Sondages 2008

Le PLQ majoritaire avec un mandat aux relents adéquistes (2)

Élection Québec - 8 décembre 2008

Est-ce vraiment cela que les Québécois veulent? En tout cas, si l’on en
croit les prédictions de L’Action nationale
basées sur le sondage CROP-La Presse de ce 15 novembre, les électeurs sont
en voie de se donner un gouvernement libéral majoritaire fort de 75 sièges
(27 de plus qu’avant l’élection) grâce à la défection massive des électeurs
adéquistes de 2006. Ainsi, depuis les prédictions de L’Action nationale à
partir du sondage Léger Marketing-Le Devoir du 11 novembre, treize
circonscriptions passent du PQ au PLQ : Chambly, Crémazie, Groulx,
Laprairie, Laval-des-Rapides, Lévis, Maskinongé, Marguerite-d’Youville,
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, Saint-Jean et Trois-Rivières.
Ne conservant que trois de ses 41 députés, l’ADQ aurait bien du mal à
survivre à pareille déconfiture. Quant au PQ, ses 47 députés (contre 36 en
2006) lui permettrait de soutirer à l’ADQ le statut d’Opposition
officielle. Mais quand les députés d’opposition sont minoritaires, ils sont
condamnés à quatre ans de ce que Jacques Parizeau appelait « la vie
contemplative ». Cela consiste en la garantie de perdre tous les votes au
Salon bleu, de se faire imposer le bâillon à la fin de chaque session
parlementaire et de subir le mépris d’un gouvernement beaucoup plus
arrogant qu’il ne l’était déjà lorsque pourtant minoritaire. Le plus
paradoxal, c’est que le cynisme des électeurs face à un Jean Charest qui a
déclenché ces élections sous un prétexte fumeux fera probablement
dégringoler le taux de participation, ce qui favorisera… le PLQ.
Dans cette perspective et à moins d’un réveil brutal des électeurs, une
seule chose manquera encore aux rêves les plus fous de Jean Charest :
l’élection d’un, voire de deux députés de Québec solidaire, dans Mercier et
Gouin. L’ADQ devenue moribonde à sa droite, le chef libéral verrait
l’entrée de QS à l’Assemblée nationale consacrer l’éparpillement
potentiellement croissant du vote souverainiste et de tout ce qui est à
gauche du centre. À l’avenir, un certain nombre de gens en région se
mettraient alors à s’imaginer que ce qui est électoralement possible dans
le microcosme du Plateau Mont-Royal l’est aussi chez eux, ce qui ferait
élire… d’autres Libéraux. Voilà qui serait, pour Jean Charest, la meilleure
promesse d’un quatrième mandat d’affilée en 2012, voire l’assurance de
rester Premier ministre tant qu’il le voudrait, comme Jean Chrétien à
l’époque où le Parti Libéral, le Parti Progressiste-conservateur, le Reform
Party-Alliance canadienne, le NPD et le Bloc Québécois segmentaient
l’opposition en petits morceaux. Déjà en 2006, sept candidats péquistes ont
perdu par nettement moins de voix d'écart que ce qu’a recueilli le candidat
QS. « Québec solidaire fait voter du monde qui s’abstiendrait autrement »,
disent les gens de QS. Foutaise. Depuis la fondation en 2002 de l’UFP
devenue QS, le taux de participation n’a cessé de dégringoler.
Il ne manquerait plus qu’un chef le moindrement charismatique au Parti
vert pour réduire l’opposition à peau de chagrin. On n’en est pas encore
là. Mais pour le 8 décembre, préparez-vous à vous sentir bien impuissant
lorsqu’un gouvernement libéral qui devra sa majorité aux déserteurs
adéquistes passera à l’action en matière de privatisation de la Santé et de
PPP tous azimuts. En début de mandat bien sûr, pour que tout soit oublié
quatre ans plus tard.
Je sais bien que plusieurs partisans de QS me reprocheront ce point de
vue, mais cela demeure une réalité politique indécrottable. « Les péquistes
n’ont qu’à faire plus de ceci et parler plus de cela », m’objectera-t-on
(je vous épargne la longue liste). Autre foutaise. Lorsque vient le temps
de battre la droite, on a le choix entre faire des compromis ou perdre.
Perdre comme l’a fait la gauche à l’élection présidentielle de 2002 lorsque
plusieurs se sont fait plaisir en votant pour la candidate trotskiste
Arlette Laguiller ou le candidat communiste Olivier Besancenot et tutti
quanti, au point de mener le très présidentiable socialiste Lionel Jospin à
l’élimination. Un deuxième tour Chirac-Le Pen entre la droite et l’extrême
droite : voilà le bilan édifiant de la frange intransigeante de la gauche
française.
Et que dire de tous ces Américains d’une certaine gauche qui, à deux
présidentielles d’affilée, ont bêtement voté pour l’écologiste Ralph Nader
dans des élections extrêmement serrées? Nader aurait pu se rallier à Al
Gore en 2000. Il ne l’a pas fait. Cela nous a valu huit ans de George W.
Bush à la sauce Dick Cheney et Paul Wolfowitz, caractérisées par le
capitalisme sauvage à l’état pur et des guerres meurtrières au service de
l’industrie pétrolière. Puis en 2007, Al Gore a reçu le prix Nobel de la
Paix pour sa lutte contre les changements climatiques. Bravo à Ralph Nader
et ses électeurs!
Pourquoi pensez-vous que Barack Obama et Hillary Clinton ont passé les
deux dernières années à ponctuer leurs discours de « God bless America », à
parler de leur foi en Dieu et de leur pasteur? Parce qu’ils sont des
grenouilles de bénitiers qui lisent la Bible avant de se coucher? Sûrement
pas. Ils font ça pour gagner. Point à la ligne. Les Américains de gauche
qui ont une tête sur les épaules ne s’en font pas avec ça. Ils comprennent
que ça ne sert qu’à rallier une précieuse partie du centre et se ferment la
gueule. Voilà pourquoi le PQ ne peut tout simplement pas camper plus à
gauche ou dire aux électeurs « non seulement vous devez croire que nous,
troisième parti à la dissolution de l’Assemblée, méritons que vous nous
donniez la première place, mais en plus, vous devez croire que nous sommes
en mesure de gagner un référendum tout de suite après ». C’est trop
demander à l’électorat. C’est vouloir perdre.
« Le PQ ou le PLQ, c’est du pareil au même », répète Québec solidaire.
J’ai même lu ça sur Vigile. Ah oui? Vous croyez que la création des CPE ,
la Loi sur l’équité salariale, l’assurance-médicaments, l’indexation
annuelle automatique des prestations d’aide sociale, le Fonds de lutte
contre la pauvreté par la réinsertion au travail, de même que la Stratégie
nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et sa
loi-cadre auraient pu venir du PLQ de Jean Charest? En politique, à vouloir
absolument tout, tout de suite plutôt que de se contenter d’une partie, on
n’obtient exactement rien. Choisissez.
Christian Gagnon

