Les bons et les mauvais côtés de la mondialisation économique globale*

Chronique de Rodrigue Tremblay

« Les nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement
dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de
vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels. »
- Montesquieu, (Charles Louis de Secondat), (1689-1755)

« Une entente commerciale [avec les Etats-Unis] pour harmoniser le
commerce, la sécurité, ou les pratiques de défense signifierait, en
bout de ligne, à obliger le Canada et le Mexique à ... céder à la
puissance américaine le contrôle sur le commerce et sur les
investissements étrangers, sur la réglementation environnementale, sur
l'immigration, et dans une large mesure, sur la politique étrangère et
la politique monétaire, et même sur la politique budgétaire. »
Roy McLaren (1934-), ancien ministre du Commerce libéral du Canada, (1983)
'La mesure idéale du bien est’ « le plus grand bonheur pour le plus
grand nombre ».

- Jeremy Bentham (1748-1832)

Un des phénomènes marquants du dernier quart de siècle, et sans doute
le plus marquant dans le domaine économique, mais aussi dans le
domaine politique, a été la montée de la mondialisation économique
globale laquelle se manifeste par une interdépendance accrue des
économies nationales et par une concurrence économique accrue, non
seulement entre les entreprises mais aussi entre les pays.

Cette interdépendance et cette concurrence ont progressé beaucoup plus
rapidement qu’on aurait pu l’envisager, il y a 25 ou 30 ans, de sorte
que l’intégration économique à l’échelle mondiale dépasse grandement
le seul domaine du commerce international pour englober la mobilité
internationale des entreprises et l’intégration des marchés financiers
et monétaires. Dans certains domaines où domine la technologie,
notamment dans le domaine du numérique et des technologies de
l’information, nous vivons déjà dans un monde presque sans frontières
nationales. Les conséquences de cette mondialisation accrue ne sont
pas seulement économiques; elles sont aussi politiques et sociales.

Mais qui dit mondialisation dit aussi une plus grande complexité des
échanges et une plus grande vulnérabilité des économies nationales à
des chocs venant de l’extérieur. Il faut donc que les retombées
positives qui résultent de la mondialisation des rapports économiques
soient supérieures aux risques de pertes de toute nature qui découlent
d’une plus grande complexité et d’une plus grande vulnérabilité.

Aux coûts purement économiques de la complexité, il faut ajouter les
coûts politiques et sociaux d’une plus grande complexité économique
globale.

En effet, la complexité des relations économiques et financières a
pour conséquence d’augmenter les coûts de transaction politique et de
nuire au fonctionnement de la démocratie en réduisant la possibilité
pour les citoyens d’être informés de ce qui se passe et, au besoin, de
s’y objecter. Il en résulte aussi, au plan social, que l'économie est
de moins en moins encastrée dans les relations sociales; ce sont
plutôt les relations sociales qui sont encastrées dans un système
économique de plus en plus mondialisé.

Un projet mondial avant tout politique est venu se greffer à la
mondialisation économique globale, essentiellement sous égide
américaine, et c’est celui d’affaiblir la conscience nationale dans
les états nations, en faisant la promotion du « multiculturalisme »,
et celui tout autant problématique du démantèlement du système d’État
providence et de filet de sécurité sociale dans les pays, érigé après
la Deuxième guerre mondiale, au profit d’une mouvance mondialiste
essentiellement anti-démocratique et oligarchique.

En bout de ligne, nous conclurons que la complexité économique globale
accrue du dernier quart de siècle a eu une conséquence générale : et
ce fut celle de contribuer à augmenter le pouvoir des administrateurs
des grandes entreprises et des méga banques, de même que celui moindre
des politiciens et des bureaucrates, au dépens des personnes moins
instruites et moins mobiles, et d’affaiblir la santé démocratique dans
de nombreux pays.

I- Causes principales de la mondialisation économique globale

Deux révolutions sont à l’origine du phénomène de la mondialisation
économique globale.

