Le retour de la bête - L'hydre populiste

Opposition féroce à l'autre... Eh Sarko!

Grèves sauvages au Royaume-Uni, échauffourées entre forces de l'ordre et salariés en Espagne, attentat contre un commissariat en Grèce, manifestations anti-immigrés en Italie, heurts violents entre policiers et civils en Lituanie, on arrête là et on retient que le populisme a le vent en poupe. Le populisme politique et son jumeau sociologique: la xénophobie.
Le Royaume-Uni résumant, voire symbolisant, mieux que toute autre nation européenne la montée en puissance de l'hydre populiste en Europe, il faut évidemment s'y attarder. Tout a débuté dans une raffinerie située en Écosse lorsque des travailleurs ont érigé des piquets de grève alors que d'autres organisaient un cortège en portant haut l'Union Jack et en scandant le slogan suivant: «Des emplois britanniques pour des travailleurs britanniques.»
Cette poussée de fièvre aussi subite que nationaliste, ces ouvriers l'ont justifiée en évoquant l'engagement de personnel italien et portugais dans une entreprise italienne ayant obtenu un contrat de la compagnie Total exploitant le site en question. Dans la foulée, un peu partout en Angleterre, des syndiqués du monde de l'énergie ont imité leurs confrères écossais en entonnant, on insiste, le même mot d'ordre. Ce dernier, en cette ère de décadence économique, est le favori du British National Party (BNP), cousin germain du Front national français. Tout un chacun aura compris que le souffle de l'extrême droite vient de prendre une certaine ampleur.
Du 10 Downing Street, le premier ministre Gordon Brown a exprimé son désaccord avec les syndiqués. Mais il est notable de constater qu'en la matière il a fait le service minimum, pour la simple raison que, depuis le début de la crise, il a lui-même repris à son compte le slogan du BNP. De prime abord, on pourrait croire qu'il y a là un paradoxe. Bon. Il se trouve que les syndicats britanniques sont les principaux bailleurs de fonds du Parti travailliste. Il se trouve également et surtout que les leaders syndicaux ont demandé à Brown d'adopter une attitude protectionniste. C'est fait.
Selon un rapport consacré aux opérations effectuées par les banques depuis qu'elles ont été nationalisées en tout ou en partie, la préférence dite nationale a été observée à la lettre. En effet, les Royal Bank of Scotland et consorts ont prêté bien davantage aux ménages et aux entreprises «british» qu'aux étrangers créant quelque peu des distorsions, mais donnant surtout des idées à d'autres nations du continent.
De quoi s'agit-il? Au cours des dernières semaines, les agences de crédit ont abaissé la note de crédit de l'Espagne, de la Grèce, de l'Irlande et de l'Italie. CQFD: le coût afférent à leurs emprunts est plus élevé. Prenons l'exemple de l'Italie. D'ici à la fin de l'année, elle doit rembourser près de 300 milliards de dollars. L'état de ses finances se conjuguant avec pauvreté, le gouvernement a émis des bons. Et alors? Il y a une quinzaine de jours, des obligations portant l'empreinte de ce pays (qui a adopté l'euro) n'ayant pas trouvé preneur, la banque centrale italienne a annoncé une hausse de l'intérêt proposé. La Grèce étant dans une situation similaire envisage de faire un geste identique. Ce faisant, ces pays entrent en concurrence avec l'Espagne, la France et surtout l'Allemagne où les dirigeants peinent à cacher l'agacement profond que suscitent ces politiques financières faisant écho à la préférence nationale.
Dans cette histoire, il y a une énorme ironie, car le pays où ce repli est le plus marqué se trouve être celui qui a toujours combattu l'Europe puissance politique souhaitée par le couple franco-allemand pour mieux imposer l'Europe libre-échangiste. Il s'agit évidemment de la Grande-Bretagne, royaume ayant fait de la diagonale du fou son mantra.


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