Réflexion sur le blocage québécois

L'indépendance, c'est bon pour tout le monde

Le mouvement a cessé de progresser depuis le référendum de 1995 et la crise au PQ pourrait bien être salutaire.

À lire absolument!

L’année qui s’achève en a été une de crise pour le Parti québécois mais pas nécessairement une année horrible ou une année de débarque pour le mouvement souverainiste. Le mouvement a cessé de progresser depuis le référendum de 1995 et la crise au PQ pourrait bien être salutaire. Les remises en question se multiplient et différentes avenues sont proposées pour sortir du marasme.
Il faut d’abord s’assurer que le bon diagnostic soit posé. Je propose une interprétation de la situation qui n’est pas totalement nouvelle, puisque ses principaux éléments ont déjà été mentionnés, mais une interprétation qui peut influencer le choix de la meilleure stratégie à retenir pour conquérir l’indépendance.
Un des principaux facteurs identifié comme responsable de la grogne interne au PQ est la gouvernance souverainiste, soit l’éternel conflit entre ceux qui veulent mobiliser la population et ceux qui se contentent de l’accompagner à son rythme.
L’impatience des plus pressés peut se comprendre, l’idée de l’indépendance n’est plus une idée nouvelle, comme elle l’était en 1981, et le PQ a montré que les souverainistes étaient tout à fait capables de gérer un pays. Il faudrait juste expliquer un peu mieux que la performance relativement bonne de l’économie québécoise à travers la crise amorcée en 2008 résulte en bonne partie des politiques structurelles mises en place par les gouvernements du Parti québécois.
Cependant, ce qui est davantage au cœur de la crise, c’est le doute qui s’est installé quant à la volonté réelle des dirigeants du PQ de faire l’indépendance. Ce doute est le résultat de toutes ces années de piétinement et, pour moi, il s’est transformé en une certitude: nos élites indépendantistes ont peur de l’indépendance. Cette peur, non formulée, elles la transmettent à la population québécoise en ne jouant pas leur rôle de promotion de l’indépendance.
De quoi nos élites ont-elles peur?
Elles ont peur d’un certain bouleversement de l’ordre social établi qui risque d’accompagner l’indépendance. On ne peut pas imaginer une société tout à fait égalitaire et on peut trouver des explications pour une certaine part des inégalités. Cependant, la richesse et la proximité du pouvoir permettent aux mieux nantis de se garantir dans le système social des privilèges injustifiés, cautionnés par l’État. On peut penser aux abris fiscaux et à certains avantages obtenus par des bureaucrates et par des groupes professionnels ou syndicaux mais, à la limite, on trouve aussi du favoritisme, de la collusion, de la corruption et de la fraude.
L’indépendance remettra nécessairement en question l’ordre social établi, d’autant plus que pour arriver à un appui de 50%, l’option doit compter sur le vote de toutes les couches de la société. L’élite souverainiste voudrait obtenir le vote du petit locataire québécois mais sans lui expliquer que, parce que ses ancêtres ont travaillé très fort pour rendre le pays habitable et y élever des enfants, il est lui-même propriétaire des ressources naturelles du territoire et qu’il a le droit d’être bien représenté dans toutes les prises de décision.
L’insécurité des élites empêche le Parti québécois de faire une promotion dynamique de la souveraineté.
***
Pour expliquer la tiédeur du PQ, on a parlé d’un trop grand attachement au pouvoir, ce qui correspond assez bien à mon analyse. La Révolution tranquille a opéré un bouleversement de l’ordre social qui a conduit à une redéfinition des élites, et c’est dans ce contexte que le Parti québécois s’est construit. Cette époque a permis davantage de démocratie et, nécessairement, une démocratie plus sociale. On peut penser que les nouvelles élites qui se sont progressivement imposées au PQ se sont mises à craindre un aboutissement trop socialiste de la lutte pour l’indépendance nationale et qu’elles ont alors concocté des stratégies moins dépendantes d’un appui populaire. Il s’agit d’une thèse difficile à démontrer mais, tout de même, d’une interprétation très raisonnable du blocage que l’on observe au parti depuis des années . On trouve sur Vigile une énumération sans fin des occasions de marquer ratées par le PQ au cours des dernières années, ce qui vient soutenir l’idée que le parti ne cherche même pas établir des conditions gagnantes.
On pourrait être tenté d’associer le retrait de l’appui du mouvement syndical au PQ à un abandon de la souveraineté au profit de ses propres intérêts particuliers. Cependant, il faut comprendre que la raison d’être d’un syndicat est la défense des intérêts de leurs membres et que le sort d’un parti politique ne devrait pas dépendre de l’appui du mouvement syndical. Heureusement, rien n’empêche que la majorité des travailleurs syndiqués soient indépendantistes.
Quant à Québec solidaire, même s’il ne fait aucunement la promotion de la souveraineté, mon analyse ne s’y applique pas vraiment parce que la souveraineté n’a jamais fait partie de ses priorités. On pourrait penser que l’indépendance du Québec et les remises en question du système social qui l’accompagneraient créeraient un contexte favorable aux orientations de Québec solidaire mais le parti semble voir les choses autrement.
Option nationale, dont la création découle à la fois de remises en questions internes au PQ et de mauvais sondages, démontre une volonté nettement plus grande de réaliser l’indépendance et d’enclencher le processus rapidement après une élection. Cependant, on peut penser que les dirigeants ont conservé du PQ cette crainte de concéder trop de voix à la majorité silencieuse. En effet, le programme actuel n’est pas particulièrement mobilisateur, sauf pour les souverainiste déjà convaincus, et on y trouve une politique économique nationaliste susceptible d’attirer d’abord les milieux d’affaires québécois.
La Coalition pour l’avenir du Québec, dont le chef était il n’y a pas si longtemps souverainiste, est potentiellement souverainiste et peut-être vue comme l’aboutissement des tergiversations péquistes. Après avoir réduit au minimum les pouvoirs de l’État québécois et après avoir détruit ce qui nous reste de cohésion sociale, la CAQ pourrait proposer l’indépendance du Québec avec la bénédiction des élites québécoises et des oligarchies financières internationales. On peut penser que Harper lui-même anticipe déjà ce dénouement, à le voir préparer le Canada à la séparation. Les grandes oligarchies financières sont bien capables de se partager les territoires à exploiter, comme le font les grandes organisations criminelles.
***
Quelles en sont les implications au plan stratégique, s’il est exact que les grands partis souverainistes ne sont pas prêts à promouvoir efficacement l’indépendance et, aussi, s’ils ne le sont pas parce qu’ils craignent les conséquences de l’indépendance sur l’évolution des rapports de force dans la société québécoise?
On ne peut pas espérer qu’une coalition efficace des forces souverainistes se fasse à travers une entente entre les différents partis souverainistes. Il faut donc penser à mobiliser autrement l’ensemble des québécois souverainistes. Option nationale ou un nouveau parti, comme le Parti indépendantiste dont je n’ai pas parlé parce je ne le connais pas bien, pourraient être l’instrument de cette mobilisation. Pour ma part, je crois encore possible une réappropriation du Parti québécois par la voie d’une inscription massive de nouveaux membres.
En ce qui concerne la stratégie à privilégier, c’est une promotion sans relâche de l’indépendance, visant l’ensemble de la population, qui sera la clé du succès. Quant au programme, certains ont proposé de rester vague sur ce qui n’est pas essentiel à l’indépendance afin de rassembler toutes les tendances politiques. Cependant, si la stagnation de l’option souverainiste résulte en bonne partie de l’incertitude quant au type de société que serait le Québec indépendant, il est peut-être nécessaire de faire la promotion de l’indépendance en mettant sur la table un programme précisant certaines orientations politiques qui pourraient satisfaire la très grande majorité des citoyens tout en ne décevant que les extrémistes de gauche ou de droite.


