Le hold-up de Radio-Canada - l'affaire Waterlot et la SSJB

Un dernier mot sur les "dessous de la liste d'octobre 70"

Crise d'Octobre '70 - 40e anniversaire


Comme un papillon qui sort de sa larve, l’ex-policier et ancien soi-disant « gérant de librairie communiste » de 1970, Daniel Waterlot a étrangement émergé des boules-à-mites de l’Histoire du Québec, après 30 ans ‘d’absence’ en Europe.
Grâce à son amnésique vedette, à son histoire rocambolesque et à son faux/vrai dossier de la GRC, Radio-Canada parvenait, à quelques heures de l’inauguration du Monument Octobre 1970, à occulter la vive mémoire de l’internement du Québec tout entier par la création d’un nouveau mythe. .( Lire : http://www.vigile.net/Un-nouveau-mythe-est-cree )
Coup médiatique exceptionnel de l’appareil fédéral. Peu de temps après la diffusion de l’émission « Enquête »/ « The Fifth Estate », sur le Web dans toutes les langues, les arrestations d’Octobre 70 au Québec étaient maintenant celles d’innocentes victimes communistes de l’ultrasecret programme PROFUNC (Prominent Functionaries of the Communist Party) des années ’50.
Mais la partie la plus troublante cette affaire fut sans conteste l’apparition de l’ex-policier-marxiste-léniniste sur la tribune d’honneur de la SSJB le 16 octobre dernier.
La seule ampleur du sabotage historique que venaient tout juste de déclencher Waterlot, (consciemment ou non) et Radio-Canada, aurait dû commander l’annulation in extremis de son discours inaugural, sa « suspension administrative » le temps de vérifier les faits (comme disent les juristes) et, le cas échéant, le déclenchement d’une enquête interne sur les facteurs et les personnes ayant contribué à son ascension aux fonctions de vice-président de la Fondation Octobre 70.
Plus grave encore, le fait que la SSJB et la Fondation Octobre 70 avaient en main depuis plusieurs années tous les éléments clés de l’affaire Waterlot, à commencer les déclarations invraisemblables qu’il avait livrées à Pierre Cloutier dans le cadre d’une entrevue filmée en 2007 et pour finir, celles de 2010. Ses inexactitudes, ses incohérences, ses restrictions mentales, son amnésie opportune et ses euphémismes aberrants (genre « nous, les marxistes-léninistes, on était contre la violence… on voulait simplement un monde meilleur » etc…) étaient amplement suffisantes pour soulever beaucoup d’ombre sur le parcours allégué du mystérieux chemin de Damas dans le c.v.de cet ex-policier et conséquemment, sur l’à-propos des fonctions qu’il occupe présentement.
Mais « nous » sommes des âmes charitables. Alors, « nous » avalons facilement les histoires de douleurs, de persécution, de rédemption et de … durée d’emprisonnement. Ou, à défaut d’être charitables, « nous » sommes des paresseux ou des fieffés laxistes car l’information pertinente à l’Affaire Waterlot est sinon partiellement disponible sur le Web, sinon, du moins plus intégralement à la bibliothèque Nationale. Ce ne sont quand-même pas des adolescents incultes qui dirigent la SSJB !
Louis Hamelin, dans son roman La Constellation du Lynx, fait (ne fait-il pas) référence à l’ex-policier-marxiste-léniniste Daniel Waterlot et son camarade et lui aussi ex-policier Arthur Vachon dans un simple mais éclairant paragraphe (p.77)

« (…) Coco participait aux réunions du CIS (Comité indépendance-socialisme) de Francis Braffort, où il croisait aussi des membres du IOPQ (Intellectuels et ouvriers patriotes du Québec) [m-l], fondé par deux ex-policiers. C’était un peu bizarre, ce duo d’ex-flics qui met sur pied un groupuscule marxiste. On voyait vraiment de tout. » (…)

