Ce matin, le baril de pétrole se négociait à 56 $CAN. Pour que les compagnies pétrolières puissent exploiter le pétrole d’Anticosti, il faudrait que le baril se vende à 163,4 $CAN. Faites le calcul vous-même, on est loin du compte. Le pétrole d’Anticosti n’est pas et ne sera pas rentable avant longtemps.
C’est la principale conclusion à laquelle nous arrivons après l’étude exhaustive des données fournies par le Dakota du Nord sur la formation de Bakken et l’Agence américaine d’information sur l’énergie (US EIA) croisées avec les informations fournies par l’industrie et le gouvernement sur l’exploitation du pétrole de l’île d’Anticosti.
Non seulement le projet ne sera pas rentable, mais, on s’en doute, il sera extrêmement polluant. Il émettra plus de 33,5 MTéCO2, ce qui représente plus de l’équivalent des émissions des secteurs industriel et résidentiel de l’électricité mises ensemble pour une année. En fait, au meilleur de la production, cela représente près de l’équivalent des émissions totales des industries du transport aérien, ferroviaire et maritime au Québec en 2012 (p.13) pour une année. Cela reviendrait à plus d’émissions de GES que le second plus grand émetteur au Québec. Ainsi, plutôt que de diminuer nos émissions de GES en moyenne de 3,6 % annuellement pour atteindre les cibles internationales, nous les augmenterions de 1,8 %.
Si, au moins, toute l’aventure permettait de revitaliser l’économie du Québec, on pourrait y songer. Mais non.
En termes de PIB, on peut espérer que l’exploitation représente en moyenne un effet de 0,3 % sur le PIB, soit à peu près l’équivalent du secteur de l’imprimerie au Québec. Donc, rien pour écrire à sa mère. En ce qui a trait aux emplois, au meilleur de la production, l’ensemble de l’exploitation du pétrole d’Anticosti représenterait l’équivalent du 469e employeur, en incluant les emplois directs et indirects créés. Pour les autres années, cet indicateur passerait sous la barre des 500 premiers. Certains estiment que l’avantage de l’exploitation du pétrole d’Anticosti est plutôt lié à l’indépendance énergétique du Québec. Or, si on regarde les effets sur la balance commerciale du Québec, on peut supposer un effet à la hausse d’environ 1 %. Encore une fois, rien ici ne laisse supposer le Klondike. En fait, si l’on veut réellement augmenter notre indépendance énergétique, la meilleure solution reste de s’affranchir de notre dépendance au pétrole. Par exemple, si nous retenions la proposition de la commission sur les enjeux énergétiques du Québec de février 2014 de diminuer le transport sur les routes de 16 % sur six ans, les effets sur la balance commerciale seraient une hausse de plus de 14 %.
Pour ce qui est des redevances, même constat: nous irions chercher autour de 0,18 % du budget des revenus estimés par le gouvernement du Québec pour 2016-2017 (p.D5), encore rien qui justifie de faire des courbettes à l’industrie.
Évidemment, les raffineries et les pétrolières peuvent espérer que la production de pétrole sur Anticosti sera plus élevée que celle du Dakota du Nord. Elles mentionnent une production similaire à celle de l’Ohio (taux de récupération de 5 %). Cependant, les gisements d’Utica de l’Ohio restent marginaux par rapport à l’échantillon de Bakken (taux à 1,2 %). En ce sens, l’épreuve des faits montre qu’à long terme, le comparatif de Bakken est de loin plus réaliste.
Bref, le pétrole d’Anticosti pas rentable ne créerait pas beaucoup d'emplois et polluerait en masse. Rendus là, ne serait-il pas préférable de stimuler l’économie à travers la création d’emplois dans l’efficacité énergétique et l’énergie verte?
Pour plus de détails, la note socio-économique sur le pétrole d’Anticosti est offerte gratuitement sur notre site internet.
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