Le taxage systémique

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« Chez nous, le sens de l’honneur a fait place au sens de l’organigramme et les valeurs ne font plus le poids devant l'accaparement systémique. »


Plumé par le fisc, la ville, la commission scolaire et l’Office national des niaiseries, détroussé aux douanes comme à la pompe, le contribuable le plus moyen d’Amérique sourcille désormais devant sa facture d’électricité.


Est-elle exacte? N’est-on pas en train de le fourrer encore une fois, dans une sorte d’outrage au cadavre fiscalisé, comme on le fourre chaque année depuis longtemps?    


Fourré d’aplomb, comme on dit à Maniwaki... Avec facilité et désinvolture et prime au rendement pour les faux-fuyants patentés, les experts de la tétée et les abonnés de la table d’hôte institutionnalisée.    


On imagine ce midi un duo de coqs en pâte d’Hydro-Québec-Distribution au bistro Le lendemain qui chante:    


Bonjour mon brave. Ce sera le suprême de pintade...  


Je me laisse tenter par la blanquette de veau. Parce que je le vaux bien, hahaha!   


Hydro-Québec, la Sainte Nitouche, plus narcissique que l’État lui-même, qui se trompe sans cesse et qui ne rembourse pas...     


Montgolfière du modèle québécois, haut-lieu du petit secret, vaisseau amiral mué en commerce de gros...    


Avec ses régiments outrecuidants qui se partagent à huis clos et les avantages et les indulgences et les privilèges comme d’autres les petits fours...     


Écoutons encore Bouvard et Pécuchet, au championnat provincial des comptes de dépenses:    


En entrée, je prendrai le gravlax. Et un petit Sauvignon...  


Pour moi, ce sera le boudin! Mon sphincter a droit à sa récompense!!! Hahahaha.   


Monsieur a de l'esprit....   


– Et seulement une réunion demain après-midi! Hahahaha!  



Le taxage systémique

Photo Fotolia




Pour les petits corniauds de l’impôt, les petits héros du quotidien, ce sera autre chose. Genre simili poulet, saumon en boîte ou macaroni dans le Tupperware.     


Ils ont ceux-là, depuis lundi, un autre objet de rigolade: le grand héron des Finances, un certain monsieur Girard, a dit qu’il ne prévoyait pas réduire les impôts avant 2024. On ajoute donc cinq ans à la quinzaine déjà comptés!    


Personne n’a été surpris, perdu son dentier ou fait la génuflexion. Les plus impolis ont hué, la majorité a rigolé franchement.    


Ils savent tous depuis un certain temps que songer à une vraie réduction des impôts relèvera bientôt de la névrose ou de la schyzophrénie. C’est au choix, selon le degré et la durée du désenchantement...    


L’oracle de Sherbrooke, Luc Godbout, sera peut-être content; il pourra disserter sur le goulag confiscatoire durant des années encore. On l'imagine au Club des ex de la fiscalité.    


En fait, Gérald, on a toujours parlé d’enjeux complexes mais la réalité a toujours été simplissime: nous sommes à la fois trop pauvres et trop dépensiers pour baisser les impôts. Et sans l'endettement, on ne serait guère mieux que la Moldavie...  


Ah bon!  


Évidemment, tous ne sont pas pauvres, au contraire. Chez Hydro-Québec, où les échelles salariales sont depuis longtemps capitonnées, le tiers des employés gagnent plus de 100 000 $ par année. C’est le prix à payer pour un monopole. Un monopole bien rembourré.    


Et un monopole, vous savez, c’est plus exigeant qu'il n'y paraît. Il faut combattre l'orgueil, l'envie et la gourmandise. Il faut résister à l’ennui, à la paresse et à la constipation...    



Le taxage systémique

Photo AFP




Écoutons à nouveau les gastéropodes de la boutique des trop-perçus:    


Alors, oui... Je prendrai le sorbet au caramel fondant. Et un petit café irlandais. Avec toutes les exportations vendues aux Américains, ça ne paraîtra pas dans le bilan... Hahaha!  


J’opte pour le chou à la crème. Même si les abonnés surfacturés pourraient y voir une sorte de transfert freudien... Hahahaha!  


***  


Ça remonte le moral, n’est-ce pas? Tant de bonheur, tant de simplicité, tant de cholestérol...    


Hydro-Québec qui se tape des milliards en trop, sans gêne aucune. Un, deux milliards, trois peut-être, depuis le temps...    


C’est la supercherie systémique au vu et au su de gouvernements démocratiquement élus; la mafia ne ferait pas mieux avec de l’eau qui tombe du ciel...    


On comprend la joie de vivre qui règne dans cette organisation comparable à la grosse Caisse de dépôt et placement du Québec où les boss font des emprunts sans bouger de leur fauteuil avant de disparaître du regard du public comme des ingénieurs corrompus...    


Chez nous, le sens de l’honneur a fait place au sens de l’organigramme et les valeurs ne font plus le poids devant l'accaparement systémique.    


Quant aux élus, ils sont devant l'État comme des enfants de chœur devant l'autel. Une fois élus, ils disent merci au peuple, sourient durant quelque temps mais n’osent pas toucher à quoi que ce soit de peur d’attirer l’attention des sacristains et des évêques syndicaux...    


Ils misent sur la passivité et l'inculture politique des Québécois, taxés de tous bords, tous côtés, jusqu'à la moelle. Sauf la colonne vertébrale, parce que celle-là, on ne l’a pas encore retrouvée...