Laissez un commentaire



7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    31 décembre 2011

    Tergiversations, tergiversations!...toujours des tergiversations. Comment pourrait-on emberlificoter le sujet de l’indépendance plus que le PQ actuellement, ce qui crée sa chute d’ailleurs. Pas celle de Dion bien sûr, mais il n’y a qu’une seule avenue qui nous soit ouverte : la clarté. On ne doit pas jouer uniquement le pathos pour faire adhérer la population à l’indépendance soit le sauvetage de la langue française, ce qui doit être fait bien sûr, mais la solution à ce marasme indépendantiste, est qu’il faut expliquer noir sur blanc pourquoi nous devons être indépendants, tous les avantages que nous en retirerions. Le restant est du bla bla qui n’intéresse personne. Comme M. Henri Marineau le disait, à ma connaissance, il n’y a que Jean-Martin Aussant qui y parvient. Ce qu’il propose, c’est clair, logique. Que chacun se donne la peine soit de lire son manifeste ou, idéalement, quand une réunion est planifiée, prenez le temps d’aller l’entendre et ne ratez pas la période de questions qui suit ses interventions et soyez assuré qu’il ne fera pas comme Mme. Marois quand elle est passé dans ma région, il ne va pas éluder les questions et se réfugier dans ‘’le programme’’ comme elle l’a fait, ni ‘’paqueter’’ la salle comme elle l’a aussi fait, ça aussi c’était choquant. C’est toujours choquant de se faire prendre pour des imbéciles. Il est facile pour des rabat-joies de critiquer quand on ne connaît pas. Informez-vous et vous pourrez apercevoir la lumière au bout du tunnel. Vous avez des critiques ou des questions, allez à une réunion de J-M Aussant et exprimez-vous. C’est ça la vraie démocratie. Si vous comptez sur les médias pour vous renseigner, oubliez ça ils ont occulté J-M Aussant, l’oligarchie le craint. Si la population le connaissait mieux, la promotion des médias pour le CAQ deviendrait vite suspecte. Pour votre survie et celle de vos enfants, c’est votre devoir de vous informer.
    Ivan Parent

