Le Québec ne serait pas fasciste

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La tentative de culpabilisation de l'Anti-Québec tombe à plat

Ce texte est une version écrite de la première partie de ma chronique politique hebdomadaire à l’émission Debout VM, au 91,3FM. Diffusion le mercredi 24 juillet à 7H35.


Grande nouvelle au Québec : la Belle Province ne serait pas si fasciste qu’on le prétend dans les hauts lieux de la bien-pensance depuis les années 1950. C’est, du moins, ce que laisse entendre un jugement rendu cette semaine par l’honorable Michel Yergeau, juge à la cour supérieure du Québec.



L’hiver politique québécois a en effet été secoué d’un violent nordet cette année. Il fallait s’y attendre. Le gouvernement de François Legault, élu en octobre 2018, avait dès son élection, promis de prendre de front la question épineuse de la laïcité de l’État. Le débat il faut le dire, avait assez duré. C’est en effet à la fin des années 2000 que l’exaspération du Québec francophone face aux demandes croissantes « d’accommodements raisonnables » par des minorités religieuses de plus en plus revendicatrices de leurs droits s’est révélée. L’inconfort, partagé par la très vaste majorité du Québec dit « périphérique », s’est petit à petit transformé en désir de légiférer.


En 2012, le gouvernement du Parti Québécois, adoptant une position identitaire, avait tenté de régler la question en proposant l’adoption d’une Charte des valeurs interdisant le port de signes religieux ostentatoires pour les employés de l’État du Québec en position d’autorité. Alors minoritaire, le gouvernement péquiste n’avait pas réussi à mener à bien son projet et l’élection d’un gouvernement majoritaire libéral, anglolâtre et multiculturaliste allait mettre en veilleuse le règlement de la question de la laïcité, au grand bonheur de ses alliés naturels – universitaires militants, progressistes de tout acabit, anglophones, et gens « issus de la diversité ».


Perte de pouvoir et hystérie de la gauche libérale


Le retour l’automne dernier d’un parti « bleu » à Québec, élu majoritairement par le Québec francophone régional et rejeté massivement par les électeurs métropolitains, allait changer dramatiquement la donne. L’idée du parti de François Legault, la Coalition Avenir Québec, était claire : légiférer afin d’interdire une fois pour toutes le port de signes religieux visibles chez les employés de l’État en position d’autorité, en incluant dans cette définition les membres du corps professoral de la province, et ce peu importe les hauts cris de la gauche libérale bien-pensante omniprésente dans les médias et les universités.


Les accusations furent nombreuses et d’une hystérie sans précédent au Québec. Le festival du point Godwin venait de s’ouvrir, avec en tête d’affiche les plus éminents représentants du gauchisme culturel et du libéralisme à tout crin, aidé d’une communauté anglophone en perte d’influence politique hérissée comme un chat apeuré devant la possibilité d’un véritable « Québec aux Québécois ».


Le populaire chroniqueur politique libéral Luc Lavoie allait lancer les festivités, comparant l’engouement du Québec français pour la CAQ et son projet de loi sur la laïcité avec celui du peuple allemand en 1933 face à Hitler. Le sociologue Gérard Bouchard allait renchérir, déclarant que la loi « errait gravement » et prenait de dangereuses libertés avec les droits fondamentaux des minorités religieuses, et ce sans motif supérieur. Le philosophe hyper-multiculturaliste et professeur à l’université McGill Charles Taylor devait enchaîner, claironnant sans honte « avoir honte » de cette loi devant des parterres d’étudiants en liesse. Le maire de la ville anglo-montréalaise de Hampstead William Steinberg allait aussi participer à la grande kermesse, accusant pour sa part le gouvernement Legault et, ce faisant, le Québec français entier, de faire du « nettoyage ethnique » à l’aide d’une loi. L’avocat Julius Grey a, en bon homme de loi, appelé les citoyens à violer cette dernière, et les dirigeants de la English Montreal School Board ont affirmé n’avoir aucune intention de l’appliquer.


Des manifestations eurent aussi lieu à Montréal, où universitaires militants, bobos de bon goût, femmes voilées et anglophones des quartiers huppés du Montréal anglais brandissaient des pancartes de mauvais goût : loi caquiste, loi fasciste .


Le Québec fasciste?


