Le pas du Hamas

Géopolitique — Proche-Orient


Mahmoud Abbas et Ismaïl Haniyeh se sont rendus utiles cet été pendant que Tsahal démolissait le Liban: ils se sont mis d'accord sur la formation d'un gouvernement d'union nationale. Rien ne garantit que l'accord tiendra durablement entre le Fatah et le Hamas. Mais il ne tiendra, chose certaine, qu'à la condition qu'Israël et les États-Unis reconnaissent enfin les impasses d'une politique fondée sur l'isolement et la force des armes.

Il est vrai que nécessité fait loi dans l'accord conclu lundi entre M. Abbas, président de l'Autorité palestinienne, et M. Haniyeh, premier ministre et dirigeant du Hamas, dans l'espoir de mettre fin à la crise politico-financière qui paralyse les territoires occupés et d'ouvrir la voie au rétablissement d'une aide internationale essentielle.
La communauté internationale fait payer chèrement aux Palestiniens leur décision de porter au pouvoir le Hamas aux législatives du 25 janvier dernier. En décidant de suspendre l'aide internationale tant que les «terroristes» du Hamas n'auraient pas renoncé à la violence et reconnu l'existence d'Israël -- décision s'ajoutant au blocus israélien --, l'Europe et les États-Unis ont accentué de façon inhumaine le marasme économique dans les territoires occupés.
Selon l'agence des Nations unies pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), «plus de 1 million de Palestiniens de Gaza reçoivent aujourd'hui une aide alimentaire» sur une population de 1,4 millions. Une autre agence onusienne prédisait hier que le revenu par habitant risquait de tomber en 2007 à son plus bas niveau depuis 25 ans -- moins de 1000 $US -- en raison de la suspension de l'aide. Aussi, la déliquescence de la société palestinienne suscite-t-elle dans la population des tensions et un mécontentement dont le Hamas ne tient guère à faire les frais politiquement.
Ainsi, après plusieurs mois de négociations, le Hamas vient d'accepter sous pression de souscrire, en compagnie du très modéré Mahmoud Abbas, à un plan de gouvernement d'union nationale qui réitère l'objectif de poursuivre la résistance dans les territoires occupés depuis 1967, mais préconise aussi la création d'un État indépendant dont Jérusalem-Est serait la capitale -- ce qui constitue une reconnaissance implicite de l'État d'Israël. Cette «reconnaissance implicite» est encore trop vague pour être jugée crédible, mais elle n'en représente pas moins un pas important dans l'évolution de l'organisation islamiste, qui manifeste du reste, depuis plus d'un an, une propension croissante à la realpolitik.

Pour autant, cette ouverture ne justifie pas ceux qui préconisent en Israël une politique qui a fait passer depuis 2000 la solution au conflit israélo-palestinien par l'écrasement militaire. Elle n'excuse pas davantage le caractère odieux d'une stratégie qui a consisté, de la part de la communauté internationale, à asphyxier tout un peuple pour faire plier une organisation politique.
Reste à voir si la communauté internationale aura le tact d'accompagner politiquement l'accord Abbas-Haniyeh, de cultiver la voix des modérés, laminée par des années de répression, et de rendre aux Palestiniens le droit de souffler un peu en débloquant l'aide, au moins en partie. En Israël, où on tente de tirer les leçons de l'échec de la guerre lancée au Liban, la réaction gouvernementale était hier prudemment positive. Plus positive, en tout état de cause, que celle affichée fin juin, alors que le gouvernement israélien, prenant connaissance des pourparlers entre le Fatah et le Hamas, avait réduit le tout à une «affaire palestinienne interne». L'accord Abbas-Haniyeh n'est justement pas qu'une affaire interne. Il entrouvre la porte, occasion rare, au dialogue avec les Israéliens.


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