Le ras-le-bol

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« Un immense fossé s’est creusé entre les gouvernants et les gouvernés. »

« Il y a une quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches... Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres ! C’est ceux-là que nous allons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser... C’est un réservoir inépuisable. »


Les gilets jaunes se reconnaîtraient sûrement dans ce dialogue tiré de la pièce de théâtre Le Diable rouge, d’Antoine Rault, où Mazarin, principal ministre de Louis XIV, aurait enseigné à Colbert, contrôleur général des finances, comment siphonner davantage le petit peuple.


La classe moyenne


Bien que fictive, cette narration décrit bien le ras-le-bol de cette classe moyenne qui ne parvient pas à boucler ses fins de mois. Car ce malaise profond n’est pas le propre de la France. Partout, y compris chez nous, les citoyens s’y reconnaîtraient.


Sans être monolithique, cette classe moyenne censée servir de tampon entre les classes riches et les pauvres ne cesse elle-même de s’appauvrir, depuis des décennies.


Elle représente le plus large bassin de population, celui qui fait rouler l’économie et peut défaire les gouvernements. C’est là où ces derniers pigent leur principale source de revenus. Les Québécois en savent quelque chose, étant les plus taxés en Amérique du Nord.


Pas étonnant que la classe moyenne soit, partout, la cible privilégiée de toutes les hausses de taxes et d’impôts. Il y a trois semaines, le vase a débordé en France.


La mèche a été allumée par une simple citoyenne, Jacline Mouraud, qui a lancé un cri du cœur sur Facebook, en interpellant directement le président Macron, le 17 novembre dernier. La réponse a été immédiate.


Partie d’une révolte spontanée de gilets jaunes, pour dénoncer l’érosion de leur pouvoir d’achat, voilà qu’elle débouche sur une charte avec « 25 propositions pour sortir de la crise ».


Avec une liste de revendications aussi exhaustive, qui va de l’économie à la géopolitique, en passant par le travail, la santé, l’éducation et l’écologie, c’est tout un programme politique qui s’annonce.


Les raisins de la colère


Au-delà des actes déplorables de violence qui ont fait mal à l’économie et à l’image de la France, espérons que le président Macron trouvera les mots pour apaiser leur colère.


Et qu’il proposera surtout des mesures concrètes pour ramener un semblant d’équité et de justice sociale.


Ce que cette révolte citoyenne nous indique, c’est l’ampleur des fractures qui rongent les sociétés occidentales.


Elle nous rappelle que le capitalisme à outrance, axé sur le profit à tout prix, a aggravé les inégalités économiques et sociales.


Un immense fossé s’est creusé entre les gouvernants et les gouvernés. Ces derniers ne font plus confiance aux institutions. En Belgique, les gilets jaunes se sont attaqués au Parlement européen. C’est tout dire.


Le Québec n’est pas en reste. Quand une entreprise comme Bombardier encaisse des milliards de dollars en subventions fédérales et provinciales, et que, du même souffle, six de ses dirigeants haussent leur salaire de 48 %, alors qu’ils annoncent des pertes d’emplois par milliers...


Quand des élites politiques et économiques s’adonnent aux stratagèmes de l’évasion fiscale et cachent leurs avoirs dans des paradis fiscaux pour les soustraire à l’impôt...


Il ne faut pas s’étonner que les citoyens montent aux barricades pour réclamer dignité et justice !