L’accusation selon laquelle les canadiens-français seraient des suppôts de Satan par le biais des sympathies naturelles qu’ils entretiendraient à l’égard du fascisme n’est pas nouvelle. Déjà à la fin des années 1950, l’ancien premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau déclarait, dans un ouvrage politique de son cru, que le Québec d’alors, bien qu’une presse libre et que des élections tout aussi libres y furent depuis longtemps légion, vivait dans une démocratie déficiente qui flirtait avec des façons de faire typiques des régimes autoritaires, en plus de souffrir d’immoralisme social et politique (ce sont ses mots). Trudeau, un indécrottable libéral, était en effet incapable de comprendre que le Québec appuya à cette époque le premier ministre nationaliste et conservateur Maurice Duplessis sans y voir une manifestation de quelque sympathie fascisante et autres tares morales et intellectuelles.


Depuis, les nationalistes québécois, des indépendantistes les plus progressistes aux souverainistes les plus conservateurs, n’ont de cesse de chercher à se dépêtrer de ce soupçon selon lequel ils seraient enfants naturels de la « bête immonde », soupçon entretenu par l’élite libérale fédéraliste canadienne et, maintenant, par ses alliés naturels que sont les militants de gauche et les universitaires, désormais d’indécrottables colonisés se rêvant dans le rôle de social justice warriors américains davantage que dans celui, plus risqué politiquement, d’émancipateurs de leur propre peuple.


L’idée d’un Québec « profond » ennemi de l’État de droit, ignorant, prompt à exclure « la diversité » et à discriminer par désir d’homogénéité culturelle n’a jamais été scandée avec autant d’assurance par l’élite métropolitaine que depuis l’élection de la CAQ et la mise en branle du chantier de la laïcité. Persuadée de détenir, face aux ignares périphériques, la voix de la raison et le monopole du Bien, cette élite a perdu le peu de retenue qui lui restait. Les écouter, acquiescer à leurs incantations délirantes reviendrait, selon eux, à rejoindre le clan du bon sens, celui, on l’aura compris, de la morale anglo-libérale et de sa conception de la liberté de l’individu par rapport au collectif.


La Cour supérieure dit « non ! »


C’est forts de cette assurance d’être du bon côté de l’État de droit face au dangereux obscurantisme québécois que la militante musulmane Ichrak Nourel Hak, le Conseil national des musulmans canadiens et l’Association canadienne des libertés civiles ont déposé, dès l’adoption de la loi sur la laïcité de l’État, une demande d’injonction afin de suspendre immédiatement son application. Il s’agirait d’empêcher une loi discriminatoire, violant les libertés fondamentales de citoyens déjà oppressés parce que minoritaires, déjà victimes parce que majoritairement femmes – les musulmanes voilées étant le symbole même du port du signe religieux ostentatoire dans l’esprit populaire.


Leur demande, rejetée cette semaine par le juge Yergeau, s’appuyait sur une argumentation selon laquelle « la loi a pour effet de «légitimer» les comportements «discriminatoires et choquants» dans la population », en d’autres termes, qu’elle éveillait le racisme latent des Québécois. « Selon le juge, les «regards hostiles» et les «paroles blessantes» de certains citoyens à l’égard de plaignantes ne sont pas liés à la loi, mais aux «déplorables dérives» que la loi «cherche aussi à endiguer», » dixit La Presse.


Ainsi donc,


Le combat juridique des Québécois pour défendre leur nouvelle loi sur la laïcité ne fait toutefois que commencer, même si le premier test du tribunal a été passé avec succès. Nul doute que les plaignantes feront appel de cette décision.


Pendant ce temps, B’nai Brith Canada, sur fond d’élections fédérales, encourage Justin Trudeau à sévir contre le Québec – tout ce débat serait de toute manière, selon eux et d’autres, de prérogative fédérale, et Ottawa pourrait donc protéger les citoyens de la tentation totalitaire québécoise – et le premier ministre manitobain invite les fonctionnaires québécois à changer de province et à se joindre à la fonction publique manitobaine qui, elle, saura les sauver des griffes de l’incarnation moderne du démon discriminatoire qu’est la loi 21 .


L’automne, il va sans dire, s’annonce orageux! Car au-delà de la simple question de la loi 21 et de sa légitimité, c’est de l’opposition de fond entre la conception franco-catholique de la collectivité et de la liberté, dont les Québécois et leur esprit sont héritiers et défenseurs, contre celle des libéraux anglos-protestants, qu’on présente aujourd’hui dans tous les médias et dans toutes les écoles comme la seule qui soit juste et bonne, dont il est question.


Peut-être qu’alors – souhaitons-le – les Québécois comprendront-ils que la défense de leurs intérêts, de leur culture, de leur identité et, plus largement, de la sacro-sainte « diversité » dont les libéraux-progressistes se disent les défenseurs absolus, passe par leur indépendance politique et, conséquemment, par le fait de se tenir debout devant les attaques incessantes de ses ennemis politiques.