Le débat sur les alliances : pas prêt de disparaître ...

Tribune libre

Par André Parizeau (*)
Quoique que puissent encore en dire tous les adversaires d'une alliance entre les différents partis souverainistes, le débat à ce propos n'est pas prêt de mourir, même s'il est maintenant clair que les conditions qui pourraient permettre qu'un tel projet puisse se réaliser, ne sont pas encore toutes là.
La multiplication des analyses, publiées à tous les jours ou presque, sur le Net ou ailleurs, et portant sur la possibilité ainsi que l'impact d'un éventuel "vote stratégique" le 4 septembre prochain, ne devraient surprendre personne. Cela découle d'abord et avant tout du fait qu'il n'y a justement pas d'alliance véritable entre les différents partis souverainistes (1).
La sortie grotesque et démagogique, publiée hier, de l'ex chef du Bloc Québécois, Gilles Duceppe, contre Amir Khadir, est très clairement inacceptable et aurait dû être dénoncée encore plus fermement par la chef du PQ, Pauline Marois, au delà de sa remarque ironique lancée à Gilles Duceppe sur l'importance d'être "solidaire" (2). Malheureusement, cela ne fut pas le cas, ce qui reflète en même temps à quel point les obstacles face au projet d'ailliance demeurent nombreux.
Cette sortie de Gilles Duceppe n'ests pas non plus si surprenante que cela, dans la mesure où l'absence d'une entente entre les différents partis souverainistes ouvre justement la porte à de tels dérapage. Surtout que nous sommes déjà, depuis quelques jours, dans le feu de l'action, en pleine campagne électorale, où les pressions de toutes sortes sont forcément plus fortes.
Amir Khadir a, à notre point de vue, très bien réagi aux attaques de Gilles Duceppe. Plutôt que de tomber dans la surenchère des attaques gratuites -- ce que Gilles Ducceppe avait fait au départ --, Amir Khadir s'est concentré à revenir sur ce qui devrait au coeur des préoccupations de tous et toutes.
« Au lieu d'attaque personnelle, moi, j'aime mieux parler de souveraineté », a notamment déclaré le député sortant de Mercier en entrevue au Réseau de l'information (RDI) (3). De manière assez intéressante, il a par la suite repris à son propre compte certains des propos tenus de son côté par celui qui défendra les couleurs du PQ dans Rosemont, soit Jean-Francois Lisée, et qui est aussi connu pour être un de ceux, au sein du PQ, qui appuient l'idée d'une future alliance avec Québec solidaire et Option Nationale.
De manière tout aussi non surprenante, Gilles Duceppe, lui, signe et persite. C'est quant au fond assez conforme avec le personnage. Comme bien d'autres, je crois que tous ces commentaires fait par une ancienne tête d'affiche du mouvement souverainiste, est assez déplorable et semble indiquer combien celui-ci a sans doute fait son temps, incapable qu'il semble être de pouvoir mettre de côté son propre ressentiment face à ce qui a pu se passer lors des dernières élections fédérales, y compris les sorties qu'Amir Khadir avait alors pu faire -- et qui furent des erreurs importantes, rajouterions-nous pour notre part; nous l'avons plus d'une fois souligné dans la dernière année --, pour d'abord se concentrer sur ce qui est le plus important pour l'avenir.
Parce qu'il n'existe pas d'alliance entre les différents partis souverainistes, il y a des situations qui se produisent et qui frisent l'absurdité, y compris d'un point de vue de gauche. C'est notamment le cas dans la région de Montréal.
Ainsi, dans la circonscription de Mercier, le co-porte parole de Québec solidaire, Amir Khadir, devra faire face au syndicaliste et ex porte parole du syndicat d'Aveos, Jean Poirier, qui représentera de son côté le PQ.
Dans Sainte-Marie Saint jacques, l'environnementaliste Daniel Breton sera candidat pour le PQ, contre Manon Massé de Québec solidaire. Du côté d'Option Nationale, le candidat sera l'écrivain Denis Monière.
Finalement, dans Rosemont, le coordinateur du FRAPRU et militant de gauche bien connu, François Saillant, fera face du côté, du PQ, à Jean-François Lisée.
Ailleurs, les candidates et les candidats de chaque de ces formations ne sont pas nécessairement aussi connues, mais en plusieurs endroits, ce seront des militants et des militantes, méritant dans bien des cas notre respect, sauf qu'ils et elles devront néanmoins se faire une dure lutte .
À ce point-ci, il n'y a plus grand chose à faire pour éviter tout cela. Reste à limiter les pots cassés, dans tous les sens que pourrait revêtir cette expression car, tout ou tard, nous devrons tous nous retrouver pour travailler plus ensemble ...
Pour nous, tout cela démontre l'importance qu'il y aura, dès le lendemain de ces élections en cours, de reprendre les discussions et les démarches en vue d'une éventuelle alliance entre toutes les forces souverainistes.
D'ici là, nous, au Parti communiste du Québec (PCQ), allons bien évidemment appeler les gens à voter pour Québec solidaire, auquel nous sommes déjà associés depuis des années. Non pas que nous ne trouvons pas intéressant ce qu'Option Nationale, ou même le PQ, peuvent offrir au niveau de leur programme. Le programme d'Option Natioanle, du reste, ressemble de toute manière, à bien des niveaux, à ce que Québec solidaire prône déjà. La principale différence entre ces deux partis se situe d'abord et avant tout au niveau de la stratégie pour l'indépendance; une fois cela dit, nous au PCQ, sommes bien plus prêts de ce que dit Option Nationale à ce sujet. Vous pouvez consulter ce que le programme du PCQ dit à ce propos.
