Dispute de famille interminable

Le vote ethnique fait ce qu'il peut, pour la souveraineté…

Réflexion d'un "importé" qui ne veut pas raser les murs

Tribune libre

Eu égard aux nom et prénom que je porte, la prudence et la sagesse m'enjoignaient à ne pas écrire ce texte. Et ce, même si j'aurai vécu 33 de mes 49 ans d'existence au Québec.

Cependant, en entendant les quelques déclarations éparses de quelques candidats - élus ou défaits - du Parti Québécois, à propos de ce qu'il est advenu de leur Parti lors des récentes élections provinciales, je ne peux m'empêcher de vous soumettre ce commentaire élémentaire.

Il convient de souligner ici que ni La Presse ni Le Devoir n'ont voulu publier ce texte. Mais c'est normal, puisque ces médias traditionnels sont surtout très forts en matière de monologue, mais très peu enclins au vrai dialogue démocratique. Ils sont là pour qu'on les écoute, point barre. Ils ont réussi à devenir pire que certains politiques véreux - tout un exploit ! - .

Par un manque de jugeote supplémentaire, je soumets donc maintenant ce texte à Vigile.net. S'il devait y être publié, il me reste à espérer que ses lecteurs habituels passeront outre une interprétation précipitée et épidermique de son contenu, pour comprendre plutôt que, dans le fond, mon propos est une contribution – sincère, franche et honnête – à un vrai débat sur l'état actuel et l'avenir des aspirations souverainistes au Québec.

Pour le moment, l'attitude des membres du Parti Québécois semble être de blâmer pratiquement tout le monde - voire, le monde entier - pour les résultats desdites élections, sauf eux-mêmes.

Certes, ils ont raison de dire qu'il y a eu de vils et méchants "jeux" électoraux (ça a joué particulièrement dur et sale, en effet), ils ont le droit d'alléguer que des médias leur ont nui (le soi-disant "quatrième pouvoir" fait souvent des siennes, et il est loin - lui aussi… - d'être indépendant), ils ont même le droit de clamer qu'ils ne méritaient pas ce qu'ils ont subi lors de ces élections (hélas, la vie est souvent injuste), tout cela, c'est bon, soit. C'est compréhensible. C'est même normal, en tant que première phase de réaction à une situation grave, douloureuse et traumatisante.

Mais lorsque le moment viendra de procéder à des analyses plus sereines et sérieuses, espérons que le fameux "vote ethnique" ne sera pas encore une fois le bouc émissaire tout désigné, en la matière.

Tout de suite une précision : j'ai résolument voté OUI au référendum de 1995. Ainsi que plusieurs membres de ma famille (la plupart des autres se sont abstenus). Je ne l'ai jamais regretté. Aussi : il est indéniable que la vaste majorité de Néo-Québécois sont fédéralistes. Mais là n'est pas la question. Du tout.

Le problème fondamental, pour les indépendantistes, c'est qu'au sein même de la population québécoise-francophone-de-souche, dite "pure laine", deux référendums sont venus établir que la proportion de ceux qui veulent vraiment que le Québec devienne un pays distinct ne dépasse pas, au maximum, 35%. La référence de ce - généreux - calcul étant deux référendums, tenus dans les meilleurs "conditions gagnantes" possibles, il s'agit bien d'un maximum…

Ainsi, lors du référendum de 1995, si seulement et uniquement les Québécois francophones de souche avaient voté, le résultat aurait été largement pire, pour le Oui… Par conséquent, lors de ce deuxième rendez-vous manqué du Québec avec l'Histoire, le vote ethnique a clairement bénéficié à l'option souverainiste, puisqu'il a permis d'accroître le 35% maximal du vote francophone de souche à cet égard, pour l'approcher tout près de 50%

Ajoutons aussi que, à travers toute l'histoire contemporaine du Québec, les Québécois qui ont combattu le plus farouchement possible les souverainistes, les Québécois à qui le Canada est redevable du fait qu'à ce jour le Québec ne soit pas devenu un État totalement indépendant, les Québécois plus royalistes que la Reine et plus-fédéralistes-que ça-tu meurs, eh bien, ce sont des Québécois-francophones-de-souche, portant notamment des prénoms beaucoup plus faciles à prononcer ici que celui du soussigné, en l'occurrence, Pierre ("-Elliott", c'était apparemment pour faire chic; à ce compte-là, j'aurais pu sortir aussi mon deuxième prénom légitime, "-Léon", trait d'union compris, même…), Jean, Stéphane, Robert, un autre Jean encore, etc., etc.

