Le Québécois déboussolé

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor



« Le pauvre Québécois de souche, à qui on a expliqué depuis 40 ans que sa religion devait quitter la sphère publique, voit celle de ceux à qui il a ouvert ses portes faire irruption dans la sphère publique. Au surcroît, en invoquant des droits chartisés et en se servant des tribunaux. Alors il est déboussolé, le Québécois. Et on le culpabilise. »


Joseph Facal est un immigrant. Ancien ministre péquiste, maintenant professeur et chroniqueur,[ il ne mâche pas ses mots dans le débat sur les accommodements raisonnables->8547], qui débute mardi prochain à Gatineau, avec l’entrée en scène de la commission Bouchard-Taylor. Avant de condamner la réaction du petit peuple qui regarde les nouvelles à TVA ou à TQS, comme a semblé le faire le commissaire Gérard Bouchard, M. Facal demande un peu de compréhension. « Lorsque Mario Dumont s’interroge, par exemple, sur la capacité d’accueil du Québec, faut-il en accueillir moins, autant, plus ou beaucoup plus, je ne sais pas. Mais a-t-on le droit de poser la question, sans que la police des mœurs vous tombe dessus ? »
Le débat est lancé. Il suffit de porter attention aux discussions, dans n’importe quelle réunion de famille, pour constater à quel point il anime les passions. Mais ce débat n’est pas nouveau. « La collectivité d’accueil est en droit de s’attendre que les immigrants, comme l’ensemble des citoyens, respectent les droits et les valeurs qui la gouvernent... »
Ce n’est pas Mario Dumont qui tenait ces propos, en 1990. Il s’agit d’un extrait de l’énoncé politique en matière d’immigration et d’intégration, préparé sous Robert Bourassa.
Ce qui est nouveau cette année, c’est la connotation religieuse qui s’est ajoutée à toute cette question. Le débat sur l’immigration est devenu un débat religieux.
Dans l’énoncé politique de 1990, on ne faisait aucune allusion aux valeurs religieuses des immigrants. Il y est question du défi démographique du Québec, du besoin des immigrants pour notre économie, de la nécessaire intégration de ces immigrants et de l’importance de protéger le fait français.
Le contraste avec 2007 est flagrant. Depuis que Mario Dumont et Hérouxville ont ramené à l’avant-scène le débat sur les communautés culturelles, c’est la religion et non plus la langue qui passionne les Québécois francophones. Le site Internet de la commission Bouchard-Taylor comporte un questionnaire révélateur. Sur les
22 questions soumises, 17 portent sur les accommodements aux valeurs religieuses des minorités, alors que deux seulement s’intéressent à leur langue. Ainsi, on demande aux gens s’ils sont d’accord à ce que les cafétérias des écoles, pour des raisons religieuses, offrent autre chose que le menu habituel. Ou encore que l’on exempte un élève d’un cours obligatoire parce que son contenu heurte certaines dispositions de sa religion. Il est facile d’imaginer la réaction des Québécois à ce genre de questions. En mai dernier, un sondage CROP, commandé par Radio-Canada et L’Actualité, a révélé que seulement le tiers des sondés estiment qu’il faut acquiescer aux demandes à caractère religieux des immigrants. Ailleurs au pays, 59 % des gens sont favorables à une telle ouverture.
Racistes, xénophobes ou intolérants, ces Québécois ? Retour à Joseph Facal : les bassins de l’immigration traditionnelle qui puisait dans des peuples culturellement plus près des Québécois sont en train de s’épuiser. Or les nouvelles vagues d’immigrants amènent chez nous des gens de culture et de religion beaucoup moins connues, dont les musulmans.
La commission Bouchard-Taylor sur les accommodements a soulevé un tollé en suggérant, par la voix de M. Bouchard, qu’elle est à court d’arguments pour « répliquer » aux adversaires de la diversité culturelle et pour « convaincre » les gens qui ne sont pas des intellectuels, et qui regardent les nouvelles à TVA et à TQS. L’anecdote est révélatrice de l’ampleur du débat politique qui attend les commissaires. La religion et la politique constituent un cocktail particulièrement explosif.


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