Cela ne veut pas dire non plus que nous n'ayons pas nous-mêmes certaines critiques par rapport à ce que Québec solidaire a pu faire ou dire sur tel ou tel sujet. Rien n'est jamais parfait de toute manière.
Une fois tout cela dit, il nous semble malgré tout que, dans l'ensemble, le programme de Québec solidaire va plus loin et est aussi plus complet que ce qu'Option Nationale peut offrir.
Nous ne sommes pas non plus d'accord avec ceux ou celles qui laisseraient entendre que le PQ et les libéraux seraient pareils et que cela serait comme blanc bonnet, bonnet blanc. Ce n'est pas vrai. Nous avons de fait de nombreuses critiques à faire au PQ, mais on ne saurait en même temps dire qu'un éventuel gouvernement du PQ serait nécessairement aussi pire qu'un gouvernement libéral.
Regardez seulement ce que le PQ propose par rapport à tout le dossier des frais de scolarité. Premièrement, le PQ s'engage à abolir la loi 78 dans les 100 premiers jours après son élection; il s'engage aussi à abolir la hausse des frais de scolarité annoncé par les libéraux. Le PQ ne propose pas la gratuité complète, comme le suggère Québec solidaire et Option nationale. Mais c'est quand même différent de ce que disent et font les libéraux !
Ceux et celles qui ne veulent rien savoir du PQ, et même d'une éventuelle alliance avec le PQ, ont tendance à faire référence à tout ce que ce parti a pu faire dans le passé, sans tenir compte du fait que ce parti a effectivement opéré un redressement politique plus vers le centre ces derniers temps, délaissant par le fait même ses anciennes stratégies visant à plus courtiser le terrain des idées de droite. À preuve, certaines des prises de positions du PQ au cours des derniers mois et qui tranche avec ce qu'il pouvait dire sur ces mêmes sujets avant. Les prises de positions dans le dossier de l'éducation en sont un exemple, mais cela ne se limite pas seulement à cela. À preuve également le fait que plusieurs de ceux qui pouvaient avant être avec le PQ et qui étaient justement plus associés avec l'aile droite du parti ont depuis fait le saut vers la CAQ.
On peut aimer ou ne pas aimer le PQ; un fait demeure et est assez évident: sans une alliance entre ces trois partis politiques, jamais nous ne pourrons faire l'indépendance du Québec. Sans cette alliance, et sans l'indépendance du Québec, il est tout aussi douteux que nous arriverons aussi à opérer des changements en profondeur de la société québécoise et que nous pourrons conséquemment aller vers une société plus juste, démocratique, plus égalitaire, et respectueuse de notre environnement. D'où l'aspect stratégique de cette question.
Nous sommes nombreux, à travers le Québec, à avoir souhaiter qu'il y ait une alliance; ce sera pour la prochaine fois, on l'espère. Entre temps, il faudra faire sans.
À très court terme, on peut s'attendre à ce qu'il y ait effectivement une forme de vote stratégique le 4 septembre, car beaucoup de gens veulent effectivement se débarrasser des libéraux. Le fait que la CAQ de François Legault fasse un peu mieux que prévu pourrait ultimement, et de l'autre côté, contribuer à diviser le vote de droite fédéraliste. Tant mieux si cela devait effectivement se produire.
Il faut effectivement espérer que les libéraux morderont la poussière le 4 septembre. Mais il faut aussi espérer Québec solidaire et Option Nationale finiront par faire élire, chacun de leur côté, une plus grande députation, parce que tout affaiblissement de leur part jouera presqu'assurément contre le Québec et son avenir. Cela ne sera pas facile, à cause justement des pressions qui ne manqueront pas d'aller en grandissant, à cause de la polarisation du vote à prévoir.
Tout cela n'en sera pas moins important. Souhaitons en même temps que les dérapages, comme ce qui s'est produit avec Gilles Duceppe, resteront aussi des cas isolés.
Notre propre histoire a plus d'une fois prouvé ce que bien d'autres peuples, ailleurs dans le monde, savent déjà depuis longtemps, soit le fait qu'une polarisation excessive entre un très petit nombre de partis, monopolisant toute la scène politique, est rarement source de succès et finit habituellement en amères déceptions.
Plus d'une fois, le PQ a lui-même décu. Le fait qu'il ne contrôle plus, comme avant, les destinées de tout le mouvement souverainiste est très certainement un développement positif. Le plus récent sondage de la firme Léger & Léger indiquant que les appuis au projet de souveraineté du Québec atteindraient maintenant près de 49% -- du jamais vu jusqu'à présent alors que nous ne sommes même pas en campagne référendaire -- prouve une fois de plus à quel point la stratégie voulant qu'on revienne en arrière, comme au temps où le PQ était seul et sans concurrent, au niveau de la mouvance souverainiste et de gauche, serait une grave erreur.
***
(1) : Nous vous encourageons à lire à ce propos un texte récemment publié dans les pages du Devoir et qui parle justement de l'impact du vote stratégique; sans nécessairement endosser l'ensemble des conclusions de ce texte, c'est très certainement un texte à lire; il est signé par Bernard Émond.
(2) : À propos de cette sortie de Gille Duceppe, Ivan Parent signe sur le site de Vigile un autre texte à lire.
(3) : Cliquez ici pour visionner une entrevue avec Amir Khadir sur le sujet.
(*) : André Parizeau est le chef du Parti communiste du Québec (PCQ); voir également www.pcq.qc.ca .

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Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)





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