Le printemps gréco-russe

À Moscou, Tsipras défend son droit à la dissidence au sein de l’UE

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Charité bien ordonnée commence par soi-même

Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a défendu mercredi à Moscou son indépendance d’esprit au sein de l’Union européenne critiquant, aux côtés de Vladimir Poutine, les sanctions décidées par les Européens contre la Russie dans la crise ukrainienne.

Le chef du gouvernement grec, arrivé mardi soir dans la capitale russe, n’a par ailleurs pas demandé d’aide financière à Moscou, selon le président russe, alors que la Grèce est en pleine renégociation avec ses créanciers pour le déblocage d’une tranche vitale d’aide financière. « La Grèce est un pays souverain et a le droit inconditionnel de mener une politique internationale multiforme et à utiliser son rôle politique en tant que pays européen, méditerranéen et balkanique », a martelé M. Tsipras lors d’une conférence de presse conjointe avec le président russe.

Il a répété ses critiques des sanctions décidées par les 28 pays européens contre Moscou après l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée. « Pour résoudre cette crise profonde [en Ukraine], il faut abandonner le cercle vicieux des sanctions, qui ne contribuent pas à la défense du droit international », a-t-il martelé.

Le chef du gouvernement de gauche radicale a par ailleurs évoqué le « printemps des relations entre la Grèce et la Russie. L’objectif de cette visite, c’est que nous prenions un nouveau départ dans nos relations, dans la recherche de la paix et de la sécurité » en Europe, avait déclaré M. Tsipras en préambule à cette rencontre, tandis que Vladimir Poutine insistait sur la reprise des relations économiques entre les deux pays, dont les échanges ont diminué quasiment de moitié en 2014.

M. Tsipras est critiqué par des diplomates européens et des observateurs pour ses prises de position conciliantes à l’égard de Moscou. Et sous les ors du Kremlin, c’est le président russe qui a répondu pour lui de ses accusations quand la presse a évoqué le rôle présumé de « cheval de Troie » du Kremlin joué par la Grèce.

Souriant à l’évocation de la mythologie grecque induite par la question d’un journaliste, Vladimir Poutine a assuré qu’il ne cherchait pas à « utiliser qui que ce soit à l’intérieur de l’UE » pour améliorer ses relations avec l’Union dans son ensemble.

En pleines négociations avec ses créanciers [UE et Fonds monétaire international] en vue du déblocage d’une tranche vitale d’aide financière, M. Tsipras avait laissé monter la pression à l’approche de cette visite officielle de deux jours, certains responsables politiques grecs laissant entendre qu’Athènes pourrait être tenté de demander l’aide de la Russie.

L’UE agacée

Des effets d’annonce qui avaient agacé l’UE, demandant à ce que ses États membres parlent d’une seule voix, mais que Vladimir Poutine s’est lui-même chargé de nuancer. « La Grèce ne nous a pas adressé de demande d’aide financière », a-t-il déclaré, assurant cependant que Moscou pourrait investir en Grèce dans des projets d’infrastructure. « Il n’est pas question d’aide mais de coopération […] en lien avec de grands projets concrets », a-t-il insisté, évoquant une participation de la Grèce au projet de gazoduc Turkish Stream entre la Russie et le Turquie, qui pourrait servir de base à des livraisons de gaz russe vers le sud de l’Europe.

Mais alors que le ministre de l’Économie russe, Alexeï Oulioukaïev, avait évoqué la possibilité d’assouplir pour la Grèce l’embargo alimentaire décidé l’été dernier contre l’Union européenne à la suite de la crise ukrainienne, M. Poutine a rappelé qu’il était impossible pour la Russie de faire une exception pour un seul pays. Une rencontre entre M. Tsipras et son homologue russe, Dmitri Medvedev, est toutefois prévue jeudi à Moscou, au cours de laquelle une série de propositions autour de cet embargo doit être discutée, selon M. Oulioukaïev.

Dans un contexte de crise ukrainienne qui a dégradé les relations UE-Russie, cette visite de deux jours d’un responsable européen à Moscou n’était pas passée inaperçue et les mises en garde n’avaient pas tardé, au moment où le gouvernement grec négocie laborieusement avec ses créanciers.

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, interrogé ce week-end par le journal allemand Hannoversche Allgemeine Zeitung, avait lui demandé à M. Tsipras de « ne pas mécontenter ses partenaires européens » en risquant de rompre l’unanimité de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie.

« Pourquoi est-ce que quand un pays agit en suivant ses propres intérêts, cela est tout de suite vu comme une violation de la solidarité européenne ? », a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.


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