COMMISSION CHARBONNEAU

Le temps qu’il faut

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Oui, mais à condition qu'il n'y ait pas de dérives

La divulgation du rapport d’étape de la commission Charbonneau a déçu parce que, pressés, certains en attendaient déjà des conclusions. Ses observations sont pourtant utiles, car elles jettent une lumière sur le jeu du chat et de la souris qui a cours à la Commission.

Le temps de la justice n’est pas celui des médias, encore moins le rythme effréné des réseaux sociaux, où la déception devant la trentaine de pages se manifestait moins de cinq minutes après la publication du rapport intermédiaire de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Sa présidente, France Charbonneau, ne s’est pourtant montrée que fidèle à elle-même : elle mène la Commission à sa façon et n’est pas là pour céder aux attentes de quiconque mais pour établir la vérité, souvent longue à trouver.

Le rapport souligne que la Commission ne veut pas se contenter de proposer « une succession de remèdes ponctuels »,mais offrir une vue d’ensemble et de la cohérence. Elle énonce sept conditions qui lui permettront, plus tard, de présenter des recommandations. Au nombre de celle-ci, on lit son souci de trouver les « causes à l’origine des phénomènes que la Commission a le mandat d’examiner ». Or, « identifier ces causes exige une réflexion complexe qui va au-delà de ce que les principaux témoins fournissent comme explications à leur comportement ».

Le témoignage de l’ancien président de la FTQ, Michel Arsenault, en offre un exemple probant. Il y a quelque chose d’agaçant à voir les commissaires et la procureure interroger M. Arsenault comme s’il était le président d’une compagnie privée, ayant le pouvoir de renvoyer des dirigeants au gré de sa volonté. Le commissaire Renaud Lachance a carrément fait cette comparaison mardi. Toute une dynamique syndicale, où les membres votent pour leurs représentants, est ainsi ignorée ; tout un jeu politique interne semble également sous-estimé. On comprendra que Michel Arsenault ait pu s’exclamer, en réponse aux questions posées : « C’est pas d’même que ça fonctionne ! »

Mais voyant les exigences qu’elle s’impose dans son rapport d’étape, on mesure mieux l’insistance de la Commission sur les marges de manoeuvre, réelles ou morales, de chacun. Et elle ne peut manquer d’être troublée par ces hommes, eux-mêmes honnêtes, occupant les plus hautes fonctions de leur secteur qui croient encore aujourd’hui avoir agi alors qu’ils n’ont que sauvé les apparences, et qui persistent à rejeter toute remise en question de leur manière d’exercer leurs responsabilités.

Quand M. Arsenault dit : « À chaque fois que j’ai eu des vraies preuves, j’ai agi immédiatement », c’est l’écho de l’ex-maire de Montréal Gérald Tremblay qu’on entend. Dans les deux cas, on a entendu qu’ils ne pouvaient pas faire plus que la police, que dans une société de droit, il faut donner le bénéfice du doute, concept qui fut étiré au maximum. De plus, même en pleines révélations de la Commission, ils ont gardé leur confiance dans leur entourage immédiat, qu’il s’agisse de Jean Lavallée pour l’un, de Frank Zampino pour l’autre. Pour eux, l’ennemi est ailleurs, et il a surtout pour nom les médias. Pourquoi ?

Ce genre d’aveuglement ne se réglera pas simplement en modifiant des structures, comme la gouvernance à la tête du Fonds de solidarité. Ce qui est en cause c’est la gestion entre « chums » qui coupe de la base, qu’il s’agisse de travailleurs ou d’électeurs. En cause aussi la peur de la transparence qui fait qu’on met plus d’efforts à contrecarrer des journalistes ou une commission d’enquête qu’à vérifier les rumeurs de crime organisé et de pots-de-vin qui ont cours dans son organisation. Ce qu’il faut comprendre c’est pourquoi en est-on arrivé là. La Commission a encore beaucoup à décortiquer avant de nous répondre.


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