- La première a été la révolution technologique numérique, considérée
comme une nouvelle révolution industrielle. Cette dernière est apparue
avec les innovations fondamentales qu’ont été, entre autres,
l’ordinateur, l’Internet en tant que réseau informatique mondial, et
les satellites de télécommunications, ces derniers permettant de
communiquer de manière quasi instantanée avec les quatre coins de la
planète.
- La deuxième révolution a été l’effondrement, en 1991, de l’Empire
soviétique et du système économique communiste centralisé. On a pu
dire que cette révolution politico-économique consacrait le « triomphe
du capitalisme (corporatif) mondial » et celui des marchés
décentralisés et peu règlementés.

Or, au cours du dernier quart de siècle, le mouvement vers une
mondialisation économique globale s’est accéléré. Ses trois
principales composantes sont :
- primo, la mondialisation commerciale;
- secundo, la mondialisation industrielle et technologique; et
- tertio, la mondialisation financière globale (financière, bancaire
et monétaire).

Ces trois facettes de la mondialisation économique n’ont pas eu les
mêmes effets sur les personnes et sur les pays.

Il convient donc d’identifier les effets nets pour chacune de ces
trois composantes de la mondialisation économique globale. En effet,
on a pu espérer, en théorie, que la mondialisation économique globale
allait renforcer l'intégration économique des pays, et produire une
convergence des économies en accroissant leur productivité et leur
croissance économique, en réduisant la pauvreté mondiale, en plus de
devenir un facteur de paix dans le monde.

En pratique, on peut dire aujourd’hui que cette vision des choses
était peut-être trop optimiste et force est de reconnaître que les
résultats de la mondialisation économique globale du dernier quart de
siècle sont plus complexes et moins inéluctables que certains
l’avaient cru.

C’est que la mondialisation économique globale, et la concurrence
internationale qui l’a accompagnée, ont généré des effets qui ont
certes été positifs pour les populations, mais elle a aussi produit
des effets pervers pour certaines catégories de travailleurs et pour
les gouvernements et leurs populations qui doivent faire face à la
mobilité internationale croissante des entreprises et des institutions
financières et bancaires, et pas seulement de celles qui sont par
nature ‘multinationales’.

En d’autres termes, la mondialisation économique globale a pu faire
des gagnants nets et des perdants nets, et il serait bon d’établir un
bilan provisoire, même s’il ne s’agit que d’une synopsis
nécessairement incomplète d’un phénomène complexe.

II- La mondialisation commerciale

La création de l’organisation mondiale du commerce (OMC), en 1994, a
marqué une accélération de la libéralisation multilatérale des
échanges entreprise sous l’égide de l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce (GATT), créé en 1947, au cours des décennies
précédentes.

Effectivement, au cours du dernier quart de siècle, les exportations
mondiales ont cru à un taux exponentiel de 6,0 pourcent en volume,
soit une croissance beaucoup plus rapide que le taux annuel moyen de
croissance de la production réelle mondiale, lequel progressa au
rythme d’un peu moins de 4,0 pourcent entre 1990 et 2010. Cependant,
on observe, depuis la crise financière de 2008-09, une cassure dans la
croissance commerciale mondiale, les exportations mondiales croissant
depuis à un rythme qui se rapproche de la croissance économique
globale, laquelle oscille entre deux et trois pourcent annuellement.

La mondialisation commerciale est sans doute la moins critiquable des
trois facettes de la mondialisation économique globale. Il existe même
un consensus assez large chez les économistes que, tous comptes faits,
ses effets sont beaucoup plus positifs que négatifs.

Les consommateurs en ont profité grandement, avec des gains résultants
des prix abaissés et de la qualité accrue d’une gamme plus étendue de
produits et de services. Les autres grands gagnants de la croissance
du commerce multilatéral ont été les détenteurs de capitaux en général
(rendements plus élevés) et les administrateurs des grandes
entreprises (rémunérations accrues).

Du côté négatif, c’est chez les travailleurs moins qualifiés qu’on
observe des pertes avec une stagnation de l’emploi et une baisse des
salaires réels, dans les pays industrialisés. Il en va de même des
industries qui ont été confrontées à une concurrence internationale
accrue et qui ont subit des contractions, des délocalisations et une
certaine désindustrialisation.