Quarante ans plus tard, semble-t-il, on voit vraiment encore de tout.
Aux bonnes âmes qui appréciaient récemment le mérite de D.W. à la longueur de sa détention (‘la plus longue détention parmi tous ceux qui furent arrêtés en octobre 70’) et lui offraient pour cela la récompense du podium d’honneur, je réponds que la durée inexplicable de son emprisonnement aurait pu tout aussi bien lui permettre de « confesser » bien du monde et de distinguer ‘intra-muros’ le menu fretin des plus grosses cibles. Ah, ces rencontres « fortuites » grâce à la proximité providentielle des cellules. Et il en a fait plusieurs de ces rencontres.
Michael McLoughlin, dans son ouvrage “Last stop, Paris: the assassination of Mario Bachand and the death of the FLQ” (Viking 1998) relate comme suit l’arrestation de François Mario Bachand lors de la préparation de l’Opération McGill Français, le 21 mars 1969 :
(…) ‘They took him (ndlr Bachand) to a cell at Montreal Police Headquarters. From an adjacent cell, his friend, Daniel Waterlot, an ex-member of the Montreal Police, who was a leader of a separatist-Maoist group (Intellectuels, ouvriers et patriote du Québec) saw Bachand sitting on his bunk, head in his hands, evidently heavily depressed. Two days later, Bachand was released on bail on charges of theft with violence. A condition of bail was that he stay away from any demonstration. The charges were baseless, meant simply to prevent his participation in Operation McGill.

… Son “ami” François-Mario Bachand, qui sera assassiné à Paris le 29 mars 1971.
Alors, revoyez le clip de 2007 et enregistrez la bande sonore tandis qu’il est toujours en ligne. Écoutez-la, cette bande et plusieurs fois. Prenez note de la trame des événements qui sont relatés, écrivez les noms cités, notez le contexte des hésitations et des oublis (de ses emplois notamment). Et comparez vos notes aux documents d’archives.
Comparez également les déclarations de Waterlot de 2007 et de 2010 à celles qu’il a faites à l’émission Enjeux de Radio-Canada le 10 mars 1997 … si vous obtenez la permission de la visionner, car elle ne semble pas disponible sur le Web. Plusieurs, qui ont vu cette émission ou qui ont rencontré Waterlot, par pur hasard à Paris, alors qu’il y travaillait, se souviennent, eux, de l’emploi qu’il occupait et de l’uniforme qu’il portait.
Monsieur l’ex-policier Waterlot semble toujours présent aux meilleurs rendez-vous avec la Société d’État pour maquiller l’Histoire. Son entrevue avec Enjeux, en mars 1997 avait été utilisée pour accréditer la thèse d’un complot, à l’intérieur du FLQ, pour assassiner Mario Bachand (L’auteur Michael McLoughlin privilégiera, lui, la thèse d’une intervention de la Gendarmerie Royale du Canada, qui aurait supervisé le meurtre de Bachand en infiltrant la Délégation extérieure du FLQ à Alger).
L’entrevue de 2010 de Waterlot avec son vrai ou faux dossier de la GRC aura encore une fois servi le fédéral dans son nouveau « Hodl-up » sur les « Listes d’octobre 70 ».
Je l’admets, tout n’est ici qu’hypothèse : sans accès aux listes hautement confidentielles et codées des agents, des indicateurs et des sources de l’escouades anti-terroriste et des services de renseignements fédéraux, il ne sera jamais possible de prouver au-delà de tout doute raisonnable que l’ex-policier Daniel Waterlot et son camarade Arthur Vachon de la Police provinciale étaient ou n’étaient pas toujours en service commandé alors qu’ils occupaient la fonction de « gérant d’une librairie communiste » pour l’un et d’éminence grise marxiste-léniniste pour l’autre, à l’époque de la Crise d’octobre.
Mais nous naviguons dans l’Histoire et non devant une Cour de justice criminelle. Alors, le niveau de « preuve », en matière de crédibilité et d’hypothèse, est celui de la « balance des probabilités ». Et sur cette balance, je retiens sans malice une longue liste de faits qui me semblent suffisamment troublants pour répondre à la question de savoir s’il ne serait pas plus opportun que Daniel Waterlot persévère dans son nouvel emploi « d’écrivain » plutôt que bourlinguer dans les instances d’organisations souverainistes ou de Québec Solidaire (Rosemont, octobre 2006).
N’eut été de l’émission « Enquête »/« The Fift Estate » de Radio-Canada (16 octobre 2010), qui faisait de Daniel Waterlot le pivot d’un « hold-up » sur les « dessous de la ‘liste d’Octobre ‘70’ », cet ex-policier ne serait probablement demeuré qu’un mauvais souvenir enfoui dans la mémoire des figurants accessoires de l’époque et peut-être aussi de quelques autres qui n’ont pas encore senti le besoin de ‘s’asperger de Varsol ou de rouler accidentellement sous les roues de leur tracteur.
Prochain rendez-vous : Octobre 2020 !
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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2017

    j'aimerais rentrer en contact avec Daniel Waterlot. Si un lecteur connait ses coordonnées merci de lui faire parvenir les miennes... où l'inverse... Remerciements

