Le Vatican est un État et le centre administratif d'une Institution

Le Vatican et l'Église

l'Église c'est le corps mystique du Christ et de son Esprit

Tribune libre


Avec la démission de Benoît XVI, les commentaires fusent de partout. Les médias font appel à leurs spécialistes des questions religieuses pendant que les journalistes vont surprendre monsieur et madame tout le monde pour leur demander ce qu’ils en pensent.
Sans m’être cloué à mon téléviseur ou à ma radio, je puis dire, sans me tromper, que la grande majorité des intervenants ont parlé du Vatican, comme si ce dernier était l'Église, et du Pape, comme s’il en était la « tête ».
Or le Vatican est un État avec plein de fonctionnaires, prêtres, évêques, cardinaux, qui y assument des fonctions bien centralisées autour de celui qui en est le chef. Il est également le centre qui a main mise sur la doctrine et la foi comme si ces dernières relevaient de leur pouvoir exclusif. À s’y arrêter de plus près, c’est comme si en lui s’incarnaient l’Esprit Saint et le Christ ressuscité et qu’en dehors de lui ce n’était que des brebis égarées en attente de la bonne nouvelle et des consignes du bon pasteur.
Nous sommes bien loin de l’Église dont nous parle l’apôtre Paul dans ses lettres aux Romains, aux Éphésiens et aux Corinthiens. Que nous dit-il ?
« Car, de même que notre corps en son unité possède plus d'un membre et que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le Christ, étant, chacun pour sa part, membres les uns des autres. Mais, pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c'est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ; si c'est le service, en servant ; l'enseignement, en enseignant ; » Rm 12,4-6
« Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c'est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur ; diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun. A l'un, c'est un discours de sagesse qui est donné par l'Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; (…) Mais tout cela, c'est l'unique et même Esprit qui l'opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l'entend. » Cor. 1 : 12,4-11
« Cependant chacun de nous a reçu sa part de la faveur divine selon que le Christ a mesuré ses dons. C'est lui encore qui » a donné » aux uns d'être apôtres, à d'autres d'être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l'œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ (…) Mais, vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons, de toute manière, vers Celui qui est la Tête, le Christ, dont le Corps tout entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l'actionnent selon le rôle de chaque partie, opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même, dans la charité. »
Éphés. 4, 11-16
Ces citations s’imposent du fait qu’elles mettent en évidence, entre autres, trois réalités fondamentales dans la vie de l’Église : l’Esprit saint qui agit comme il l’entend, le Christ qui est toujours la tête de l’Église et que les dons sont distribués par ces derniers de manière à mettre à contribution toutes les articulations du corps sans qu’aucune n’en ait le contrôle exclusif.
À la lumière de ces extraits, on ne peut que constater que le Vatican a pris le plein contrôle du corps qu’est l’Église en s’appropriant lui-même, par la voie de la doctrine et des sacrements, le pouvoir de l’Esprit saint de distribuer ses dons comme bon il l’entend. Si nous prenions un langage politique bien connu dans les pays du Tiers-monde, nous parlerions d’un coup d’État.
L’évangéliste Luc raconte que lorsque Jésus, le Nazaréen, amorça sa mission en Galilée, il se rendit au temple où on lui demanda de lire un passage du livre sacré. Ce fut un texte d’Isaïe :
« L'esprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé m'a donné l'onction; il m'a envoyé porter la nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance, proclamer une année de grâce de la part de Yahvé et un jour de vengeance pour notre Dieu, pour consoler tous les affligés. » Isaïe 61,1-4
Il ne fait aucun doute que l’Église, celle dont parle l’apôtre Paul, est toujours bien vivante à travers le monde. Elle n’attend pas que le Vatican s’ajuste à elle pour agir, pas plus que Jésus n’a attendu le Sanhédrin pour annoncer la bonne nouvelle du royaume. Aucune puissance terrestre, pas même le Vatican, le Pape, les cardinaux et les évêques ne peuvent se substituer à ce pouvoir de l’Esprit saint qui agit comme il l’entend. Il n’a pas à demander la permission à qui que ce soit pour distribuer ses dons, n’en déplaise aux autorités vaticanes et religieuses.
Au nombre des quelques commentaires que j’ai écoutés, il y en avait qui insistaient beaucoup pour dire que la fonction du Pape en était une de rassembleur et qu’il se devait de trouver un dénominateur commun pour assurer l’unité de l’Église. Il ne pouvait pas se permettre d’être trop à gauche ou trop à droite pour éviter de profondes divisions. Il lui fallait, à les entendre, qu’il fasse un peu plaisir à tout le monde.
Pareil commentaire m’apparaît tout à fait hors contexte d’une Église vivante dont la mission n’est pas de garder uni ce qui ne peut l’être, mais d’affirmer haut et fort la radicalité du message évangélique qui appelle à une conversion à la vérité, à la justice, à la bonté, à la compassion, à la solidarité.
Mgr Oscar Romero l’a fait au Salvador et on l’a tué. Il savait qu’il mettait sa vie en danger en prêchant le message évangélique et il l’a fait. D’autres, en Amérique latine et en Afrique, pour ne citer que ces deux continents, ont livré ce même combat sans être rattachés à quelque bannière religieuse. Déjà, pour eux l’Esprit leur avait fait découvrir que ces grands objectifs étaient des biens sacrés indispensables à une humanité qui se respecte. Ils ont été faits prisonniers, ont été torturés et tués. Des martyrs inconnus qui ne connaîtront jamais ici-bas les honneurs des autels, mais qui recevront, en son temps, ceux de l’Esprit-Saint et du Nazaréen.
Je ne sais pas ce qui va se passer avec le Vatican et ceux qui ont usurpé les pouvoirs de l’Esprit Saint et du Christ. Chose certaine, c’est que l’Esprit Saint et le Christ ne sont pas prisonniers du Vatican et qu’ils poursuivent, à travers des millions de personnes, leur œuvre de libération d’une humanité soumise à la cupidité et aux ambitions d’oligarchies sans scrupules. Ils suscitent des hommes et des femmes de bonne volonté pour mener ce combat et rassembler dans un même esprit ceux et celles qui aspirent à un monde tout autre de celui que nous servent les forces d’un monde de consommation, d’exploitation et de mensonge.
À moins que Pierre ne revienne à la base de sa véritable mission au service de cette bonne nouvelle d’une Humanité libérée des prédateurs et placée sous la gouverne du Nazaréen et de l'Esprit-Saint, le Vatican demeurera une référence culturelle et un sujet de choix pour les historiens. Il sera également courtisé par les pouvoirs politiques qui y rechercheront la caution morale de leurs conquêtes.
Pendant ce temps, l'Église vivante poursuivra son oeuvre et les dons de l'Esprit continueront à être distribués comme bon il l'entend.