Bref, si aujourd'hui, tout comme lors dudit référendum de 1995, les Péquistes purs et durs vont borner leur réflexion, leur ire et leur courroux, concernant la question de la souveraineté du Québec, à la dénonciation et à la condamnation hâtives et sans appel des Néo-Québécois fédéralises, ça serait vraiment dommage. Car ils manqueront alors une autre occasion de comprendre la situation et de saisir la réalité. Si tant est qu'ils sont intéressés à le faire…

Car leur vrai problème, c'est que dans l'Histoire du monde et à travers toute la géographie terrestre, il n'y a pratiquement pas une région où un référendum sur l'indépendance nationale aura eu lieu, et où le peuple originaire, indigène (au sens premier et strict du terme), ne s'est pas empressé de voter OUI, dans une proportion massive et écrasante, quelque part entre 85% et 99%.

Le problème primordial, fondamental et prioritaire des Québécois francophones de souche qui veulent la souveraineté totale du Québec, ce sont les Québécois francophones de souche qui n'en veulent pas. Et c'est donc là-dessus qu'il faudrait concentrer en premier lieu l'étude de la problématique en cause, avant d'aller chercher autre chose, ailleurs. Chez les autres...

J'aimerais terminer ce commentaire en soulignant que j'ai beaucoup de chance de pouvoir vivre dans une société où, dans le contexte actuel même, quelqu'un qui se trouve dans mon cas peut écrire un texte comme celui-ci, sans mettre en péril sa sécurité physique. Et ça, ça ne changera jamais, dans notre Québec.

Joyeuses et Saintes Pâques, à tout le monde.


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6 commentaires

  • Haytoug-L. Chamlian Répondre

    19 avril 2014

    . "Où se trouve notre électorat-cible ? Voilà la toute première question à se poser ! Et comment va-t-on s’y prendre pour la recruter ? Vous voyez où je veux en venir : dans les Cégeps et les Universités."
    Chère Doris, les "carrés-rouge" ont anéanti le souffle souverainiste dans les Cégeps et les Universités.
    La preuve ? : 18 mois après le "printemps érable", le PLQ revient au pouvoir, avec une majorité massive.
    Et le lien de causalité qui sous-tend cette situation était tout à fait prévisible.
    Il s'agissait seulement de voir plus loin que le bout de son nez (boutonneux).
    Haytoug

  • Doris Bourque Répondre

    19 avril 2014

    Bonjour!

    Sans doute d'origine Arménienne (Comme Charles Aznavourian : mon préféfé en passant ). Ce que vous dites est vrai en partie. L'impotance n'est pas tant de chiffrer des données que : de voire quelle clientèle est la plus susceptible d'avoir un impact positif, significatif et durable sur l'option Souverainiste.
    Faisons l'analyse d'une autre façon. Supposons qu'il existe en ce moment un bassin de 60 % ''d'un ''électorat libre'' de francophones qu' il est possible de séduire, d'éduquer et de rallier aux 40 % de Souverainistes déjà convaincus.

    Où se trouve notre électorat-cible ? Voilà la toute première question à se poser ! Et comment va t-on s'y prendre pour la recruter ? Vous voyez où je veux en venir : dans les Cégeps et les Universités. Qui est convaincu que ''la majeure partie'' des jeunes entre 16 et 25 ans ont déjà une idée éclairée ou se font une idée très précise de la Politique et de l 'Économie d'un Pays Souverain ?
    Partons simplement des sujets :des libertés Démocratiques et de l'Économie des Pays Souverains. Agissons comme si nous devions tout reprendre à ses débuts en définissant à la base :les GRANDS PRINCIPES fONDATEURS.
    Pourquoi une Nation refuserait-t-elle d'accéder à la liberté de créer son propre pouvoir démocratique ,et ce, en fonction de la définition des ses Valeurs sociales, laïques, politiques et économiques sur lesquelles elle fonde ses principes ? Pourquoi une Nation remettrait-elle entre les mains de quelqu'un d'autre son propre pouvoir d'agir et d'assumer son Autonomie et la liberté de s'auto-déterminer en tant que pays Souverain ?
    C'est à la condition de poursuivre ce but, de viser et de miser sur LES JEUNES ADULTES EN FORMATION que nous parviendrons ,seulement, à établir de nouvelles connexions ; et que nous réussiront à créer ''ce pont de transition" marquant menant à l'Indépendance du Québec.

