Chronique du vendredi - Patrick Bourgeois

Le grand effoirage

2011 - Bilan et perspectives


Paraît qu’à ce temps-ci de l’année, il est de bon ton de réfléchir à nos accomplissements de l’année, à nos succès comme à nos échecs. Le peuple québécois n’y échappe pas. Alors garochons deux ou trois réflexions à son sujet.
Dure année. Rien de trop réjouissant. De reculs en reculs, on ne peut qu’effectuer maints retours en arrière fort peu enthousiasmants et peu porteurs d'avenir. Dans le dossier linguistique notamment, celui qui retiendra ici mon attention.
On a passé une année au cours de laquelle on a vu des têtes à claques se retrouver au sommet de la plupart de nos grandes institutions, et ce, sans parler un traître mot de français. La Caisse de dépôt et placement notamment. Une année où les banques se sont mises à re-fonctionner en anglais (est où la grosse bonne femme de chez Eaton???). Une année où la loi 101 a continué d’être ignorée par les faiseux de ski-doo. Une année, bref, où on a assisté encore mieux à notre grand effoirage national, à l’enfonçage de notre langue dans les méandres de l’assimilation. Pas beau à voir. Mais surtout déprimant de voir notre réaction digne des plus grands couards de la terre.
Il fut un temps où les colonialistes justifiaient clairement, sans s'enfarger dans les fleurs du tapis, leurs coups tordus contre notre peuple. Le plus bel exemple ? Probablement celui de Donald Gordon du Canadian National (pour les férus d'Histoire avec un grand H, ça se passait dans les années 1960). Afin de justifier pourquoi il n’y avait pas de pea soups dans le haut de la hiérarchie de la company, ce gros raciste de merde ne passa pas par quatre chemins ; Si y’en n’avait pas, des foutus francos à la direction du CN, c’était tout simplement parce qu’on était tous une ostie de gang de chaudrons pis de brochets incapables d’occuper de telles augustes fonctions. Voilà ce qu'il nous a craché en pleine gueule, le môôôsieur. C’était clair et net, disons. Mais au moins, dans le temps, on n’acceptait pas de se faire insulter de même sans broncher. Dans la rue, pour tout y casser, voilà comment nous avons réagi. Avec dignité, quoi !
Aujourd’hui, les trous de cul n’ont même plus besoin de se justifier de pilasser notre fierté nationale (en a-t-on encore une???). On les justifie nous-mêmes, comme des cons, sur les tribunes téléphoniques ou dans le courrier des lecteurs de journaux possédés par les mêmes qui bafouent notre langue ; criss qui doivent rire dans leurs barbes ceuzes-là ! « Écoute, man, c’est le XXIe siècle, faut être de son temps, c’est ça la mondialisation, c’est l’anglais partout, partout, partout, même dans nos shorts pis dans nos salons où on retrouvera bientôt des portraits de la reine; les merdeux d’Ayatollah, tous des racistes ; quoi, y’aiment pas ça des belles pancartes en anglais dans les rues de la deuxième plus grande ville francophone du monde ??? Qui retournent donc en France si sont pas contents ». Les mêmes épais s’expriment à propos du hockey : « le coach peut ben parler chinois s’il le veut bien, tout ce qui compte, c’est de gagner ». Pis le coach anglo gagne pas plus que l'autre topin, mais pas grave, on tolère, on accepte rapidement la situation. Pis on se surprend même à parler météo à la place, sujet de prédilection du Québécois parce que fort peu porteur de polémiques.
Dans de telles circonstances, comment reprocher aux violeurs de dignité nationale d’agir comme ils le font ? De se foutre de ce que nous sommes ? Le trou de cul à Molson nous voit aller depuis des lustres. Il sait qu’il n’a rien à craindre, qu’il peut faire tout ce qu’il veut, comme il l'entend, pis nous autres, peuples d’idiots du village, on va quand même boire sa criss de bière, comme si de rien était. Comme on l’a buvait du temps où ses ancêtres caracolaient dans nos campagnes pour pourchasser et tuer les tuques et violer leurs femmes. « Pas grave ça mon brave... garoche-moi une autre Mol, aubergiste ». Belle bande de pas d’honneur !
Y’en a deux-trois qui grognent un ti-peu, des fois pis pas toujours, mais ils foutent rien pour que ça change, pour renverser les souilleurs de pays conquis ; alors les souilleurs continuent de nous souiller. Une bande de pissous finis, voilà ce que nous sommes. Y’a pas d’autres mots.