  • Marcel Haché Répondre

    30 décembre 2011

    Peut-être ! Peut-être que le P.Q. est maintenant devant un dilemme : ou bien il parle jour et nuit d’indépendance et il n’est pas élu, ou bien il parle peu d’indépendance et il garde ses chances de prendre le pouvoir. Mais alors, le Pouvoir pour quoi, pour faire quoi ?
    M. Pierre Gouin, votre analyse laisse penser qu’à partir de l’opposition, les indépendantistes pourraient éventuellement recevoir un mandat provenant de l’électorat. C’est votre droit de le croire et de l’espérer. C’est le mien de ne plus croire que cela soit possible, ni à court terme, ni à long terme. Votre analyse n’est pas le passage unique ni obligé de la détermination indépendantiste. D’autres avenues sont possibles. L’Indépendance, ce n’est pas de la saucisse Hygrade. Nous—Nous—sommes beaucoup plus que des consommateurs à qui on pourrait faire manger n’importe quoi pourvu qu’on y mette l’insistance nécessaire.
    Si quelque chose de Grand devait être « mis sur la table » des québécois, c’est en provenance du gouvernement légitime—j’espère qu’il sera péquiste, avec ou sans gouvernanche chouverainiste, cela est si peu important-- que cela devrait s’articuler, l’opposition n’étant plus capable à elle seule, ni à quiconque, de servir de tremplin à une cause plutôt qu’à une autre autre. Le succès actuel de la C.A.Q. lui vient essentiellement de ne rien mettre sur la table. Il y a ici, pour les indépendantistes, les plus déterminés de la mouvance souverainiste, une admission très difficile à faire…
    Plus le P.Q. et plus le P.L.Q. s’en prendront à la C.A.Q., le plus ils feront la fortune de Legault. Le P.Q. a plusieurs adversaires (dont lui-même), mais n’a pourtant qu’un seul ennemi : le P.L.Q. Ce parti sert de refuge et, même, de sanctuaire, au vote anti-Québec, et cela depuis si longtemps, qu’il apparaît comme légitime. Je déplore seulement l’incapacité du P.Q. de dénoncer le West Island (qui n’a jamais voté nulle part, ni ne votera jamais nulle part pour le P.Q. mais qui a toujours voté contre Nous) et qui sert de verrou pour bloquer notre société.
    Mais à quoi cela pourrait-il bien servir au P.Q. de le faire, sur cette corde par ailleurs si Sen-si-ble, si toute une mouvance « indépendantiste » s’acharnait, toujours à revers, à le dénoncer lui-même ?
    Y a pas juste le P.Q. qui serait maintenant devant un dilemme…
    Bonne année 2012 à vous et à tous les vigiliens. Vive l’Indépendance.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 décembre 2011

    La peur de l'indépendance au PQ existe depuis René Lévesque. La timide question de 1980 en est la preuve.
    Seul Jacques Parizeau a eu la détermination de convaincre pour gagner cette indépendance. Rappelons-nous de son discours de la défaite. Non pas l'argent et les votes ethniques qui a tellement choqué mais qui s'est révélé la vérité avec le scandale des commandites mais plutôt ''On se crache dans les mains et on recommence''Personne n'a recommencé depuis 16 ans.
    Je ne commenterai pas vos hypothèses sur la CAQ ni votre analyse sociologique de nos élites mais bien de la justesse de votre conclusion soit ''une promotion sans relâche de l'indépendance''. Le principe de la saucisse Hygrade s'applique. Moins on en parle moins on veut en parler. Avec le gouvernement Harper au pouvoir, le PQ a pourtant tous les éléments en main pour démontrer que le ''canadian nation building'' est incompatible aux valeurs québécoises profondes. Concretiser le pays à devenir par un projet constitutionnel, par une réforme de nos institutioons démocratiques et par tout ce qui rend ce projet désirable constituent une base incontournable à relancer l'option. Tous ces éléments peuvent être de centre afin de ralier une majorité au projet.
    Malheureusement l'option stagne par la division des troupes et plus que jamais le Bloc doit devenir un agent de rassemblement.
    James A. Wilkins
    Lac Brome

