Les chantiers de Mme Marois

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Les fruits murs du Sommet sur l'éducation

Un bon sommet. Oui, un bon sommet. Soigneusement préparé, organisé au quart de tour, avec des mesures de sécurité en béton, pires qu'à Kaboul. C'est pour dire.
Le gouvernement a fait son lit et il ne reculera pas, les droits de scolarité seront indexés à partir de septembre: 3% par année jusqu'à la fin des temps... ou jusqu'à ce qu'un gouvernement décide de mettre fin à l'indexation, ce qui ne risque pas d'arriver, à moins que Québec solidaire prenne le pouvoir. C'est tout dire.
Depuis 2007, les droits de scolarité ont augmenté de 50$ par trimestre, soit 100$ par année. Ils sont passés de 1668$ à 2168$, une hausse de 30%. Les droits ne sont pas gelés depuis cinq ans, contrairement à une idée faussement ancrée dans la tête des Québécois. Le Parti québécois poursuit donc ce que les libéraux ont fait de 2007 à 2012, soit une hausse modeste, une hausse à petits pas.
Les recteurs et l'opposition auraient souhaité une augmentation plus corsée, les étudiants et les syndicats, un gel, suivi de la gratuité. Le fossé était trop grand, le gouvernement a tranché.
Donc 3%, 70$ par année. Pas la mer à boire, même si la situation financière des étudiants reste fragile. Leur endettement moyen après un baccalauréat oscille autour de 12 000$, légèrement en baisse depuis... cinq ans.
Le problème n'est pas dans cette hausse modérée et socialement acceptable, mais dans la décision du gouvernement d'indexer les frais institutionnels obligatoires (FIO). La pagaille règne dans les FIO. Pas étonnant, le gouvernement ne s'en est jamais occupé, sauf en 2008 pour freiner leur croissance effrénée.
Les FIO sont apparus pour la première fois en 1994. Les universités les ont créés pour contourner le gel des droits de scolarité. Depuis, ils ont grossi, grossi et grossi. Aujourd'hui, les FIO s'établissent, en moyenne, à 807$ par année. Faites le calcul: 2168$ " 807$ = 2975$. C'est la facture que les étudiants doivent payer. Certaines universités, comme McGill, ont des FIO qui frisent les 1500$ par année alors que d'autres, surtout dans le réseau de l'Université du Québec, ont réussi à les maintenir autour de 500$.
Il n'y a jamais eu de débat autour de ces FIO qui ont poussé comme des champignons, au bon gré des recteurs, sans que Québec s'en mêle. Ou presque.
Le gouvernement devrait faire le ménage, le grand ménage dans les FIO, et non se contenter de les indexer bêtement. Pourquoi McGill peut-elle exiger 1500$ alors que d'autres doivent se contenter de 500$? Hier matin, le ministre Pierre Duchesne a accepté de les inclure dans le chantier sur la formule de financement, une façon polie de balayer le problème sous le tapis et de calmer la grogne étudiante.
Parlons-en, des chantiers. Il y en aura cinq: sur une loi-cadre, sur la création d'un conseil des universités, sur la formation collégiale, sur la nouvelle politique de financement et sur l'accessibilité.
On peut se moquer de cette manie de multiplier les chantiers, mais le gouvernement ne pouvait pas faire autrement. Impossible de régler des dossiers aussi complexes que la gouvernance, la reddition de comptes et la formule de financement en un jour et demi, au détour d'un sommet, aussi bien rodé soit-il.
Pauline Marois a insisté pour que les échéanciers des chantiers soient courts. Pas question d'étirer l'exercice pendant des années. Elle a aussi nommé des gens aguerris pour les présider, comme Lise Bissonnette, ex-directrice du Devoir, et Claude Corbo, ex-recteur de l'Université du Québec à Montréal.
Québec s'est attaqué aux vrais problèmes, ceux soulevés par le printemps érable. On a souvent dit que les étudiants avaient fait le procès des universités. C'est vrai. Et ils avaient raison. Pendant 15 ans, le gouvernement a perdu de vue ses universités. Au cours des années 90, elles ont subi des compressions sauvages, le ministère de l'Éducation a perdu des fonctionnaires d'expérience avec les nombreuses mises à la retraite et le Conseil des universités a été aboli. Les recteurs se sont retrouvés seuls et fauchés. Ils ont surnagé en multipliant le nombre d'étudiants, car le financement est calculé par tête de pipe, et ils ont ouvert des campus à tout vent. Ils ont aussi fait des folies: des indemnités de départ scandaleuses, des allocations de dépenses somptueuses, des dérives immobilières ruineuses.
Québec va tenir les universités à l'oeil. Elles auront davantage d'argent - 800 millions de plus en 2018 -, mais en échange, elles devront rendre des comptes et respecter des «objectifs nationaux»: embauche de professeurs, hausse du nombre de diplômés de première génération, davantage de recherche, etc. Un peu sur le modèle des contrats de performance, mais sans leur côté tatillon.
Mais avant de toucher à cette cagnotte, Pauline Marois les matraque avec des compressions monstres: 250 millions en deux ans, qui débutent maintenant. Les universités doivent donc traverser deux années de galère avant de voir le bout du tunnel. Si le gouvernement de Pauline Marois est battu aux prochaines élections - l'espérance de vie d'un gouvernement minoritaire est d'un an et demi -, les recteurs n'auront connu que des compressions. Et des chantiers.


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