Les Québécois n’ont pas toujours conscience de l’importance politique, au sens véritable du terme, d’une participation à la gérance des affaires urbaines. Dans quelques jours, disais-je avant les dernières élections, ils auront à décider, par scrutin, s’ils choisissent de s’occuper de la vraie politique montréalaise, soit celle de bien aménager la ville – il n’y a pas d’autre objet à cela – ou bien s’ils décident de faire de la petite politique usuelle, soit celle qui est nourrie par les plates querelles de pouvoir et d’argent. Le choix a été fait, ce sont des considérations d’ordre secondaire qui ont motivé le choix des électeurs.
Je pense à tout cela dans le cadre général et mondial de l’avenir planétaire. Rien de moins et pourquoi pas, puisque le Québec est bel et bien sur terre et qu’il a autant de responsabilités à l’égard de la protection de l’environnement – donc du réchauffement par les gaz à effet de serre, les GES comme on dit – que les citoyens des autres pays du monde.
J’y pense parce qu’il y a peu les journaux ont parlé d’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental (mondial) sur l’évolution du climat (le GIEC). Ce rapport, qui succède au précédent (2007) nous dit tout simplement que le réchauffement climatique est réel et, surtout, que le temps commence à manquer si nous voulons éviter de grands bouleversements climatiques. Un groupe de scientifiques québécois, qui a étudié le rapport (son premier volume), a lancé «un cri d’alarme» à cet égard. Il nous faut d’urgence, disent les scientifiques, «réduire de façon importante notre consommation de pétrole et transformer nos moyens de transport (en conséquence). Ce sont les fondements mêmes de notre civilisation qui sont en cause.
Quel rapport avec Montréal? Eh bien nous reprochons souvent aux candidats aux élections municipales de ne pas avoir de «vision», de pensée et de se borner à nous distraire par des disputes de coin de rue et de nids de poule. Nous n’avons le choix d’élire, dit-on, que des palabreurs populistes et des poupées bourgeoises tombées du ciel, libéraux ou pas! Et si un candidat s’autorise à proposer des transformations importantes à nos façons de vivre, surtout en matière d’aménagement urbain, on le traite de névrosé.
Je peux vous dire à titre d’ex reporter à plein temps pour les questions environnementales – et assez libre d’attaches partisanes - que des candidats à la mairie de Montréal auraient pu faire lever un débat intéressant si tant est que nous avions prêté oreille à leurs pensées. C’est le cas notamment du candidat Richard Bergeron. Celui-ci a publié un livre de 400 pages, intitulé «Le livre noir de l’automobile» où il explore «le rapport malsain de l’homme contemporain à l’automobile», livre dont on n’a pas parlé du tout durant la campagne électorale.
L’argumentation de Bergeron, dans ses écrits, en tout cas, avait du poids. Le livre, écrit il y a bien une douzaine d’années donne une opinion sur la manière de répondre à la nécessité de réduire les GES. Nous oublions bien souvent que l’automobile est l’une des plus importantes causes de la production des gaz nocifs. Le livre, en tout cas a une pensée sur le sujet, sujet qui est sans contredit la plus grande préoccupation environnementale universelle.
Je ne me faisais pas, comme cela, le propagandiste d’un candidat. Je ne faisais que me révolter contre une opinion publique primaire qui se refuse à penser plus loin que le bout de son capot. Nous ridiculisons Bergeron – et l’avons rejeté - parce que celui-ci a de l’imagination. Le candidat de Projet Montréal proposait l’implantation d’un système de tramways, nous le savons… et il faudrait croire, pour cela, que son idée est démagogique, rêveur, idéaliste? Cela est ridicule. Des systèmes de tramways modernes existent dans beaucoup de villes progressistes du monde entier. Passons!
Mais la pensée de Bergeron, en l’instance allait bien plus loin et bien plus profondément que quiconque à cet égard. Par exemple, son ouvrage analyse l’impact de l’auto sur l’environnement territorial dans son ensemble, sur la vie tout court et il montre les avantages de favoriser le transport rapide et inter-cité des passagers par le moyen du rail. Il nous montre qu’une ligne de chemins de fer rapide, de Montréal à Boston, par exemple, ouvrirait tout un corridor ferroviaire jusqu’à Washington en passant par New-York et que les Québécois, ainsi, participeraient mieux à la vie économique de l’est de l’Amérique. On sait qu’une sorte de TGV existe déjà entre Boston et Washington ; son raccordement avec Montréal est possible.
Et parler de cela relèverait de la folie? Pas pour moi en tout cas. Cette idée aurait fait pression sur les gouvernements souverains en la matière ceux de Québec et d’Ottawa, pour valoriser le transport par rail et faire des économies de pétrole. Les journaux font actuellement silence sur ces sujets. Cela n’est pas très étonnant si l’on songe que la majeure partie du revenu des journaux quotidiens vient de la publicité payée par les fabricants d’automobiles. Cela est bien expliqué dans le livre de Bergeron. Précisons ici que l’automobile n’est pas un mal en soi ; c’est un mal quand elle asservit l’homme. En tout cas il est évident pour moi qu’il y a beaucoup trop de voitures privées ; le parc automobile est devenu une engeance ruineuse.
