Les boulets de Philippe Couillard

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Couillard est lui-même son pire boulet





Deux semaines à peine après l’arrestation par l’UPAC de sept personnes pour complot, corruption et fraude envers le gouvernement – y compris les deux ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté -, l’émission Enquête ajoute un autre boulet au pied du premier ministre Couillard.

Pour visionner le reportage, c’est ici.


Selon Enquête et une série de courriels obtenus par l’émission, sous le gouvernement de Jean Charest - soit en 2010 et 2012 -, Sam Hamad aurait joué de son influence au sein du gouvernement pour faciliter l’obtention d’un prêt et d’une généreuse subvention pour l’entreprise horticole Premier Tech – entreprise dont Marc-Yvan Côté était membre du conseil d’administration.


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L’«ami» Sam


M. Côté aurait alors exercé un lobbyisme intense auprès de M. Hamad sans être inscrit au registre des lobbyistes du Québec. M. Côté était également à l’époque un proche ami de M. Hamad et ancien collègue de ce dernier à la firme de génie-conseil Roche.


(Rappelons aussi que parmi les sept arrestations de l’UPAC, deux autres visaient également un ex-président de Roche et une ex-vice-présidente de la même firme.)


Pour compléter le tableau, toujours selon Enquête, M. Côté aurait même sollicité des contributions politiques «significatives» auprès de Premier Tech pour un cocktail de financement de M. Hamad. M. Côté et sa famille avaient également fait leurs propres contributions au PLQ. (N.B. Aucun des courriels obtenus par Enquête provenait de Sam Hamad lui-même, mais plusieurs faisaient état de son rôle allégué dans toute cette histoire.)


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La combinaison classique


Bref, on trouve ici la combinaison classique à laquelle la commission Charbonneau nous avait tant habitués : lobbyisme illégal, favoritisme, octroi de subventions gouvernementales en échange d’un financement politique possiblement aussi illégal, etc... Le tout, pour le cas actuel, étant toutefois des allégations.


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Deux hommes d’influence et d’ambitions


Au cœur de ces mêmes allégations, on trouve un ingrédient déterminant. Soit l’«amitié» qui liait deux hommes d’influence et d’ambitions: Sam Hamad et Marc-Yvan Côté.


Aujourd'hui, considérant le sérieux des allégations, les partis d’opposition demandent le retrait immédiat de Sam Hamad - président actuel du Conseil du trésor - du conseil des ministres et du caucus. Du moins, le temps de faire la lumière sur celles-ci.


Question de savoir si M. Hamad aurait joué ou non de son influence pour privilégier l’octroi d’un prêt et d’une subvention à Premier Tech. À savoir aussi s’il aurait divulgué ou non à Marc-Yvan Côté des informations privilégiées issues du conseil des ministres ou du caucus libéral.


Comment? Par trois enquêtes. Une du Commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale. Une autre du Commissaire au lobbyisme. Et enfin, une enquête policière de  l’UPAC.


En réaction, le ministre Hamad nie le tout en bloc. Ce ne sont là, dit-il, qu’un pétard mouillé, des insinuations et des amalgames non fondés. Ce n'est qu'in extremis, après quelques entrevues, que le ministre a semblé mesurer le sérieux de la situation suffisamment pour demander lui-même une enquête du commissaire à l'éthique.


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Fréquenter l’infréquentable


En entrevue à Puisqu’il faut se lever, Sam Hamad était toutefois incapable d’expliquer le pourquoi de sa proximité continue avec Marc-Yvan Côté, son ami, jusqu’à l’élection de 2012, alors que ce dernier avait été banni à vie du Parti libéral du Canada en 2005 pour avoir distribué illégalement, en plein scandale des commandites, de 150 000$ à 225 000$ en argent comptant à des candidats libéraux fédéraux. 


Il admettait néanmoins avoir eu des échanges avec M. Côté à propos du projet de Premier Tech, mais nie avoir joué de son influence auprès de la présidente du Conseil du trésor de l’époque, Michelle Courchesne, pour le faire aboutir. Celle-là même à qui les courriels en question font référence sous le sobriquet enfantin de «la Madame au trésor» et qui, malgré les pressions, refusait de plier.


Toujours en entrevue, M. Hamad jure qu’il collaborerait à toutes les enquêtes. Il refuse cependant de quitter temporairement le conseil des ministres, mais confirme du même souffle qu’il n’en a pas encore parlé au premier ministre.


En ce qui concerne le cas ahurissant de Marc-Yvan Côté - organisateur libéral de longue date, redouté et redoutable, de même que vice-président du développement des affaires chez Roche de 1994 à 2005 et banni à vie du PLC en 2005 -, c’est à se demander ce qu’il aurait fallu au gouvernement Charest pour le décréter une fois pour toutes infréquentable ?


