Hausse des frais de scolarité

Le gouvernement Charest compare le Québec au pire

... et nous engage vers le pire

Tribune libre


Pourquoi ne pas le comparer au mieux en misant sur ce qui enrichit vraiment notre société, c'est à dire un droit d'une égalité incontournable à l'éducation et des conditions de dignité, même pour ceux dont les parents ne peuvent leur être d'aucune aide? On parle d'une jeunesse brillante mais qui abandonne devant l'imposant mur de l'endettement et du sacrifice démesuré dans le mode de vie qui les attend pour les années nécessaires à l'obtention du diplôme. On parle de la jeunesse d'une classe sociale, alors que la jeunesse de la classe aisée, qui l'est d'héritages en héritages, affronte cette période dans des conditions optimales, hautement favorables.
C'est déjà suffisamment difficile pour un jeune de partir défavorisé, parfois dès la naissance, parfois suite aux épreuves que les parents rencontrent, il serait insensé de vouloir leur rendre la vie encore plus difficile en les obligeant à se trouver des emplois et à travailler considérablement davantage, tout ça pour survivre avec le strict minimum tout au long de leurs longues années d'études à venir.
Est-ce que la population peut s'arrêter un instant et se demander ce que ça représente trois années d'études dans ces conditions, cinq, six années, et plus parfois, pour y croire et l'obtenir son diplôme ? On ne peut encore éliminer toutes les inégalités qu'un État comme le nôtre entraine, mais on peut s'assurer de retirer des obstacles fondamentaux pour s'offrir une dignité sociale qui nous est parfaitement accessible.
Bien sûr, on est maintenu dans une perpétuelle incertitude, économique principalement, qui nous fige complètement, qui nous assure qu'on ne doit rien toucher, rien changer, allant jusqu'à nous promettre la faillite.
C'est ainsi qu'on spécule sur le pire scénario en nous disant que tout cela n'est pas réaliste et en essayant de nous faire oublier l'essentiel, c'est à dire qu'il s'agit de choix sociaux que nous sommes collectivement et en tant que nation distincte et authentique, libres de faire.

Le gouvernement viole un principe fondamental de l'éducation en voulant imposer cette hausse, celui de faire de la réussite une priorité. Quand un étudiant réussit, non seulement l'université accomplit sa mission mais en quelques années seulement, cet étudiant rembourse la population en payant des impôts. La dette est un détail pour le porte-feuille de la population quand l'étudiant réussit.
Mais c'est beaucoup plus qu'une question monétaire, c'est tout ce qui constitue la richesse réelle de notre société qui est en jeu, la richesse humaine et profonde, la richesse du savoir et du partage de ce savoir, la richesse de l'environnement social dans lequel on vit et des individus solides pour entretenir cet environnement. Ce qu'on veut c'est avoir des hauts taux de réussite; dans quel climat un étudiant réussit-il le mieux ? Lorsqu'il y a de la pression, de la peur, de la précarité ? Même si on pourrait croire romantiquement que ça fait des diplômés forts, des adultes forts, que le désespoir de réussir apporte des résultats positifs, ça ne les rend pas solides et ça les rattrape avant de nous rattraper tous par ricochet. Nous allons collectivement payer pour ça et ça ne sera pas que monétairement. Nous parlons de professions, de carrières, de métiers aussi, et d'enrichissement social, de représenter socialement ce que les gens sont et de définir ainsi la société dans laquelle on vit. Tout le monde pourrait en tout temps avoir accès à des études pour s'intégrer socialement et ainsi vraiment « faire sa part ».

Avec cette hausse au niveau universitaire, nous diminuons donc les possibilités pour tous d'avoir accès à ces études, nous fermons la porte à plusieurs dizaines de milliers de jeunes d'une génération et autant pour celles qui suivront, nous faisons en sorte que la transmission héréditaire des privilèges est davantage possible, que les riches ont un accès privilégié et que les moins riches doivent tenter de réussir dans des conditions défavorables et déplorables, en travaillant beaucoup trop, et nous envoyons aux plus jeunes le message que les hautes études, c'est inaccessible.
Ce gouvernement veut rendre plus précieuse l'éducation, mais ce n'est qu'un précieux artificiel. Le précieux n'est pas le prestige, c'est le désir de vouloir réussir ses études, de s'accomplir et de s'épanouir dans sa vocation, c'est ainsi que les individus servent mieux la collectivité. Contrairement à ce que croit le gouvernement Charest, il n'y a pas trop d'étudiants au Québec, contrairement à ce qu'il croit, ce n'est pas la richesse qui crée l'éducation, c'est l'éducation qui crée la richesse de notre société.

Patrick Diotte

[j'aurais pu parler de la légitimité que le gouvernement Charest n'a pas pour agir comme il le fait mais ce sera pour un autre texte... il y a beaucoup de facteurs qui rendent l'attitude de ce gouvernement envers les étudiants illégitime]


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 février 2012

    Monsieur Diotte,
    J'espère que vous avez compris. À l'avenir, ce ne sont que les élites riches qui pourront faire des études et ensuite aller chercher les emplois bien rémunérés.
    Ainsi, la richesse demeurera à jamais dans les mêmes familles et la misère et la précarité demeurera aussi dans les mêmes familles et ce, de génération en génération.

  • Patrick Diotte Répondre

    26 février 2012

    CORRECTION***
    « nous fermons la porte à plusieurs dizaines de milliers de jeunes d’une génération »
    C'est une faute, il faut retirer les dizaines, c'est plusieurs milliers et non « dizaines » de milliers.
    Désolé.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 février 2012

    Il apparaît de plus en plus dans le débat que la hausse à Charest découle de la culture britannique ou anglo-saxonne. Et qu'est-ce qui est plus immuable que la pyramide sociale «british» avec sa hiérarchie monarchique? Toujours les mêmes élites au pouvoir, toujours les mêmes pauvres dans le sous-sol, toujours l'oligarchie qui s'en tire dans les coups fourrés, toujours les sous-fifres ou autres boucs-émissaires qui écopent, toujours les fils-à-papa qui peuvent s'en permettre et ceux de la plèbe à qui on coupe les ailes. Ca ne fait pas l'affaire de Charest et cie que la classe moyenne et les moins bien nantis puissent s'instruire. Impensable, n'est-ce pas, que les Québécois parviennent à se construire un modèle québécois!