  • Archives de Vigile Répondre

    29 octobre 2010

    Réponse à des commentaires
    De Jean-Paul Crevier-Delisle
    Comprenez-moi bien, GV : mon intervention ne vise pas à nier le nombre de « M-L », de communistes, de socialistes ou de la gauche qui ont été détenus puis relâchés sans accusations. Ce qui me préoccupe principalement, c’est la très douteuse et bien opportune conjonction médiatique qu’en a fait Radio-Canada, la veille même de l’anniversaire.
    Le programme PROFUNC fut instrumentalisé par Radio-Canada comme une lune pour éclipser le soleil en plein jour. L’essentiel, quant à moi, n’est pas tant la "formule de capture" et la "composition de la prise", en cette « nuit noire », que l’objectif terroriste et planifié du coup de filet fédéral pour briser les aspirations d’un peuple tout entier. Je pointe cette lune : alors, ne regardez pas mon doigt.
    Comprenez-moi bien « F. », pour ce qui est de D.W., ce n’est pas l’homme d’aujourd’hui ou sa réputation que je vise, mais le rôle très énigmatique qu’il a objectivement joué à compter de sa démission comme policier, à l’automne 1968, jusqu’à son départ précipité en Europe. Je n’invente rien. J’aligne ses propres déclarations, je me restreins volontairement aux documents disponibles et je surligne en jaune ou en rouge ce qui m’apparait le plus troublant. Lorsqu’on est un « personnage de haute visibilité », la controverse publique a parfois de rudes exigences.
    Question de faits, li y aurait beaucoup plus à dire, car tout est loin d’avoir été écrit sur certains groupuscules m.l. de l’époque et leurs « librairies», dont quelques-unes servaient de terrains opérationnels aux services secrets chinois, canadiens et américains. Il faut aussi comprendre qu’en pleine Crise d’octobre 1970 le gouvernement de Pierre Éliott-Trudeau reconnaissait diplomatiquement la République Populaire de Chine, après 20 mois de négociations, et que cela était loin de plaire à la très puissante GRC. Voyez-vous la complexité?
    Ma seule véritable conclusion est la suivante : pour le bien supérieur des organisations souverainistes dans lesquelles il s’implique maintenant avec dévouement, Daniel Waterlot devrait se faire moins visible. Lorsque viendra le temps des réclamations pour dommages, il se trouvera certainement des journalistes anti-souverainistes qui ressortiront des tracts et des journaux d’alors pour démontrer par association que la Fondation Octobre est chapeautée par des gens qui, en 1969 et 1970, prônaient ouvertement la lutte armée et le renversement de l’État canadien par la violence. Et il sera alors trop tard pour se poser des questions.
    Cela n'enlève en rien au personnage son "cran" et sa "trempe" légendaire.

  • Caroline Moreno Répondre

    28 octobre 2010

    Comment porter des accusations contre un militant sur de simples hypothèses...
    https://cbc.taleo.net/careersection/2/jobsearch.ftl?lang=fr

  • Archives de Vigile Répondre

    27 octobre 2010

    Ce n'est pas de la faute de Waterlot si Radio-Canada a sorti cette histoire de Profung, il n'était même pas au courant qu'ils allaient parler de ça.
    Et qu'il ait été "communiste", je ne vois pas ce que ça change. Ça prouve qu'ils emprisonnaient n'importe qui.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 octobre 2010

    Merci pour l'hypothèse. C'en est une parmi d'autres. Pour le cas de Waterlot, on pourrait aussi penser que sa présence sur la tribune s'explique tout simplement par son implication dans la Fondation octobre 1970. Quant au nombre de M-L détenus en 1970, ils étaient nombreux derrière les barreaux, c'est un fait. Eux aussi finalement libérés sans qu'aucune accusation ne soit portée contre eux.
    GV