FRANCE

Le Front national aux portes du pouvoir

En obligeant ses candidats à se désister, François Hollande prépare-t-il secrètement la présidentielle de 2017 ?

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N'en déplaise aux attardés du clivage droite/gauche

« S’ils me virent du PS, je m’en fous ! » À 48 heures du second tour des élections régionales françaises qui se tiendra dimanche, le candidat socialiste dans le Grand Est, Jean-Pierre Masseret, ne décolère pas. Masseret est le candidat qui s’est fait retirer l’investiture socialiste parce qu’il a refusé d’obtempérer aux ordres de Paris lui intimant de se désister au profit de la droite (Les Républicains, LR) pour bloquer l’élection du candidat du Front national (FN). Il sera donc candidat dimanche quitte à faire élire Florian Philippot.

Le vieux militant socialiste de base qui fut ministre des Anciens Combattants sous Lionel Jospin n’en démord pas. « Je n’ai plus la sympathie de Solferino [siège parisien du Parti socialiste], certes, mais je suis toujours socialiste ! […] Non, je ne suis pas indigne, vous n’êtes pas indignes ! » lance-t-il à ses partisans.

On avait rarement vu une telle bronca chez les militants socialistes. Peu importe qu’il provoque la colère de sa base, l’appareil du parti a tranché, obligeant ses candidats à se retirer dans les deux régions où Marine Le Pen (Nord–Pas-de-Calais) et Marion Maréchal-Le Pen (PACA) risquent d’être élues dimanche.

En apparence, il s’agit donc de « faire barrage » au Front national et de ressusciter ce bon vieux « front républicain » auquel les socialistes appellent depuis 30 ans chaque fois que le FN s’approche du pouvoir. Mais cette fois, le geste pourrait avoir une autre signification, comme l’ont bien vu la plupart des analystes de la vie politique française.

Le coup d’après

Dans ce geste anodin se dessine en réalité la stratégie choisie par le couple Hollande-Valls pour la présidentielle de 2017. Hollande « joue le coup d’après », écrit Libération. Pour le comprendre, il faut voir que la défaite essuyée dimanche dernier par les socialistes n’est pas si catastrophique qu’on pouvait s’y attendre. Avec 23 % des voix à l’échelle nationale, un résultat obtenu de plus sans ses alliés d’extrême gauche, le PS est en mesure de conserver au moins trois grandes régions. Il pourrait même se maintenir dans la région phare de l’Île-de-France, où Claude Bartolonne (PS) affronte Valérie Pécresse (LR).

Mais, à plus long terme, ce désistement est une aubaine pour les socialistes. Car l’essentiel est ailleurs. En se désistant, le PS fait du FN la véritable opposition et se positionne comme le seul parti en mesure d’affronter Marine Le Pen aux présidentielles. Comme il semble de plus en plus évident que le FN, premier parti de France, se qualifiera pour le second tour des présidentielles, tout l’enjeu est en effet de savoir qui sera son adversaire.

« François Hollande joue-t-il la stratégie du pire ? » se demandait David Revault d’Allonnes dans Le Monde. Chose certaine, le président a bien compris qu’il ne devait pas laisser retomber le regain de popularité que lui procuraient les attentats du 13 novembre.

En poussant jusqu’au bout l’affrontement avec le FN, quitte à peindre celui-ci en parti fasciste, voire nazi, quitte à évoquer la « guerre civile » comme le faisait vendredi Manuel Valls, il érige celui-ci en adversaire principal. Sans compter qu’il creuse les contradictions au sein de la droite traditionnelle.
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