Les banquiers devant les élus

Les grandes banques canadiennes se défendent de faciliter l’évasion fiscale

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Et il faudrait les croire sur parole !





Les Canadiens ont une fortune dans les paradis fiscaux qui totaliserait près de 300 milliards de dollars, mais les grandes banques du pays martèlent qu’elles prennent tous les moyens pour mettre un frein à l’évasion et l’évitement fiscaux.


Comment autant d’argent peut-il avoir été transféré alors que les banques disent ne pas encourager cette pratique? C’est l’une des nombreuses questions que les élus ont posées aux représentants des grands banquiers du Canada, qui étaient convoqués à l’Assemblée nationale mardi, en commission parlementaire, afin que soit éclairci le «phénomène du recours aux paradis fiscaux».


Le gouvernement était clair d’entrée de jeu. L’exercice ne devait pas se transformer en procès, mais plutôt en recherche de solutions.


«Ce n’est aucunement notre politique que d’aider des gens à faire de l’évasion ou de l’évitement fiscal. On n’a aucun intérêt à travailler avec des gens qui ne veulent pas respecter la loi [...] Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on voit ces choses-là se produire à travers le monde.»


Ces propos des vice-présidents de la Banque Nationale, Jean Dagenais et Claude Breton, résument une bonne partie du message qu’ont livré les banquiers qui ont défilé au parlement (Nationale, Scotia, Royale et Montréal).


Quelques députés, par contre, ont posé des questions plus pointues.


Le péquiste Jean-François Lisée a fait référence au fait que la Banque Royale du Canada a dû payer récemment 35 M$ aux autorités américaines, après avoir orchestré un stratagème avec des filiales étrangères dans le but diminuer le paiement d’impôts au Canada.


Il questionnait alors le directeur de l’Association des banquiers canadiens, Éric Prud’homme. «Vous avez dit que les banques du Canada respectent inconditionnellement les lois du pays et celles des autres territoires [...] [C’est] faux [...] puisque la Banque Royale du Canada admet qu’elle n’a pas respecté la loi américaine», a dit M. Lisée, mettant en lumière la «contradiction».


«On ne commente pas des cas spécifiques», a répondu M. Prud’homme.


Le député caquiste André Spénard a critiqué le fait que les banquiers nommaient les paradis fiscaux des «juridictions à faible taux d’imposition» et il a demandé: «Il y a 300 G$ dans les paradis fiscaux. J’imagine que cet argent transite par quelque part [...] Quelle est l’implication de vos membres dans ces 300 G$?»


Ce à quoi le représentant de l’association a répondu que les banques veulent s’assurer qu’elles sont concurrentielles sur le plan international, justifiant ainsi l’importance d’avoir des bureaux à l’étranger.


Le député du Parti québécois Nicolas Marceau a quant à lui rappelé qu’après les États-Unis, c’est la Barbade qui figure au sommet de la liste des pays qui reçoivent le plus d’investissements directs des Canadiens. «Le PIB de la Barbade, c’est 7 G$. Entre 2013 et 2014, il s’est transféré du Canada le même montant. De toute évidence, ça n’a pas contribué à augmenter le PIB. Où va cet argent? À quoi sert cet argent?» a-t-il demandé.


Le représentant de la Banque Royale a reconnu que cet investissement à la Barbade était réalisé «pour des raisons fiscales», soulignant l’importance d’une coordination internationale pour s’attaquer aux problèmes.


Jersey et Delaware


André Spénard a ensuite souligné à la Banque Royale qu’elle avait huit filiales à Jersey, dont la population est de 97 000 habitants. «Est-ce que vous soutenez les entreprises locales là-bas?» a-t-il demandé d’un ton ironique.


Le vice-président de la Banque, Russell Purre, a répondu que les activités de la banque dans les îles anglo-normandes (Jersey) servent des «clients qui veulent avoir une certaine protection, car ils résident dans un pays qui n’a pas les lois qu’on a ici, au Canada, en matière de protection. Ça peut être des personnes qui voudraient avoir une planification financière appropriée, une planification pour les héritiers, pour le patrimoine, par exemple».


Françoise David a continué en mentionnant que cette banque avait une douzaine d’entités au Delaware, dont la population est de 800 000 habitants. «Est-ce que vous soutenez les entreprises locales là-bas ou est-ce que, au fond, vous participez à un très large système d’évitement fiscal?» a-t-elle questionné.


Le représentant de la banque a répondu que les entités au Delaware visaient à soutenir les entreprises américaines, rendant sceptique la députée de Québec solidaire, qui a ajouté qu’une trentaine d’entreprises québécoises ne faisant pas affaire aux États-Unis avaient pourtant pignon sur rue au Delaware.




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