Montréal
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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    17 novembre 2008

    Le plus sûr moyen de reporter l'indépendance à la semaine des quatre jeudis est de voter pour le PQ actuel et de conforter ainsi les radicaux du clientèlisme qui le dirigent en écartant tout programme indépendantiste.
    Ce parti n'est pas le parti de l'indépendance, ce n'est pas le parti de la nationalisation de l'éolien, ce n'est même pas le parti de la défense du français (et bravo madame Beaudoin: on va fouetter les immigrants pour qu'ils apprennent le français mais on ne leur assurera pas pouvoir travailler dans cette langue! Encore cette manie de s'attaquer aux victimes plutôt qu'aux responsables).
    Ce ne sera pas beau avec Charest, mais on a connu Lucien Bouchard.
    Prévision personnelle: le PQ actuel sera très heureux de formé l'opposition officielle aux prochaines élections et ronronnera de confort jusqu'à ce que les conditions gagnantes soient réunies… Là, s'il est au pouvoir, il trouvera le moyen de reporter les gestes à poser.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 novembre 2008

    Bonjours M.Gagnon. Et pendant ce temps, Jean Charest continue de surfer en se vantant de venir en aide à l'économie de l'est du Québec en soutenant le secteur de l'éolienne, comme remède aux fermetures d'usine de sciage et aux difficultés dans le secteur des forêts. Quand on connait le gouvernement de Jean Charest, les éoliennes ne risquent pas de manquer de matière première avec ses promesses électorales qui ne sont que du vent, en fait.

  • Raymond Poulin Répondre

    16 novembre 2008

    À moins d’une bourde monumentale (et encore...) des Libéraux d’ici le 8 décembre, on pourra dire, le lendemain, que vous aviez livré un portrait anticipé de la réalité. Mais cela ne troublera pas beaucoup ceux qui, parmi les indépendantistes, préféreraient le crépuscule des dieux au moindre mal, ce qui constituerait le maximum possible présentement. Il ne leur vient pas à l’esprit que plus le Québec sera dans la merde, plus l’indépendance sera difficile à réaliser et plus ils auront eux aussi le nez dedans.
    Parce que son train-jouet avance trop lentement à son goût, un enfant de cinq ans peut le saccager dans un accès de dépit. C’est exactement ce que s’apprêtent à faire plusieurs puristes, et rien ne les convaincra qu’ils se fourrent le doigt dans l’oeil. Le 9 décembre, ils en rajouteront en admirant leur pureté immaculée dans le miroir, s’auto-congratulant d’avoir donné une bonne leçon au PQ, ce qui, dans leur miroir déformant, leur apparaît nettement plus important que d’enfoncer davantage le Québec. Bref, une victoire supplémentaire et sans frais pour Ottawa.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 novembre 2008

    Si ce n'était de l'éparpillement du vote justement, je voteais Québec Solidaire, parce que je suis d'accord avec l'essentiel de sa pensée politique au plan social.
    Mais justement, et c'est ça le problème. On ne peut voter selon ses convictions au Québec, pas plus qu'au fédéral. On doit choisir entre ses convicti0ons, parce que le système de représentation ne permet pas de voter positivement.
    Je vais voter PQ parce que je souhaite à l'indépendance et que le PQ reste le meilleur véhcule pour y parvenir. Mais je vote aussi pour empêcher Charest de s'inscruster dans le paysage.
    Je suis d'accord avec vous monsieur Gagnon, on a rien vu encore, surtout s'il fallait qu'il soit élu et dispose d'un gouvernement majoritaire.
    Les gens de Québec Solidaire sont vraiment des Québécois. En ce sens qu'ils pratiquent, le sachant très bien mais le niant, une politique qui a précisément pour résultat d'affaiblir la souveraineté, en favorisant le renforcement des partis fédéralistes.
    Se diviser quand ce n'est pas le temps, on est ben bon dans ça, nous, les québécois