Mais le CH (chus même pas capable de l’appeler par son nom tellement il m’écoeure), pis les totons-imbéciles-profond qui se lèvent pour l’hymne national, c’est même pas ça le pire. Ce hockey-là, notre supposée religion nationale, évolue déjà en anglais depuis des lustres; alors un entraîneur unilingue anglais, ça change pas grand chose au bout du compte. Depuis toujours, font juste à semblant de nous considérer, de temps en temps et pour ainsi mieux nous vendre une bonne Mol à 10$ dans le centre Bell, en daignant répondre à une question en français lors d’un point de presse; là, ça va être juste un ti peu plus compliqué, mais on va s'adapter. On s'adapte toujours de toute façon, en pliant encore un peu plus. Quand on pense que la direction du El Barça impose à ses joueurs étrangers d’apprendre le catalan (pas le français, grande langue internationale, mais bien le catalan, magnifique langue vernaculaire mais fort peu répandue à l’échelle du globe), on se rend bien compte à quel point on est une putain de belle bande de moutons-cocus-contents.
Mais j'étais en train d'essayer de faire comprendre que le hockey qui carbure à Shakespeare, c’était pas ça le pire. Alors revenons à nos moutons (sans jeux de mot nous concernant). Le pire ?, le voici :
Je revenais hier, en voiture, d’une de mes nombreuses pérégrinations sur les routes de ce Québec profond, et comme d’habitude, j’écoutais la radio. D’une oreille distraite, ça aussi, comme d’habitude. Pis là, je suis tombé sur un débat de spôôôôrtifs. Ça volait haut, je vous le garantis. Le sujet ? Le fait que l’Université de Montréal, la plus grossssse university francophôôône hors France, ait décidé d’engager Noel Thorpe, un unilingue anglophone, afin d’entraîner (heu, que dis-je, de coacher) les joueurs défensifs des Carabins, équipe de football de cette même university. Le type coachera en anglais des étudiants francophones inscrits à une université francophone. On ne parle plus d'un monde qui fonctionne déjà en anglais comme le hockey professionnel, mais bien d'une université f-r-a-n-c-o-p-h-o-n-e, là où on est censé z'étudier en français! Mais pas grave que les spôôôrtifs disaient. Pour gagner sa vie dans le football, faut apprendre l’anglais. Et le plus tôt sera le mieux ! Ben oui, r’gard donc ça, ça fait ben du sens !
J’aimerais ça voir ce que les Red Necks pis les foutus Orangistes à deux sous diraient si on plaçait un unilingue francophone en charge des Red Men de McGill. Me semble que le discours qu’on entendrait ne consisterait pas à dire : « Listen man, we are in Quebec, fau’z’apprendre el françâizzzze ». Crissement pas. On n’aurait plutôt droit à des bons coups de pied au cul du ti-franco qui fuirait le lieu du drame sans redemander son reste. Les Anglos se comporteraient comme les maîtres de notre pays qu’ils sont, pis nous, on se comporterait encore une fois comme les valets que nous sommes.
Mais ça pourra pas toujours continuer comme ça, ça, j'vous en passe un papier. Va se passer de quoi un jour ou l’autre. Pis la fin, est pas ben dure à deviner, ça prend pas la tête à Papineau pour l’entrevoir à travers les branches. Soit on se libère (enwoye, vas-y fort ma Pôôôline), ou ben on crève comme des rats morts ! C’est pas plus compliqué que ça. Pis c’est juste normal qu’il en aille ainsi. Pourquoi un peuple qui ne se bat pas aurait le droit de survivre, de traverser les époques, alors qu’une myriade de peuples qui, eux, ont lutté avec l’énergie du désespoir et avec courage et honneur, sont malgré tout disparus ? Y'a aucune raison qui pourrait justifier ça. En fait, ça serait même une injustice. Pis voulez-vous ben me dire aussi pourquoi nos bons papas boss colonialistes (meci missiés) respecteraient notre langue alors que nous, on ne la défend même plus ? Y'a pas plus d'argument qui permet de justifier ça.
Alors pour 2012, je souhaite que les Anglos prennent encore plus de place, qu’ils nous tassent dans le coin, qu’ils nous bottent hors de notre pays s'il le faut. Si on n’est pas prêts à se battre, on ne mérite rien de mieux. C'tu clair?
Bonne année quand même, et joyeuse fête de l’arbre coupé avec des lumières dedans ses branches pis du gros bonhomme à barbe blanche. (je commence tout de suite à rentrer dans le rang, à obéir au nouvel ordre québécois. Pis ça commence en ne disant plus le mot honni : Nooooowwwwwweeeeelllllll...ah zut, c'est vrai: Christmas... On dirait que m'a être dur à rééduquer!!!!).


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