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Un sérieux problème politique


Pour le premier ministre Philippe Couillard, les allégations d’Enquête posent un sérieux problème politique.


Comme je l’écrivais ici dans la foulée des arrestations de l’UPAC, pour M. Couillard, il ne sera «pas facile de se défaire des «vieux démons» (du PLQ) quand le même parti, sauf pour une brève parenthèse péquiste, trône au pouvoir depuis 2003. Quand l’UPAC et la juge Charbonneau concluent aussi à un problème «systémique», difficile d’effacer l’ardoise


Or, les allégations d’Enquête ajoutent maintenant le nom de Sam Hamad à la liste des «vieux démons» libéraux qui, dans les faits, ne sont pas si «vieux» que ça.


Pour le premier ministre, le problème est réel. Et ce, essentiellement, pour cinq raisons.


1) Parce qu’il contrôle les cordons de la bourse du trésor public des Québécois, Sam Hamad - son président actuel du Conseil du trésor -, se doit d’être au-dessus de tout doute et de tout soupçon. Or, tant et aussi longtemps que la lumière n’aura pas été faite sur les allégations d’Enquête, elles le priveront de cette qualité essentielle au poste qu’il occupe.


2) Parce qu’à l’automne 2012, M. Hamad, avec l’ex-ministre Yves Bolduc, fut le premier à signifier publiquement son appui à Philippe Couillard avant même que ce dernier annonce sa propre candidature à la succession de Jean Charest. M. Hamad, rappelons-le, fut également le directeur de la campagne à la chefferie de Philippe Couillard.


Du moment où la réputation de M. Hamad est écorchée, à tort ou à raison, sa grande proximité avec le premier ministre forcera inévitablement ce dernier à traîner cette autre casserole embarrassante héritée de l’ère Charest. Et ce, deux semaines seulement après l’arrestation de deux ex-ministres libéraux. Le tout, au moment même où son gouvernement perd déjà quelques plumes dans les sondages.


3) Parce qu’un autre voyant jaune s’allume sur le tableau de bord du premier ministre dans toute cette histoire. Le député caquiste Éric Caire rappelle en effet que «l'entreprise en question, Premier Tech, a reçu un préavis de blâme de la commission Charbonneau en avril 2015 pour avoir « participé à des stratagèmes de fausse facturation avec la firme Roche afin de contribuer à la campagne électorale» des libéraux.»


4) Parce que des courriels de Marc-Yvan Côté font également état d’appels téléphoniques qu’aurait placés Sam Hamad dans le même dossier, mais auprès du président d’Investissement Québec de l’époque – Jacques Daoust. Or, M. Daoust est aujourd’hui ministre des Transports sous Philippe Couillard.


5) Parce que les allégations d'Enquête soulèvent inévitablement d'autres questions gênantes pour le gouvernement Couillard. Du genre: si ces allégations s'avèrent fondées, M. Hamad aurait-il joué de son infuence pour d'autres dossiers et d'autres firmes? D'autres ministres l'ont-ils fait? (Des accusations à cet effet sont déjà portées par l'UPAC contre l'ex-vice première ministre Nathalie Normandeau.) Etc.


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Coincé


Bref, le premier ministre se retrouve coincé, à nouveau, entre l’arbre et l’écorce.


Soit entre, d’un côté, ses affirmations répétées voulant que sous sa direction, le PLQ soit devenu «irréprochable» sur le terrain glissant de l'éthique. Et de l’autre, les arrestations de l’UPAC et maintenant ces allégations sérieuses sur Sam Hamad.


Ce sont les mêmes allégations qui, à nouveau, viennent rappeler à la population que plusieurs des ministres de Philippe Couillard – et incluant lui-même -, étaient membres du gouvernement Charest. Le même régime encore tout récent et sous lequel un problème systémique de financement politique illégal et de favoritisme se serait peu à peu installé.


Pour le premier ministre, à terme, c’est peut-être là son véritable boulet.


L'Unité permanente anticorruption mène d'ailleurs 46 autres enquêtes sur autant de dossiers dont on ne sait lesquels pourraient aboutir ou non à nouveau dans la classe politique québécoise.


S’il fallait que d’ici les élections générales du 1er octobre 2018, d’autres «vieux démons» de l’ère Charest viennent le hanter à leur tour, le boulet politique ne ferait que s’alourdir d’autant.


Son silence actuel sur l'affaire Hamad ne pourra toutefois pas tenir encore longtemps.


 




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