Je me suis promené à Mascouche il y a peu, justement, en passant, pour visiter des amis à la campagne ; je m’étais faufilé dans les embouteillages et j’ai pris un mauvais chemin. Je me suis trouvé ainsi dans un quartier devenu une «ville» toute neuve! Quel choc! J’ai vu que cette nouvelle ville a été construite principalement pour l’automobile. Je roulais dans une sorte de «boulevard Taschereau» en plus clinquant ; de part et d’autre du «boulevard», derrière la litanie des «fast foods» il y avait, à perte de vue, des demeures individuelles, parfois démesurément grandes et dont le design avait été manifestement choisi par catalogue! Il n’y avait pas de portes sur le boulevard, ni piétons ; juste une enfilade de stationnements. En somme tout ce qu’il ne faut pas faire en aménagement urbain - et pour l’automobile - y avait été fait.
Ceci pour dire que Bergeron et ses semblables avaient une pensée à ce propos et qu’il est avantageux, avant de voter, de savoir que l’imagination et la raison sont en cause et à portée de main. Les candidats à la mairie de Montréal et les prétendants aux postes de conseillers n’ont pas la vocation de prendre la place du gouvernement du Québec, je le sais ; je sais que c’est lui – le gouvernement - et les urbanistes - à son emploi ou non - dont le silence est étourdissant, qui sont les responsable - directement - de la dispersion urbaine. Mais si quelqu’un propose des solutions utiles en matière d’aménagement de la ville! Si certains combattent, avec de bons architectes, pour ramener les familles et les piétons dans la ville centrale, c’est du bon travail, une bonne réflexion en tout cas, et c’est moderne. Ces gens-là nous amènent dans la bonne direction. L’affranchissement du peuple québécois ne se fera utilement seulement que s’il a pour projet de construire de belles villes et de reconstruire celles qui ont mal été aménagées…
Je me permets de rappeler ce propos à notre mémoire collective car la mémoire politique est la même que la mémoire tout court ; c’est une faculté qui oublie! Je le fais parce que le gouvernement du Québec vient d’annoncer qu’il engagera des fonds publics (ceux que je contribue à créer par les prélèvements du mois prochain) pour aller chercher du pétrole dans le Golfe du Saint-Laurent ; à l’île d’Anticosti notamment, pas si loin que ça du comté de Charlevoix!
Je sais que le pétrole est roi. Mais je sais aussi qu’il en coûte de plus en plus cher pour aller le chercher ; et il me paraît évident que l’avenir de la planète ne repose pas sur l’exploitation des hydrocarbures. Si le gouvernement du Québec veut rendre service aux Québécois - et les enrichir – il faut qu’il ouvre la voie vers les aménagements d’avenir. Ceux du rail notamment ; ce rail qui peut fonctionner avec l’électricité que nous avons déjà le privilège de posséder.
Le pétrole, oui, peut-être! Mais pas sans, en parallèle, une politique de transport qui prend en compte le rail urbain et interurbain. Actuellement la politique du rail, au Québec, a pour objet de faciliter la vie aux banlieusards lointains en permettant à ceux-ci de se disperser dans les champs et de conserver leurs automobiles en même temps. Ce n’est pas ce qu’il nous faut ; il nous faut une connexion rapide par rail entre Montréal et Québec ; et une autre entre Montréal et Boston. Des rails existent déjà, du reste, entre les deux grandes villes des deux côtés de la frontière. Il suffirait de les réadapter pour accommoder les trains plus rapides. Ce qu’il nous faut, dans le même ordre, c’est une amélioration du métro de Montréal dans l’île même de la métropole. Les ministres du gouvernement du Québec (celui qui paye) ne doivent pas prendre le métro bien souvent. S’ils le faisaient ils verraient que le design de la Station Berri-Uqam a été massacré. L’œuvre architecturale exceptionnelle qui se trouvait là a été ravagée de bien des façons, surtout par une explosion de publicité tapageuse! Et puis encore il nous faut trouver une manière de rendre la vie en ville accessible aux classes moyennes, notamment en municipalisant les sols urbains ainsi que l’avait proposé M. René Lévesque dans son premier programme politique.
Du pétrole d’Anticosti? Ce n’est certes pas cela qui me fera voter pour le gouvernement actuel. Ce n’est pas non plus cette campagne que le gouvernement du Québec livre pour la gratuité du passage automobile sur le futur pont Champlain. Si les banlieusards veulent aller vivre au loin, il est raisonnable qu’ils soient obligés de payer pour leur fuite.
