2011

    Moi aussi je l'ai trouvée bien bonne la «Fransaskoise» s'exprimant avec l'accent du Québec qui n'était pas foutue de faire la différence entre langue et culture. Ou qui feignait de l'ignorer, comme bien des Canadians, qui peuvent ainsi nier l'existence du peuple québécois, c'est-à-dire prétendre que Canadians et Québécois, c'est la même chose. Et qui ignorent ou feignent d'ignorer la différence qu'il peut y avoir entre langue maternelle et langue seconde. Ou qui peuvent affirmer qu'il n'y a pas de problème à envoyer un francophone à l'école anglaise, puisqu'il ne perd pas sa langue! Accessoire, n'est-ce pas que souvewnt ces «francophones» ne puissent ni lire ni écrire en français!
    Les impostures trudeauistes ont la vie dure, c'est le ciment du plus meilleur pays au monde.

  • Pierre Cloutier Répondre

    15 août 2011

    [1] Je ne voudrais surtout pas vous insulter, monsieur Anonyme RB, mais je n'ai malheureusement pas compris le sens de votre profond et subtil message, ne connaissant pas - et j'en suis désolé - le langage pachydermique comme vous semblez si bien le maîtriser.
    [2] De plus, comme je ne fréquente pas beaucoup les salons funéraires - en fait le moins possible - j'ai un peu de difficulté à me représenter des mammifères à peau dure en train de faire la veillée des corps, mais dans la vie il ne faut s'étonner de rien. Alors, la prochaine fois, je vous promets, je vais faire attention et vérifier si une de ces bestioles ne se cacherait pas derrière les arrangements floraux.
    [3] Je crois remarquer également que vous avez recours à la parabole pour illustrer votre enseignement, votre morale ou votre doctrine, mais j'ai toujours compris de mes lointaines études de grec et de latin, que la parabole pouvait à la rigueur être utile dans un discours argumentatif en autant, bien sûr, qu'elle serve à illustrer la thèse défendue afin de faciliter la compréhension du lecteur, ce qui malheureusement et vous m'en voyez désolé, ne semble pas être la qualité première de votre texte.
    [4] Il y a eu dans le vocabulaire politique animal québécois les caribous pour désigner les indépendantistes, les homards pris dans des cages pour désigner les fédéralistes, les vaches rouges pour désigner les candidats libéraux dans les comtés anglophones, les cochons de contribuables, les langues de vipères politiciennes, mais malheureusement je n'ai pas retrouvé aucune trace des éléphants de Parizeau. Pourtant un troupeau d'éléphants, ce n'est pas comme la charge de la brigade légère. Ça fait drôlement plus de bruit et si on les avait vu passer, on s'en souviendrait, ici au Québec, comme dans le ROC.
    [5] À part cela, pour vous, la santé ça va?
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    15 août 2011

    Aujourd'hui, la radio d'État osa ouvrir ses lignes au sujet du français en situation minoritaire au Canada. Quand la présidente de l'association ouvrit la bouche, l'éléphant a bougé: aussi francophone qu'elle, dit-elle, son voisin anglo, en Saskatchewan, qui apprend le français pour son job de fonctionnaire. À inclure aussi dans les stats pour démontrer que l'assimilation n'est pas si menaçante, les Marocains et Algériens fraîchement débarqués, fussent-ils pourtant de langues arabes au foyer...
    Et ces gens-là cabalent contre nous dans les périodes intenses de lutte contre la canadianisation du Québec! Ils négocient à la pièce leur accès aux services français dans leurs provinces. Ensuite ils nous accusent de ne pas les inclure dans le projet de pays. They want to have their cake and eat it too! (le beurre et l'argent du beurre)