Les beaux dimanches

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Retour au congé dominical


Il était une fois, au siècle passé, dans un autre millénaire, en fait, une journée dans la semaine qui était réservée à la famille. C’était le dimanche.


Les commerces n’étaient pas ouverts. Symboliquement, cela marquait une pause. Il fallait faire autre chose que travailler et consommer. Certains s’ennuyaient, probablement. Mais collectivement, c’était une manière de respirer, comme si le christianisme, à travers son héritage, nous civilisait encore un peu.


Mais le monde occidental, à partir des années 1990, s’est converti au tout-à-l’économie. Il fallait faire tomber les digues symboliques qui limitaient son expansion. Le repos du dimanche passait désormais pour un archaïsme.


Mondialisation


La mondialisation devenait l’horizon indépassable de l’humanité, qu’il fallait transformer en village global.


L’humanité était appelée à s’étourdir dans une consommation névrotique.


C’est ainsi qu’elle communiait autour de rituels aussi tristes que débiles. On se souvient ainsi des foules s’accumulant devant un Apple Store la veille de la sortie d’un nouveau téléphone. C’était comme la messe, mais cette fois, autour d’une idole, et même d’un faux dieu, la Technologie rédemptrice, dont Steve Jobs était le prophète.


Le nouveau monde se définissait par son culte du mouvement. Il ne devait jamais s’arrêter. Jamais.


Les circonstances actuelles nous obligent à ramener le dimanche. Pour des raisons de simple bon sens.


Dans la présente crise, il faut une journée pour prendre une pause, pour que chacun puisse respirer, pour que les commerces soient correctement désinfectés, pour que notre système ne s’effondre pas à bout de souffle.








Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.





Évidemment, il semblera étrange de ramener la pause du dimanche quand plusieurs se demandent déjà, avec raison, comment relancer notre système économique, que la pandémie endommage profondément.


Car ne nous trompons pas, la COVID-19 ne s’en prend pas seulement au corps humain, mais au corps social, qu’elle grippe, et pousse à l’effondrement. La crise économique qui s’annonce sera brutale. Le gouvernement Legault travaille déjà à la relance.


Il faudra néanmoins retenir quelques leçons de cette expérience collective traumatisante. Nous ne pourrons pas revenir au monde d’avant, comme si rien ne s’était passé.


Nous savons déjà qu’il nous faudra revenir aux États, aux nations et aux frontières, qui représentent les structures de base d’un monde civilisé, maîtrisable, respectant la diversité des peuples et des civilisations.


Les épidémies n’ont pas attendu la mondialisation pour sévir, mais comment nier le fait que la pandémie qui pousse la planète au confinement global trouve son origine dans les carences hygiéniques et sanitaires des marchés chinois et des coutumes qui s’y expriment ? La barrière protectrice était malheureusement absente.


Tout le monde savait qu’un jour, la mondialisation frapperait un mur, même si personne ne pouvait exactement savoir lequel.


Repos


Et nous devrons aussi sortir de l’économisme et d’un matérialisme tellement abrutissant qu’il nous poussait collectivement à nous jeter dans le vide.


Il se pourrait que la sanctuari­sation durable du septième jour de la semaine donne un symbole de ce temps libre retrouvé. On pourrait appeler ça les beaux dimanches. À tout le moins, nous devrons y penser.




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