Le PQ, parti de droite?

Mais en tentant de séduire cette droite nationaliste, au lieu de la contrôler, le PQ est forcé de flirter avec les dérives de droite

Tout y est: réactionnaire, dérive, peur, isolement et repli, exclusion... Tout y est, sauf l'esprit du projet de loi 195...

Le Parti québécois, probablement sans s'en rendre compte, est en train de glisser à droite. Cette dérive est manifeste dans le projet de loi sur la citoyenneté. Pauline Marois serait sans doute blessée du fait que l'on puisse associer son initiative à un virage à droite. Mais le monde a changé, et les définitions de droite et gauche épousent de nouveaux contours, au Québec et ailleurs dans le monde.


Dans les sociétés industrialisées, la ligne de partage repose de moins en moins sur l'opposition entre l'économique et le social. Ce qui distingue maintenant la gauche de la droite, c'est bien davantage le traitement des minorités, l'accueil des immigrants et l'exclusion. Cet enjeu représente un défi majeur pour les sociétés avancées. Et l'on peut noter que, partout, c'est à travers ce thème que se définissent les courants politiques les plus réactionnaires.
En tant que tel, le concept d'une citoyenneté québécoise n'est pas réactionnaire. Mais dans sa mouture actuelle, le projet de Mme Marois comportait un défaut largement dénoncé, celui de contrevenir aux chartes, la canadienne et la québécoise, en raison du traitement qu'il réserve aux autres Canadiens. Le projet comporte un autre défaut, qui m'apparaît plus préoccupant, et c'est le contexte dans lequel il a été présenté.
L'idée a été lancée en plein coeur d'un débat extrêmement émotif sur les accommodements raisonnables et sur l'immigration. On ne peut pas faire abstraction de ce contexte. Quand un grand nombre de Québécois, au nom de leurs peurs identitaires, ont des attitudes d'hostilité et de méfiance face aux «autres», il est irresponsable d'arriver avec une démarche qui repose sur l'idée qu'une menace pèse sur la langue et qui propose une attitude plus ferme envers les immigrants. Dans le climat d'ébullition que nous connaissons, ce projet alimente les peurs, fournit une caution morale aux réflexes d'exclusion, et renforce l'opposition entre le «nous» et le «eux».
On voit d'ailleurs que bien des alliés naturels du PQ ont tenu à se distancer de cette initiative. Des intellectuels ou encore le président de la FTQ et la présidente de la CSN, qui ont le coeur à gauche et qui voient bien les risques d'une telle démarche. Pour prendre un exemple auxquels les péquistes seront sensibles, demandons-nous comment le Parti socialiste français aurait accueilli une telle idée...
Comment se fait-il que Mme Marois et son entourage n'aient pas vu ces voyants lumineux? En partie par naïveté. Au départ, parce que le combat des Québécois pour leur langue et leur identité est une juste cause, bien des souverainistes auront l'impression que tout ce qui se fait au nom de ce combat est par définition progressiste. En oubliant qu'il y a d'autres problèmes et d'autres droits qu'il ne faut pas occulter.
À cela s'ajoutent les risques inhérents au nationalisme. Autant celui-ci peut être une force de progrès, qui nourrit l'énergie créatrice et le désir d'affirmation, autant il peut être une source de recul quand il repose sur la peur et la tentation du repli. Le PQ est une coalition, qui a accueilli tous les souverainistes, quelle que soit leur idéologie. Mais le PQ s'est toujours défini comme porteur d'un nationalisme éclairé et s'est toujours efforcé de contrôler ses éléments les plus réactionnaires.
Le PQ a perdu son contrôle sur les porteurs du nationalisme traditionnel, attirés par l'ADQ de Mario Dumont. Son projet de loi sur la citoyenneté a manifestement pour but de les ramener au bercail. Mais en tentant de séduire cette droite nationaliste, au lieu de la contrôler, le PQ est forcé de flirter avec les dérives de droite. René Lévesque n'est vraiment pas vivant.
Les signes sont nombreux. Mme Marois, en ramenant le débat sur la langue, se retrouve du même côté que l'avocat Guy Bertrand, fleuron de ce nationalisme réactionnaire. Gérald Larose, dans un rapprochement stupéfiant, tient presque mot pour mot le discours que le penseur de Hérouxville, André Drouin, à savoir qu'il faut la souveraineté pour se débarrasser de la charte canadienne des droits, responsable de la crise actuelle.
Ce nationalisme de repli, on le voit aussi dans l'argumentaire de Jean-François Lisée, un des penseurs de ce projet détestable. Dans un texte parfaitement surréaliste publié dans ces pages, il justifie l'idée d'une citoyenneté interne en évoquant trois exemples, l'archipel finlandais d'Aland, le Nouvelle-Calédonie et la Nation Nisga'a, en Colombie-Britannique. Deux archipels éloignés et une réserve autochtone, trois sociétés dont l'identité repose par définition sur l'isolement et le repli!
Cette dérive péquiste est préoccupante, parce qu'elle aura des conséquences pour le Québec, tant à l'intérieur, en compromettant l'harmonie sociale, qu'à l'extérieur, en nuisant terriblement à notre image.
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