Nous avons peine à mesurer les conséquences à long terme de la crise sanitaire que nous traversons actuellement. Même si les mesures sans précédent prises par les gouvernements partout en Occident sont justifiées et justifiables pour des raisons de santé et de sécurité, il n’en demeure pas moins que les effets économiques sont en train de prendre des proportions quasi bibliques.
Une fois la crise sanitaire résorbée, tous les gouvernements devront se tourner vers le cataclysme économique qui nous afflige et c’est la gestion de celui-ci qui définira leur succès électoral. En fait, soyons catégoriques : presque rien d’autre ne va compter dans l’équation électorale. Les Québécois sont déjà fortement préoccupés par leur sécurité financière ; cette crainte va décupler à mesure que le temps passera et viendra un moment (le point de bascule) où elle prendra le dessus. Notre paysage politique pourrait même s’en trouver bouleversé. Les acteurs politiques auraient tout avantage à en prendre acte dès maintenant.
Contrairement au secteur privé, les travailleurs du secteur public — bénéficiant d’une sécurité d’emploi blindée — sont largement à l’abri pour l’instant. Il ne faut d’ailleurs pas sous-estimer le sentiment d’iniquité et d’injustice que cela crée chez les Québécois qui ont été mis à pied. Cela dit, l’inévitable crise des finances publiques qui nous attend aura nécessairement des conséquences sur cette main-d’œuvre dont les revenus dépendent de la capacité du privé à créer de la richesse.
Après 11 ans de croissance ininterrompue, tant nos dirigeants que la population sont désormais confrontés au réel et devront se concentrer sur l’essentiel pour la suite des choses. Concrètement, cela veut dire que nos dirigeants politiques, s’ils aspirent à répondre aux besoins urgents des électeurs, devront concentrer leurs orientations et actions gouvernementales sur les deux sujets qui occuperont toute la place dans la tête des gens dans un avenir prévisible : l’économie et la santé. Nous pouvons également ajouter l’éducation à cette liste, comme vecteur économique fort.
L’environnement demeurera un enjeu important, bien entendu, mais il sera relégué au second plan derrière le pain et le beurre. Dans les derniers jours, certaines élites politiques et médiatiques de gauche ont profité de leur tribune pour se réjouir des effets de la crise sur les émissions de gaz à effet de serre, apparemment en forte baisse étant donné la contraction massive de l’activité économique. Difficile de faire preuve d’un plus grand manque de jugement et d’intelligence émotive, en particulier s’ils souhaitent convaincre la population du bienfondé de leur projet environnementaliste. Des centaines de milliers de mères et de pères québécois se demandent comment ils vont nourrir leurs familles le mois prochain. Est-ce dire qu’ils vivent un avant-goût du genre de modèle auquel ces personnalités adhèrent ? La fameuse « décroissance » qu’on tente de normaliser depuis quelque temps, nous la vivons en ce moment même.
Lorsqu’une société vit un tel tremblement de terre, les partis politiques doivent s’ajuster. Rien de plus normal ; les plaques tectoniques ont bougé. D’une part, on devra prioriser à nouveau la baisse du fardeau fiscal des contribuables, qui pour l’heure, n’ont justement plus les moyens de contribuer à la même intensité. Au Québec, en particulier, le soulagement devra être considérable si l’on souhaite relancer notre économie. L’état des finances publiques forcera un ajustement important en faveur des missions essentielles de l’État — la santé, l’économie et l’éducation — et au détriment des fonctions qui sont plus loin des préoccupations immédiates du citoyen. Il faudra également faire un meilleur travail pour expliquer à la population les bienfaits des budgets équilibrés en période de croissance économique.
D’autre part, certains partis et groupes de pression devront — s’ils souhaitent connaître du succès dans l’urne — abandonner les débats ésotériques qui les animaient depuis quelques années et reconcentrer leurs efforts sur le travailleur. Autrement dit, finis les débats sur les « toilettes non genrées ». La population n’aura plus de patience pour les politiciens de type « licornes et arcs-en-ciel » qui n’ont pas les deux pieds bien fermement plantés sur Terre. Si les mesures de confinement fonctionnent et que nous réussissons bel et bien à limiter le nombre de morts au Québec, la gauche pourra cependant se targuer du rôle joué par l’État afin d’éviter le pire.
Enfin, il reviendra aux nationalistes de tirer les nécessaires leçons de l’actuelle crise quant à l’autonomie de l’État-nation. Nous ne devrions plus jamais être dépendants de qui que ce soit d’autre que nous-mêmes lorsqu’il s’agit de l’approvisionnement de biens essentiels. La mondialisation a vraisemblablement trouvé ses limites.
Quoi qu’il en soit, nul ne pourra ignorer les changements profonds qui s’opèrent actuellement dans la psyché de nos compatriotes. Il y aura un avant et un après COVID-19. Nos enfants et nos petits-enfants apprendront dans leurs livres d’histoire comment leurs ancêtres ont géré la crise et de quelle façon ils se sont sortis de la pire dépression économique depuis 1929.
À propos de l’auteur
Carl Vallée s’implique en politique fédérale et provinciale depuis plus de 15 ans. Il a travaillé au sein du cabinet du premier ministre du Canada à titre d’attaché de presse, porte-parole et conseiller québécois pour Stephen Harper entre 2009 et 2015. En octobre 2018, il a participé à la transition du nouveau gouvernement caquiste du premier ministre François Legault. Il est actuellement directeur exécutif au sein du cabinet de communication et de conseil Teneo, à Montréal.
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