Cependant, les études empiriques sur ces questions arrivent à la
conclusion que les gains des pays industrialisés à la division
internationale du travail sont supérieurs aux pertes, et que pour
l’ensemble des pays, cela crée un résultat de gagnant-gagnant.

Le problème des pays industrialisés face à la mondialisation
économique serait avant tout un problème de répartition de gains afin
de pouvoir indemniser les perdants en leur accordant une part des
gains proportionnée à leurs pertes.

En d’autres termes, cela est une question de politiques
gouvernementales et de justice sociale. Il appartient alors au
gouvernement, par exemple, de subventionner le recyclage des
travailleurs déplacés par la concurrence internationale.

Parmi l’ensemble des pays, ce sont les pays nouvellement
industrialisés de l’Asie (Chine, Japon, Corée du Sud, etc.) qui ont
été les grands gagnants de la mondialisation commerciale, mais aussi
de la mondialisation industrielle comme on le verra plus loin. Leur
croissance économique et leur rattrapage industriel ont été
fulgurants.

III- La mondialisation industrielle et technologique

Parallèlement à l’explosion commerciale mondiale, le monde a aussi
connu, au cours du dernier quart de siècle, une semblable explosion
dans les investissements directs étrangers (entrées et sorties de
capitaux directs). Ainsi, la part dans le PIB de tous les pays des
investissements directs étrangers passa de 11 pourcent en moyenne en
1980 à 34 pourcent en moyenne en 1998. Mais encore ici, depuis la
crise financière de 2008-09, l’investissement direct étranger a connu
un net ralentissement. Il a atteint un sommet historique en 2007, soit
2 000 milliards USD. Six années plus tard, en 2013, l’investissement
direct étranger se situait encore à un niveau inférieur de 30 pourcent
par rapport à son niveau de 2007.

La mobilité internationale des entreprises, de leurs technologies et
de leurs capitaux, est beaucoup plus problématique que la
mondialisation commerciale en tant que telle, laquelle continue de
reposer sur les avantages économiques comparés de chaque pays, quand
les populations sont immobiles d’un pays à l’autre et quand les
fluctuations dans le taux de change de leur monnaie équilibrent leur
balance des paiements.

On ne peut mettre sur le même pied le libre-échange commercial,
assorti de règles contre le dumping et la concurrence déloyale et de
fluctuations dans les taux de change, et la libre mobilité
internationale des entreprises, de leurs technologies et de leurs
capitaux.

Dans le premier cas, il s'agit d'échanges commerciaux fondés sur les
avantages comparés en ressources, en main d'œuvre et en technologies
de chaque pays, lesquels échanges mènent à la spécialisation dans la
production et à la création d'économies d'échelle, sources de gains de
productivité et de hausses des niveaux de vie dans tous les pays, même
si les gains nets ne sont pas répartis également entre les pays.

Par contre, le déplacement des entreprises, de leurs capitaux et de
leurs technologies d’un pays à l’autre peut modifier les avantages
comparés de chaque pays et devenir un élément beaucoup plus
problématique de la mondialisation économique globale, car il n’est
pas exclu qu'un pays peut être un perdant net et un autre gagnant net
de ces transferts.

C’est que le déplacement des entreprises d’un pays à l’autre peut tout
aussi bien être un substitut au commerce international entre les pays
qu’un moyen d’accroître les échanges commerciaux à l’intérieur de
chaque entreprise mondialisée.

Un phénomène de désindustrialisation peut alors se mettre en marche,
créant des problèmes de productivité et de croissance économique, sans
que les gouvernements nationaux ne puissent y faire face adéquatement.
Ceci n’est cependant pas inéluctable. En effet, si la mondialisation
industrielle accroît les échanges intra-entreprise et si les échanges
globaux d’une économie augmentent, un pays peut sortir gagnant net de
la mondialisation industrielle. Le résultat devient une affaire
empirique, de là pour un gouvernement national l’intérêt de suivre la
situation de près.

