La crise grecque

Le père Fouettard

Nouvel Ordre mondial

Au fond, c'est à se demander si l'Allemagne d'abord, la France ensuite, n'ont pas l'ambition secrète d'éjecter la Grèce hors de la zone euro. À suivre leurs atermoiements et leurs exigences formulées après une empilade de plans d'austérité qui en deux ans ont gommé le niveau de vie de moitié, la question mérite d'être posée. Pour reprendre un titre de Libération, «La Grèce à l'os»... L'affaire est entendue, en matière de magouilles fiscales les Grecs ont été des artistes, l'activité immobilière s'est conjuguée pendant des années avec le travail au noir, des pans entiers de la fonction publique étaient abonnés à la corruption. Pour faire court, mettons que la culture économique du pays était à l'image du ni vu, ni connu je t'embrouille. Admettons que les vices grecs méritaient un sursaut de discipline de la part des pays membres de la zone euro. Mais certainement pas en infligeant une potion d'une violence aussi inouïe que celle confectionnée par la troïka (FMI, la BCE et la Commission européenne). On se souviendra que dimanche, les députés grecs ont adopté un énième plan d'austérité. On se rappellera que simultanément, Athènes était le théâtre d'une guérilla urbaine. On se souviendra surtout que si Angela Merkel avait donné son accord à la proposition avancée par Nicolas Sarkozy au début de la crise, il y a deux ans (!), soit allouer un prêt à la hauteur des devoirs financiers de la Grèce, le pays aurait probablement renoué ces temps-ci avec la reprise économique. Au lieu de quoi, le pays vient d'aligner une cinquième année de récession. Pire, l'année 2011 s'est achevée avec une contraction très prononcée du PIB, -7 %. Bonté divine! Cela n'a pas empêché la zone euro de demander hier au gouvernement grec de greffer d'autres coupes à celles votées dimanche. Le salaire minimum vient encore une fois d'être réduit — 22 % —, 15 000 suppressions de postes dans la fonction publique ont été annoncées, la retraite a été amputée une fois de plus, etc. Que cherchent les Européens et Merkel en tête? Que le nombre record de suicides enregistrés en 2011 soit dépassé cette année? Que le record constaté sur le front de l'émigration l'automne dernier, majoritairement des jeunes, soit pulvérisé en 2012, et qu'ainsi le vieillissement du pays aille à la vitesse grand V? Dans cette histoire, ce qu'il y a de rageant, ce qu'on n'entend pas assez et qu'on lit encore moins, c'est que la nation qui a le plus bénéficié de l'euro s'avère la nation qui a revêtu ces jours-ci le costume du père Fouettard: l'Allemagne. Qu'on y songe: la BCE a toujours défendu une politique de l'euro fort à l'avantage de l'Allemagne et de ses produits à forte valeur ajoutée, mais au désavantage des pays, dont la Grèce, où l'industrie touristique occupe une place prépondérante, et d'une. Et de deux, alors que l'Allemagne devait investir massivement pour la remise à niveau du tissu économique de l'ex-Allemagne de l'Est, l'euro lui a assuré la stabilité monétaire et un financement de la dette à moindre coût. Et de trois, à la mi-2005, l'Allemagne n'ayant pas respecté le pacte de stabilité le gouvernement a effectué un tour de passe-passe en évoquant «des circonstances exceptionnelles». Conséquence de ce pied de nez en direction de Bruxelles, de ce contournement des devoirs? L'Italie, le Portugal et la... Grèce ont été ajoutés à la liste des pays délinquants. On voudrait qu'Athènes sombre dans l'anarchie qu'on ne s'y prendrait pas autrement que Merkel, Sarkozy et consorts.



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