  • Gaston Boivin Répondre

    19 avril 2014

    Vos chiffres me semblent très discutables, pour ne pas dire hasardeux.
    De toute évidence, vous avez omis de consulter un texte majeur en la matière, celui de Pierre Drouilly de l'Université du Québec à Montréal, intitulé '' Le référendum du 30 octobre 1995: Une analyse des résultats'', que l'on peut retrouver à :
    http//www.pum.umontreal.ca/apqc/95_96/drouilly/drouilly.htm
    Ce qui y est révélé ne prêche pas en faveur de vos prétentions!

  • Archives de Vigile Répondre

    19 avril 2014

    D'abord, bienvenue sur le site de Vigile M. Chamlian.
    Je suis un peu surpris par cette affirmation: «Le problème fondamental, pour les indépendantistes, c’est qu’au sein même de la population québécoise-francophone-de-souche, dite "pure laine", deux référendums sont venus établir que la proportion de ceux qui veulent vraiment que le Québec devienne un pays distinct ne dépasse pas, au maximum, 35%.»
    Comment en êtes vous arrivé à établir ce chiffre de 35%?
    Vous dites aussi: «Le problème primordial, fondamental et prioritaire des Québécois francophones de souche qui veulent la souveraineté totale du Québec, ce sont les Québécois francophones de souche qui n’en veulent pas. »
    Là-dessus, je suis pas mal d'accord avec vous. Depuis vingt ans qu'on a cessé de faire la promotion de la cause. Ce n'est donc pas surprenant que les 35 ans et moins ne comprenne pas la nécessité de la chose. Nous avons un grand travail de rattrapage à faire pour convaincre les "de souche" sceptiques.
    Ceci étant dit, je persiste à croire que le vote ethnique (pas tous bien sûr, mais la grande majorité) est irrémédiablement acquise à ceux qui préfèrent la dépendance. D'ailleurs, là-dessus, vous me semblez vous contredire.
    D'abord, vous dites: «... il est indéniable que la vaste majorité de Néo-Québécois sont fédéralistes.»
    Plus loin, vous continuez avec «... le vote ethnique a clairement bénéficié à l’option souverainiste, puisqu’il a permis d’accroître le 35% maximal du vote francophone de souche à cet égard, pour l’approcher tout près de 50%»
    Pour ce faire, il aurait fallu que le vote ethnique vote très massivement pour la souveraineté. Je doute même que 20 ans passé, ils auraient été assez nombreux pour représenter 15% du vote.
    Pour moi, je persiste à croire que les anglos et le vote ethnique forment un bloc monolithique pour bloquer le projet de pays. Notre seule option est donc de convaincre les "de souche" à voter massivement pour leur pays.
    Et là, vous avez tout à fait raison: Nous avons tout un défi devant nous.
    Devrions-nous abandonner? Sur cette question, il semble que nos opinions divergent.
    Joyeuses Pâques, M. Chamlian!

  • Archives de Vigile Répondre

    19 avril 2014

    Ben oui
    C'est ce que rappelle Mathieu Block-Coté en permanence, quand il veut un grand rassemblement des francos.
    Le problème serait réglé depuis longtemps.
    Je pense quand-même que le vote francophone en faveur du oui, en 1995, peut-être estimé à 50-55 % de la population francophone, mais il ne s'agit que d'estimations, basées sur les circonscriptions, la langue d'usage, les recencements, etc.
    Disons que 40 % des 'souches', ne votent pas pour le oui, ce nombre ne semble pas changer, sans parler des problèmes dans les couches d'âges les plus jeunes.
    Ce sont eux, circonscriptions de la CAQ, circonscription PLQ de l'Estrie, la Mauricie, Roberval, Abitibi-Est qui ont fait la différence le 7 Avril, des endroits ou les immigrants sont rares.

  • Pierre Cloutier Répondre

    19 avril 2014

    Pourtant en 95 on a eu plus de 60% du vote francophone.
    Pierre Cloutier