Il faut dire, cependant, qu’il est devenu de plus en plus difficile
aux gouvernements nationaux de poursuivre une politique industrielle
autonome. En effet, de nos jours, la plupart des ‘ententes de
libre-échange’ sont en fait des ‘ententes de libre circulation des
entreprises’ et comportent des clauses qui nient aux gouvernements
nationaux le droit de poursuivre une politique industrielle pour
hausser la productivité industrielle et les salaires réels des
travailleurs. De plus, ces ‘ententes de libre circulation des
entreprises’ sont négociées en secret et sont adoptées par les
législateurs les yeux bandés. Il va de soi qu’un tel désarmement
industriel de la part des États peut gruger les avantages qui
découlent de la mondialisation commerciale et de la plus grande
spécialisation industrielle qui en résulte.

On a là une des causes de la stagnation des salaires réels dans les
pays industrialisés depuis un quart de siècle. C’est que la
mondialisation industrielle peut priver un pays de ses avantages
industriels comparés lorsque plusieurs de ses entreprises transfèrent
leurs technologies, leurs capitaux et leurs productions dans des pays
à bas salaires ou à bas taux d’imposition des profits.

Pour les pays industrialisés, en particulier, exporter leurs
entreprises et leurs avantages comparés peut s'accompagner d'une
désindustrialisation et d'une certaine stagnation économique, en plus
de contribuer à la baisse des salaires et des revenus réels d'une part
importante de leur population ouvrière.

C’est pourquoi chaque cas de déplacement d’activités de production
d’un pays à l’autre doit donc être jugé au mérite. À titre d’exemple,
si un fabricant d’automobiles dans un pays développé transfère une
activité d’assemblage dans un pays à bas salaires mais exporte de sa
base nationale moteurs et autres pièces spécialisées, le pays
d’origine peut sortir gagnant net.

Ce n’est que lorsqu’une entreprise nationale transfère une technologie
exclusive dans un autre pays qu’il peut y avoir alors transfert
d’avantages comparés et que le pays d’origine peut se transformer,
d’exportateur, en un importateur. Dans ces circonstances, un pays peut
être un perdant net de la mondialisation industrielle, en perdant des
technologies exclusives, des activités de production, des revenus et
des emplois, dans un processus de lente désindustrialisation.

La mondialisation industrielle peut aussi créer un problème d'équité
fiscale et d’inégalités des revenus et de la richesse entre
différentes catégories de contribuables dans chaque pays quand les
entreprises et les travailleurs les plus mobiles internationalement
exigent des baisses d’impôts. Les gouvernements sont alors obligés
d'augmenter des taux d'imposition régressifs sur les revenus des
salariés ordinaires et sur les dépenses de consommation. Les
gouvernements nationaux peuvent aussi être appelés à se concurrencer
vers le bas en matière de réglementation industrielle, de politiques
sociales et de politiques de préservation de l’environnement.

IV- La mondialisation financière, bancaire et monétaire

Si la mondialisation industrielle est problématique dans ses effets,
la mondialisation financière, bancaire et monétaire l’est encore
davantage, compte tenu de la spéculation qui entoure les déplacements
internationaux du capital financier.

Il faut dire que les prêts et emprunts internationaux existent depuis
fort longtemps. Ainsi, au 19ème siècle, les épargnent des pays riches
permirent de financer de grands projets d’infrastructure dans d’autres
pays plus pauvres. Les entrées et sorties de capitaux de portefeuille
(obligations, actions, etc.) profitent à la fois aux épargnants et aux
emprunteurs et encouragent les échanges commerciaux. En effet, un pays
emprunteur net est habituellement un pays importateur net, et
l’inverse pour le pays prêteur. De tels prêts et emprunts
internationaux sont des facteurs d’efficacité économique et méritent
d’être encouragés.

L’intégration internationale des marchés financiers est une situation
qui reflète une réalité objective, soit celle selon laquelle certains
pays génèrent des excédents extérieurs et d’autres des déficits
extérieurs. La mobilité internationale des épargnes est en soi une
bonne chose, d’un point de vue économique. L’importance est que les
pays conservent leur pouvoir de réglementation de leurs marchés
financiers et monétaires, et conserve la main mise sur leur secteur
bancaire.