  • Henri Marineau Répondre

    30 décembre 2011

    Il est loin le temps où Pierre Bourgault lançait son livre
    « Maintenant ou jamais », publié chez Stanké en 1990. À titre de rappel, je vous suggère cet extrait de son introduction :
    « Dans les années soixante-dix, nous nous sommes emmêlés dans des stratégies compliquées et souvent contradictoires. Les stratégies étaient devenues l’objectif plutôt que le moyen et les analyses les plus pointues oubliaient constamment les forces en présence et la dure réalité politique…À tel point que nous avions fini par oublier le but que nous nous étions fixé et que nous allions par tous les chemins vers nulle part…Or, si nous voulons éviter de retomber dans les mêmes ornières, nous devons constamment garder à l’esprit notre objectif et le rappeler sans cesse à tous ceux et celles qui veulent bien nous entendre. »
    Les années ont passé…Cinq ans après la parution du livre de Bourgault, le référendum de ’95 nous a échappé de peu. Malheureusement, depuis lors, nous sommes retombés « dans les mêmes ornières », dans les mêmes tergiversations étapistes et sclérosantes pour en arriver à l’année 2011, un reflet pathétique de toutes ces années d’errance qui ont vu le PQ atteindre un bas niveau inégalé dans les sondages, des divisions déchirantes au sein du parti et la démission de candidats de prestige.
    Néanmoins, dans toute cette tourmente qui a heureusement donné lieu à un foisonnement sans précédent des mouvements souverainistes qui s’orientent autour d’une coalition citoyenne, je crois que les Québécois découvrent peu à peu la voie du vrai changement dont l’objectif est resté le même depuis des décennies, à savoir l’indépendance du Québec.
    À l’aube de 2012, un homme semble vouloir incarner les convictions nécessaires pour rallier les forces souverainistes au Québec, un homme qui présente une vision claire de la nation québécoise de demain, un homme qui ose placer l’indépendance du Québec dans ses priorités. Cet homme, c’est Jean-Martin Aussant.
    Nous avons besoin d’un leader qui puisse rallier les forces souverainistes émergentes au Québec. Pour reprendre le leitmotiv de Bourgault, c’est « maintenant ou jamais ».C’est pourquoi, j’incite « tous ceux et celles qui veulent bien nous entendre » à découvrir la lumière au bout du tunnel en joignant les rangs de l’Option nationale.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2011

    Le Parti Québécois ne sera pas capable de mobiliser
    les forces souverainistes pour la prochaine élection.
    Car cela fait trop longtemps qu'il les a laissé
    à eux mêmes.Le résultat annoncé par plusieurs sur
    Vigile va probablement se matérialiser.Il s'agira
    de rebatir sur les meilleurs éléments.Le Bloc aura
    fait ses classes et il pourra peut-être montrer le chemin
    à suivre.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2011

    Ce dont les élites ont peur monsieur Gouin c'est de la "civilisation".
    Car la présente civilisation occidentale n'est pas une civilisation, il faut l'admettre.
    Quand on a des gens qui vivent dans la rue en plein hiver au Québec, que l'aide sociale ne donne que 574$ par mois pour survivre, il faut croire que notre société n'est pas une civilisation.
    Ce n'est pas surprenant que le mot "civilisation" n'est employé que par l'élite pour parler de la société capitaliste occidentale car cette société n'est "civilisée" que pour leur classe socio-économique.
    Pour les autres, ces gens préfèrent pratiquer une barbarie qui ne connaît pas beaucoup de retenu en condamnant bon nombre de gens à la pauvreté et à la misère.
    Se pourrait-il qu'un Québec souverain s'avère plus civilisé? J'aimerais bien mais j'ai des doutes.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 décembre 2011

    Votre analyse de la CAQ est un peu sautée mais plausible au point que moi aussi j'y ai pensé: Legault, poussé par la royalisation trop grande de Harper, sortira le référendum lors du deuxième mandat? Un peu sauté, mais somme toute plausible.