Affaire Norbourg

Le désenchantement

L’Empire - mondialisation-colonisation


Il eût fallu plus de 700 verdicts ralliant entièrement, en leur âme et conscience, 11 jurés pour que le procès des cinq coaccusés de l'affaire Norbourg connaisse un réel aboutissement. 700 décisions éclairées, portées sur la participation de cinq présumés complices du notoire Vincent Lacroix. Son crime fera histoire, non seulement en raison de l'infâme marche à suivre de son auteur, mais aussi jusque dans l'impuissance de l'appareil judiciaire à le dénouer.
Les quelque 9000 investisseurs victimes de cette feinte comptable ont été floués. Un poids s'ajoute à leur perte: ils sont désormais désillusionnés. Encouragée peut-être par le courroux populaire envers l'affaire Norbourg, puis prise de court par la culpabilité plaidée par Vincent Lacroix en réponse à l'accusation, la Couronne a ratissé trop large et a perdu son pari. Le jury, à qui on aurait dû servir une formule simplifiée, s'est perdu dans une mer d'accusations.
La filouterie de Lacroix était certes spectaculaire; mais l'était aussi l'abondance des inculpations, dont le nombre constituait un dangereux piège. Les jurés y ont tout droit basculé. Dépassés par l'ampleur et la complexité du dossier — 30 000 pages de documents à décortiquer, 65 témoignages à prendre en considération, 12 jours de délibérations vaines — ils n'ont trouvé aucun consensus. Ils n'ont pas échoué: en confessant leur impuissance devant le mandat qu'on leur confiait, ils exposent plutôt l'échec de cette entreprise judiciaire précise. Ces mégaprocès ont des allures de traquenards. Au bout du compte, tout le monde y perd.
La ministre de la Justice Kathleen Weil a réagi de manière plutôt tiède à ce fiasco. «La justice fonctionne très bien», a-t-elle dit, admettant que Norbourg était un dossier complexe. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales, à qui incombe la responsabilité de décider de la manière de reprendre cette affaire avortée, évoque un «incident qui n'est pas sans précédent». Il rappelle que cette impasse n'équivaut pas à un acquittement.
Elle commande toutefois une révision de procédé majeure. Les victimes de cette affaire, rappelons-le, sont les milliers d'investisseurs escroqués par Lacroix. Depuis le début de ce feuilleton ils assistent, impuissants, à une succession d'embûches qui rime avec désenchantement. De l'apathie de l'Autorité des marchés financiers, jusqu'à l'incapacité d'un système à retrouver les sommes envolées, ce dossier est miné. Le principal coupable est sous les verrous, soit. Mais le système fédéral autorise en théorie qu'il ne purge que le sixième de la peine pour son crime «non violent».
Le gouvernement Charest a récemment choisi de miser sur la prévention, en annonçant la création d'escouades spéciales destinées à mieux traquer les «criminels à cravate». Il a aussi résolu d'alourdir leurs sentences. Mais entre prévention et peine demeure un processus judiciaire pour l'instant chaotique et totalement mal adapté à l'embrouillamini de ces causes. Il faut s'y pencher.
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machouinard@ledevoir.com


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