On observe depuis quelques décennies que les méga banques et autres
institutions financières exercent des pressions politiques énormes
afin d’être libérées des réglementations nationales. Aux Etats-Unis,
par exemple, ce lobbying s’est traduit par l’abolition par
l’administration de Bill Clinton, en 1999, de la réglementation
bancaire de la loi ‘Glass-Steagall’, adoptée en 1933 pour éviter une
répétition de la crise financière de 1929. Or, cette abolition a joué
un rôle majeur dans la crise financière de 2008-09, crise dont les
effets néfastes continuent de se faire sentir de part le monde.

La perte de souveraineté nationale des états nations en matière de
réglementation financière, bancaire et monétaire signifie que les pays
perdent de ce fait la possibilité de recourir à des ajustements par
les prix pour corriger les déséquilibres dans leurs comptes
extérieurs, et doivent s’en remettent à des ajustements par les
quantités (licenciements, baisses des dépenses publiques, hausses
d’impôts, etc.), beaucoup plus coûteux à mettre en place en termes de
bien-être.

Si, suite à une baisse de la demande extérieure, les prix et les
salaires réels ne peuvent bouger à la baisse pour corriger un déficit
extérieur, (et ne peuvent augmenter pour corriger un excédent
extérieur), ce sont des politiques dites d’austérité (baisses des
dépenses publiques, hausses des taxes et impôts, etc.) qui doivent
alors suppléer en ralentissant la demande intérieure. Il s’en suit
alors des contractions de production et d’emploi, lesquelles frappent
plus durement certains segments de la population que d’autres et qui
peuvent plonger un pays en récession économique.

C’est là un problème structurel majeur à l’intérieur des unions
monétaires mal structurées, comme c’est le cas présentement en Europe
avec la zone euro, à l’intérieur de laquelle cohabitent des économies
à très haute productivité, telle l’économie allemande, et des
économies à plus faible productivité, telles celles de la Grèce ou du
Portugal.

En l’absence de mécanismes institutionnels complexes de transfert de
pouvoir d’achat entre les pays excédentaires et les pays déficitaires,
la rigidité de la monnaie unique —quelques soient ses avantages
microéconomiques pour les entreprises et les consommateurs —peut créer
des problèmes macroéconomiques majeurs. Ainsi, la monnaie commune peut
être sous-évaluée pour les économies excédentaires et surévaluée pour
les économies déficitaires. D’où le besoin de recourir à des
politiques coûteuses d’austérité dans ce dernier cas, avec tous les
problèmes politiques et sociaux qui en résultent.

Une autre conséquence négative de l’intégration financière, bancaire
et monétaire des économies et de la complémentarité croissante des
économies nationales vient de la plus grande vulnérabilité des pays
aux chocs extérieurs et des effets de la transmission des crises
économiques et financières d'un pays ou d'une région à l'autre.

La crise financière de 2008-09 est un bon exemple de ce phénomène
quand une crise financière et bancaire prenant naissance dans un pays
se propage rapidement par les marchés financiers et monétaires d’un
pays à l’autre et influence l’ensemble de l’économie mondiale. De
telles crises sont souvent causées par des pratiques bancaires
risquées et par un mauvais fonctionnement des marchés monétaires
internationaux, lesquels sont mal encadrés par les réglementations
nationales ou internationales existantes.

En effet, une des conséquences de l’intégration accrue des marchés
financiers et monétaires des pays et de l’activité bancaire a été une
certaine mondialisation des crises économiques et financières et une
plus grande vulnérabilité et fragilité des économies nationales, au
moment même où les gouvernements nationaux perdaient une part
importante de leurs pouvoirs et leurs instruments d’intervention pour
y faire face.

V- Conclusions générales

Est-ce que le monde est dans un meilleur état aujourd’hui qu’il ne
l’était il y a vingt-cinq ans ?

On peut dire que la mondialisation économique globale du dernier quart
de siècle a certes eu des effets économiques positifs pour plusieurs
pays et leurs populations, mais qu’une telle mondialisation est
peut-être aussi allée trop loin, trop vite, dans certains pays, et
cela principalement depuis la crise financière de 2008-09.