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Oscar Fortin292 articles

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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1 commentaire

  • Claude G. Thompson Répondre

    13 février 2013

    M. Fortin,
    Pour ajouter à votre intervention, je me permettrai ces quelques notes.
    Lorsqu’on lui demanda s’il était vraiment nécessaire que l’Église catholique comporte une instance de décision telle qu’elle se présente aujourd’hui, le grand théologien et psychanalyste allemand Eugen Drewermann répondit :
    [… Aucune nécessité à cela, à condition que l’Église soit telle que Jésus l’avait souhaité. En Matthieu 23, c’est de façon quasi suppliante qu’il demande : « Ne vous laissez pas appeler père » - ce qui est une périphrase pour désigner l’instance patriarcale de décision ; « ne vous faites pas appeler maître » - ce qui est une périphrase pour désigner l’instance d’enseignement spirituel. Jésus ne l’a pas voulu et s’y est opposé. Le texte de Matthieu est explicite sur ce point. Il proclame qu’est venu à son terme tout gouvernement patriarcal des hommes qui serait assumé au nom de Dieu. Il faut donc l’affirmer sans ambages : l’égalité de tous les hommes devant Dieu est un correctif intérieur nécessaire pour qui veut tenir à une fondation de l’Église sur la personne de Pierre. La papauté se rend coupable dès qu’elle se saisit d’un mot, l’interprète de façon historiquement erronée, et, en contradiction avec les autres textes de l‘Évangile, ne tend à rien d’autre qu’à assoir un pouvoir divin sur les hommes…]
    Il ajoute : “[… On le reconnaîtra aisément à partir d’autres passages de ce même évangile : à la fin du Sermon sur la montagne, non pas à n’importe quel endroit pas conséquent, mais en guise de conclusion, Jésus déclare : « Celui qui entend ces paroles qui sont miennes et les mets en pratique ressemble à un homme qui bâtit sa maison sur le roc. Les vents et les tempêtes peuvent venir, les pluies ; mais les fondements de cette maison demeurent stables. Celui qui entend mes paroles et ne les met pas en pratique bâtit sur du sable. Le vent et l’eau viennent-ils, tout est emporté, et le désastre est grand… »
    [… Ici et là, le même langage ; la « pierre, le « roc », voilà qui signifie : écouter Jésus et accomplir ce qu’il dit ; le reste n’a rien à voir avec l’idée d’un « fondement », C’est le Sermon sur la montagne qui demeure la « base », le « roc » ; il suit de là qu’une Église qui dans la personne de Pierre découvre et s’arroge une légitimation propre s’inscrit en faux par rapport à ce texte fondateur…]
    [… Cela vaut encore pour le dernier mot de l’évangile de Matthieu, lorsque, au chapitre 28, le Christ dit aux disciples : « Allez partout dans le monde, et enseignez les peuples à observer ce que je vous ai dit. » Là nous atteignons la personne du Jésus historique en tant qu’il est la base et le fondement de toute autre parole : seul celui qui agit selon ce qu’il a dit de faire peut constituer à son tour une « base » pour toutes choses. Un pape qui fait autrement et le fait « mieux » que ne le voudrait Jésus ne peut être une « base » ; c’est une menace, une épée de Damoclès au-dessus de l’humanité…]”
    Ces quelques extraits de l’ouvrage d’Eugen Drewermann : « Dieu immédiat » publié aux éditions Deslée de Brouwer en 1995 sont tout à fait explicites et nous font voir à quelle sorte d’imposture s’est livrée l’Église catholique de Rome à travers l’histoire, transformant ainsi le Christianisme en Catholicisme et détournant la parole d’un des hommes les plus accomplis que l’humanité ait connus en un charabia théologicophilosophique des plus indigestes pour mieux asseoir leur pouvoir temporel .
    De cette église, il ne restera rien…
    Claude G. Thompson