Le ministre D’Amour doit démissionner

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Le parti de l'économie ?

Le dossier maritime est, au Canada, un total fouillis. Entre les contrats offerts par Ottawa à des chantiers navals bien moins performants que celui de la Davie, à Lévis, et le brise-glace tombé en panne entre Québec et Lévis pendant le dernier temps des fêtes, le Canada fait figure de pays du tiers-monde.


Si Ottawa multiplie les choix cabochons, Québec n’est pas non plus à l’abri de la bêtise. Alors que le gouvernement aurait eu une chance d’utiliser intelligemment le peu de marge de manœuvre dont il dispose, voilà qu’il décide de se tirer dans le pied en ignorant les intérêts fondamentaux du Québec au profit de la religion du libre-échange.


Le CTMA Vacancier est un navire de croisière visant à desservir les Îles-de-la-Madeleine. Certains passagers m’ont raconté qu’il commençait à prendre de l’âge. Le gouvernement du Québec a décidé qu’il devait être remplacé. Jusqu’ici, aucun problème.


La Davie souhaite se charger de la construction dudit navire. Le chantier naval, qui a près de 900 fournisseurs, a proposé de s’en charger à ses frais et à louer au gouvernement et à la Coopérative de transport maritime et aérien, compagnie publique créée en 1944 pour relier les Îles-de-la-Madeleine au reste du Québec.


Le gouvernement du Québec a plutôt demandé à la Coopérative de procéder à un appel d’offres international. Le minimum de contenu québécois est fixé au maigre chiffre de 30 pour cent.


Il est clair que le navire ne sera jamais construit au Québec, parce que la coque et les principales composantes du bateau valent tout simplement plus de 30 pour cent. Pour qu’il le soit, il faudrait que le seuil minimal de contenu québécois soit fixé entre 50 et 60 pour cent, ce qui exclurait les constructeurs de coques à rabais d’Europe de l’est.


L’argument, dans ce genre de cas, est toujours la recherche du coût moindre. C’est pourquoi les wagons du futur REM seront construits en Inde plutôt qu’au Québec.


Or, il faut préciser que ce sont des économies en général assez limitées. Supposons deux scenarii, où le navire vaut 200 millions de dollars.


Dans le premier scénario, nous en confions la construction, selon les termes actuels du gouvernement, en grande partie dans un pays européen, sous prétexte que nous économiserons 20 pour cent du coût. Le navire nous aura coûté 172 millions de dollars. Nous aurons épargné 28 millions. Là s’arrêtent cependant les effets positifs, car si 70 pour cent du contenu est acheté à l’extérieur, 112 millions vont à des biens et services... étrangers.  Les travailleurs employés à l'étranger payeront de surcroît leur impôt sur le revenu dans le pays en question, et dépenseront - en consommation - une partie de leur salaire dans ce même pays, et, logiquement, pas ici.


Dans le second cas, nous offrons le contrat au Québec pour 200 millions. Le chèque est plus élevé, certes, mais offre de bien plus belles perspectives. Selon la Davie, le contrat du CTMA Vacancier pourrait créer 600 emplois directs et 1200 emplois indirects, en plus d’apporter des retombées économiques d’un demi-milliard de dollars au Québec.


On me dira que la Davie prêche pour sa paroisse. Soit ! Mais les rapports démontrant l’importance réelle des activités de l’industrie maritime et des dépenses en construction navale sont nombreux.


Il faut, de plus, noter qu’un navire construit au Québec permet d’épargner du temps et de l’énergie de transport. Donc, c’est plus écolo.


Le choix à faire me semble évident. Mais le gouvernement a opté pour l'autre. C’est un faux pas majeur, qui a mené Pierre Drapeau, le président de l’Association des fournisseurs de Chantier Davie Canada, à demander vendredi la démission du ministre responsable de la Stratégie maritime du Québec, Jean D’Amour.


Par respect pour les travailleurs et les familles qu’il abandonne, c’est ce que le ministre devrait faire pour sauver sa dignité.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).