En effet, d’une part, la mondialisation commerciale a résulté en une
plus grande efficacité économique au plan mondial pour les
consommateurs, pour les grandes entreprises, pour leurs dirigeants et
pour les travailleurs les plus qualifiés. Certaines économies
nouvellement industrialisées, telle celle de la Chine, en ont retiré
des gains substantiels.

D’autre part, la mondialisation industrielle a mis en marche un
processus de désindustrialisation dans plusieurs pays développés.

Elle a aussi concentré les retombées positives pour les facteurs de
production les plus mobiles (capitaux, entreprises, technologies) au
détriment des facteurs de production plus immobiles (en particulier le
facteur travail, et tout particulièrement les travailleurs peu ou
moins qualifiés).

De même, la mondialisation financière, bancaire et monétaire a réduit
la souveraineté nationale de la plupart des états nations et abaissé
leur capacité d'intervention économique et sociale. L'affaiblissement
des états nations et le désarmement des gouvernements nationaux en
matière de pouvoirs d'intervention dans l'économie dus à la mobilité
internationale des entreprises et à la mondialisation financière et
monétaire est un aspect important de la mondialisation économique
globale du dernier quart de siècle.

Comment classer les différents éléments de la mondialisation
économique globale ? A-t-elle profité surtout à une élite économique
et laissé derrière un cortège de perdants ou a-t-elle profité à tous à
des degrés divers ? Tout dépend si on considère les choses sous
l'angle d'un pays en particulier ou de celui de l'ensemble de
l'économie mondiale, et s'il existe des mécanismes institutionnels
pour que les gagnants nets de la mondialisation compensent ou non les
perdants nets.

Pour l'économie mondiale dans son ensemble, la mondialisation
économique du dernier quart de siècle a pu favoriser un mouvement vers
une convergence des niveaux de vie et vers une répartition de
l'activité économique au plan géographique, ce qui a profité aux pays
les moins développés ou nouvellement industrialisés. Cela a pu se
faire, en contrepartie, au coût d'une certaine désindustrialisation
des pays les plus industrialisés et par une montée des inégalités de
revenus et de richesse dans ces pays. Au niveau d'un pays en
particulier, l'effet économique net de la mondialisation économique
globale est une question empirique.

Une chose est certaine, cependant, la mondialisation a profondément
modifié les rapports de force sociaux et politiques à l'intérieur de
chaque pays, en renforçant le pouvoir des entreprises et de leurs
dirigeants, et en diminuant celui des travailleurs et des
organisations ouvrières. Elle a pu nuire aussi à la santé démocratique
dans plusieurs pays.

En termes de politique économique, une conclusion s’impose. Dans ce
contexte de mondialisation économique globale, il apparaitrait
primordial que les gouvernements nationaux conservent un contrôle sur
leurs réglementations financières et bancaires, et au besoin, les
renforcent, de même que sur leurs politiques monétaires, sans quoi les
économies nationales, en période de grande crise, risquent de plus en
plus de devenir des navires sans capitaine et sans direction sur une
mer agitée.

_______________________________________________________________________* Tiré d’une conférence de l’auteur prononcée lors du Colloque humaniste
sur la nature humaine, Montréal, le samedi 6 juin 2015.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2015


    La prochaine bulle le marché du carbone...
    Une escroquerie, le réchauffement de la planète?
    http://gloria.tv/media/iVybaSfHe9m

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juin 2015

    C'est le cœur du problème.
    Si la mondialisation industrielle est problématique dans ses effets,
    la mondialisation financière, bancaire et monétaire l’est encore
    davantage, compte tenu de la spéculation qui entoure les déplacements
    internationaux du capital financier.

    C'est la banque Goldman Sachs qui gère le marché du carbone.
    http://www.goldmansachs.com/citizenship/environmental-stewardship-and-sustainability/environmental-markets/trading-and-capital-markets.html
    Goldman Sachs - La banque qui dirige le monde
    http://gloria.tv/media/REr6Josr1xv
    La prochaine bulle le marché du carbone...
    http://blogs.telegraph.co.uk/finance/jeremywarner/100003851/here-comes-the-next-bubble-carbon-trading/