Et je ne parle pas, ici, des risques de déversements accidentels dans le Golfe Saint-Laurent. Ceux-ci sont cent fois plus dangereux que ceux survenus dans le Golfe du Mexique… Ce qui me fera voter pour une formation politique c’est la modernité de l’action qu’elle propose et celle-ci ne passe pas par l’agrandissement du parc automobile.
Pour élever les débats électoraux
Le Québec libre et la vraie politique
L'automobile n'équivaut pas à la modernité
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2 commentaires
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
16 février 2014Le Montréal français est encore jeune. Avant Expo '67, les rues à l'est de Lacordaire n'étaient pas pavées. Y régnait pourtant le sanatorium Grace Dart, réupéré par le réseau santé. Pas de Versailles, Anjou naissait. Drapeau, le premier maire vivant dans l'est (Cité-Jardin en Rosemont) a construit en catastrophe cette Expo, le métro, puis les olympiques que les mafieux lui ont saccagé. Des réseaux routiers issus de l'aire du temps. Les yeux écarquillés par la vue du monde, nous avons copié les banlieues qui ont fait trou de beigne au États...
Le temps de nous rendre compte de notre méprise, avant que nous pensions à retourner le paquebot sur un dix cenne, la ville fut dépecée par le système qui ramena le pouvoir à l'ouest, l'argent à Toronto et notre moral de défaitistes vers l'abandon: la finance nous devance encore. Plus d'argent pour entretenir la Sherbrooke dans l'est, comme à Cuba. On aura bientôt des wagons de métro tout neufs, un système informatique aussi? Le pont va tomber, comme Turcot, les tunnels sous le fleuve... Laissons Harper gagner, on mettra un ferry, ou deux...
Mais qui réveillera les votants? Faut surtout cesser de payer impôt à Ottawa! Après, tout nous viendra tout seul!
Archives de Vigile Répondre
16 février 2014J'utiliserais le rapport du GIEC avec des pincettes si j'étais vous. Je préfère les arguments du smog urbain qui s'épaissit et s'étire très loin en région pour affecter la santé de tous. Mais celui qui frappe le plus est notre dépendance envers une ressource contrôlée par un cartel et qui se raréfiera après le passage du pic pétrolier.
Le livre de Richard Bergeron est excellent. Après sa lecture, je me suis décidé à utiliser un vélo pour la majorité de mes déplacements urbains. Quoique pas immédiatement, ce fut le chaos causé par Mario Morin qui a démontré la vulnérabilité de notre système routier.
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/108884/en-photo-un-autre-pere-frustre-fait-rager-les-automobilistes
Un pays peut-il être souverain s'il reste dépendant de ressources-clés ? Ma première responsabilité en tant qu'indépendantiste est de couper cette dépendance à mon niveau personnel et de l'affaiblir au niveau collectif.
Richard Bergeron n'est pas le géniteur d'idées nouvelles. Il les a puisé dans les projets populistes qui remontent à l'entre-guerre. Et ces idées attaquent le système capitaliste. D'où le mépris, voire la haine des médias envers lui et ses idées anti-système.
Il s'est laissé entraîné dans la mouvance de Québec-Solidaire et du NPD. QS a infiltré Projet Montréal. Est-ce que c'était bien ? Pas selon ce que j'ai vu à Montréal-Nord.
Loin de ressembler aux grandes idées lors des congrès, c'est plutôt un détournement de mission et des maigres ressources. Une véritable sape. Aux élection de 2009, le candidat Boisrond n'a jamais consulté les anciens militants, mais il fut piloté par un militant de QS. Les pires erreurs que je voulais faire éviter ont été commises.
Mon engagement pour Projet Mtl s'est refroidi. QS reste un parti de Maoïstes qui nous mèneraient comme les Khmers Rouges pour détruire l'idée même de nationalité.
Nous nous sommes trop enfoncé dans un modèle de dépendance.
Des quartiers de Montréal furent défigurés, voire détruits par la construction du système autoroutier dans les années 70. Les grands chantiers, pour remédier à notre dépendance, risquent de bouleverser encore ces quartiers. On a pu voir les effets de la réfection du Boul. Saint-Laurent. Est-ce un nouveau Grand Bond vers l'Avant qu'il faut proposer ?
Les mégachantiers soviétiques, tout comme ceux dans l'imaginaire de Lyndon Larouche, tendent à échouer à cause de la complexité, et parce qu'ils favorisent la corruption.
Il vaut mieux commencer avec les petites solutions partielles à notre portée. Le train électrique à grande vitesse, c'est bien pour le transport des personnes. Mais il ne convient pas au transport de marchandises lourdes.
Je prévois le retour des voiliers dans un siècle pour le commerce mondial. Entretemps, il nous faut développer une culture d'autarcie alimentaire, car le prix des aliments va grimper avec leur transport.