Le Québec, ce conservateur fiscal

Le monde a bien changé, mais l’État n’a pas évolué dans sa manière de percevoir les revenus fiscaux, explique Luc Godbout

68e5b1d18f64580e8acaa914d148bc7e

Une approche à revoir

Le monde change, la façon des gouvernements de percevoir leurs revenus fiscaux devrait essayer de s’y adapter. Contrairement à la plupart des autres économies développées, le Québec, comme ses voisins d’Amérique du Nord, ne semble pas l’avoir encore compris, constate une étude.

La nature et le poids relatif des sources de revenus fiscaux de l’État québécois ont relativement peu changé depuis 1981, à l’instar des autres gouvernements au Canada et aux États-Unis, mais contrairement à la majorité des pays développés, rapporte une nouvelle étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques qui devait être dévoilée ce vendredi. Les impôts sur le revenu des particuliers n’ont presque pas bougé et continuent de représenter la part du lion au Québec, leur proportion étant passée de 37 % à 36 % du total des recettes, alors qu’elle a reculé de 31 % à 24 % dans la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’importance relative occupée par les taxes à la consommation a continué d’augmenter dans la moyenne des pays de l’OCDE (de 24 % à 28 %) alors qu’elle est restée relativement stable au Québec (de 18 % à 19 %). Étrangement, les recettes tirées de l’impôt sur les sociétés sont restées relativement les mêmes (de 13 % à 14 % au Québec et de 10 % à 11 % dans l’OCDE) en dépit de la baisse des taux d’imposition. Le plus gros changement est survenu du côté des cotisations de sécurité sociale (de 10 % à 15 % au Québec, de 22 à 26 % dans l’OCDE).

L’une des leçons à tirer de tout cela est que le Québec, comme les autres gouvernements nord-américains, « n’a peut-être pas été sensible à ce qui se passait dans un contexte mondial en matière de manière de percevoir les recettes fiscales, a dit en entretien téléphonique au Devoir le professeur de fiscalité Luc Godbout, coauteur, avec Suzie St-Cerny, de l’étude d’une quarantaine de pages. Ce n’est pas tant qu’il y a eu de fortes réductions d’impôt dans les autres pays. Je prendrais l’exemple de la Suède, qui demeure l’un des pays qui taxent le plus, mais où la part des impôts sur le revenu des particuliers est tombée, durant la période étudiée, de 40 % à un peu plus de 27 %. »


Mieux taxer


Si les exemples de l’Europe du Nord ou de l’Allemagne montrent bien qu’un pays peut avoir du succès économique tout en exerçant une pression fiscale aussi grande, voire plus grande que le Québec (36 % du PIB), il faut d’abord se souvenir qu’on est principalement en concurrence avec des voisins canadiens (30 % du PIB) et américains (24 % du PIB), où cette pression est plus faible, dit l’expert. Il faut aussi rappeler que l’expérience et la recherche ont montré qu’il y a toutes sortes de manières de percevoir des taxes et qu’elles n’ont pas toutes le même impact sur les économies.

On sait, par exemple, que les taxes sur la consommation (ex. : TVQ et TPS) et sur la masse salariale sont généralement moins nocives pour la croissance que les taxes sur le capital, l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu des particuliers. Dans ce dernier cas, l’étude constate aussi que, si les impôts et transferts sociaux au Québec sont parmi les plus généreux à l’égard des ménages avec enfants et des familles monoparentales, leur interaction peut rapidement tourner à la « trappe à l’inactivité », c’est-à-dire que chaque augmentation de revenu d’emploi, même minime, se traduit encore trop souvent par de lourdes hausses d’impôt et perte de prestation. On note au passage que les pays scandinaves appliquent, depuis quelques années, un nouveau mode d’imposition du revenu qui semble causer moins de distorsion économique et qu’on qualifie de « dual » parce qu’il distingue les revenus de travail et les revenus liés au capital.

Du côté des entreprises, Luc Godbout note d’abord que, si le nouveau gouvernement de Philippe Couillard dit vouloir examiner systématiquement la pertinence de chacune de ses politiques, l’exercice devrait aussi s’étendre aux nombreux programmes d’aide aux compagnies. « Il s’en ajoute continuellement et leur coût total est évalué à 3,2 milliards. On pourrait peut-être faire mieux avec moins ? » L’expert se réjouit, par ailleurs, de voir que le Québec a généralement mieux réussi que les autres à ne pas trop taxer les investissements créateurs de richesse.

Il note également au passage que les Européens ont mieux su, jusqu’à présent, se servir de la taxation pour encourager une réduction des émissions polluantes (écofiscalité). « Ça aussi, c’est un objectif dont devraient désormais tenir compte nos systèmes fiscaux. »


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->