Le «cas» Rita de Santis

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Hystérique et dangereuse !





C’était vendredi en fin de journée. Un petit moment vite passé à la fin d’une longue et pénible semaine pour Philippe Couillard et son gouvernement sur l’«affaire» Poëti. Un moment vite passé, mais non pas oublié.


Dans le cadre d’une rencontre tenue à Montréal-Nord avec des organismes communautaires, Rita de Santis, ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, s’est emportée. Beaucoup.


À une jeune fille qui lui avait dit «rêver d’avoir un rêve», la ministre s’est mise à raconter un événement de toute évidence traumatisant de sa propre enfance :


«Ma maîtresse m'a dit : ma chérie, tu ne vas jamais réussir dans la vie, tu parles avec un accent italien.»


Puis, elle ajoute, on ne sait trop pourquoi :


«Toute personne qui parlerait à un enfant comme elle m'a parlé devrait être tuée, massacrée, jetée je ne sais pas où.»


«Tuée», «massacrée», «jetée je ne sais où» - ce ne sont tout de même pas des métaphores.


En fait, la remarque est tellement outrancière qu’on se demande bien comment elle a pu même traverser les lèvres de la ministre - traumatisme de jeunesse ou pas.


Depuis vendredi, la ministre n’a donc eu d’autre choix que de s’excuser pour ses propos. Et ce, à répétition.


Ce midi, à l’entrée du caucus libéral, elle s’excusait à nouveau en avouant qu’elle ne comprenait même pas elle-même comment elle avait pu dire une telle chose. Ouf.


Personne ne le comprend, à vrai dire... D’autant plus que Mme de Santis a une formation plus que solide.


Elle est avocate de formation et de profession. Elle détient aussi un doctorat en biochimie. Elle est également Gouverneure Emerita de l’Université Concordia.


Or, cette bourde publique n’est malheureusement pas sa première.


Au début avril – comme si la commission Charbonneau n’avait jamais existé -, elle laissait tomber que selon elle, un objectif de financement de 150 000$ exigé d’un ministre, eh bien, voyez-vous, c’est «des peanuts» comparé à ce qui se fait ailleurs au Canada.


***


Dire ce qu’on pense


Je dois toutefois vous avouer que la chose qui me frappe à chaque «bourde publique» d’une ou d’un ministre – tous partis confondus -, est le phénomène suivant.


Soit que pour la plupart des dites «bourdes» inévitablement suivies d’excuses publiques, les citoyens ont eu en fait droit à ce que pense VRAIMENT l’élu qui la commet.


Bref, plus souvent qu’autrement, ces bourdes sont en fait des moments de franchise. Non pas de «vérité» - ce n’est pas du tout la même chose -, mais de franchise.


Pour Mme de Santis, par exemple, sa remarque sur «les peanuts» est en effet d’une franchise désarmante. De toute évidence, elle l'a dit de manière tellement spontanée que force est de conclure à un véritable point de vue. Et comment croire qu’il n’est pas aussi partagé par plusieurs de ses collègues ?


Or, elle l’a dit en PUBLIC. Et ça, c’est un non-non pour une ministre...


Quant à ses propos tenus à Montréal-Nord, c’est probablement aussi le fond de sa pensée. Ses mots étaient tellement puissants, tellement crus, qu’il est impossible de penser autrement.


Non pas que, dans les faits, c’est évident, elle conseille à quiconque de vraiment «tuer», «massacrer» ou «jeter» une personne qui «tuerait» le rêve d’un enfant en le rabaissant, mais qu’elle considère peut-être simplement le fait de «tuer» un rêve d’enfant comme étant un crime contre l’humanité de cet enfant-là. C'est bien entendu une interprétation...


Son problème est que dans ce cas-ci, encore une fois, nous ne sommes pas dans les «métaphores», ni l’émotion – pour reprendre ses propres excuses. Nous sommes face à une phrase qui, dite comme elle a été dite, prend la forme d'une exhortation verbale à la violence, aussi involontaire fut-elle.


Que fera le premier ministre de ce dernier épisode ? Fidèle à son habitude, probablement rien. Et peut-être que dans ce cas-ci, en effet, dans la mesure où la ministre s'est excusée à profusion, ne rien faire est tout ce qu'il y a à faire.


***


Un remaniement raté


La nomination récente de Mme de Santis comme ministre rappelle aussi l’échec du remaniement ministériel opéré par le premier ministre à la fin janvier.


Il a également, doit-on même le rappeler, expulsé Robert Poëti du cabinet en sachant pertinemment qu’il s’apprêtait à faire un sérieux ménage au ministère des Transports. Il a aussi, entre autres erreurs, nommé Sam Hamad à la présidence du Conseil du trésor.


Lequel, pris à son tour dans une tourmente sur le plan éthique, s’est vu obligé, après moult tergiversations du premier ministre, à quitter son poste de ministre..

Et ce n’est pas tout.


M. Couillard nommait aussi aux Transports un Jacques Daoust nettement moins proactif que M. Poëti.


L’ex-caquiste Dominique Anglade accédait quant à elle au ministère de l’Économie. Or, dans les dossiers touchant à la rétention des sièges sociaux sous propriété québécoise, les bons instincts n’y étaient tout simplement pas.


À l’Éducation, Pierre Moreau était à son tour envoyé à la rescousse d’un ministère dont le titulaire, depuis des années, se retrouve invariablement sur un siège éjectable. On ne sait pas si le jeu de chaises lui aurait plu ou non puisque, malheureusement, il est depuis en congé de maladie. Nous lui souhaitons d’ailleurs un retour en santé.


Là où ça s’est gâté est dans la décision du premier ministre de le remplacer pendant son absence par l’ex-adéquiste Sébastien Proulx. Depuis son arrivée, ce dernier multiplie les volte-face.


Le tout-puissant ex-président du Conseil du trésor et chantre émérite de l’austérité, Martin Coiteux, passait étonnamment aux Affaires municipales et à la Sécurité publique. Depuis, le ministre semble s’ennuyer royalement.


Revenue de son congé de maladie, Lise Thériault héritait entre autres de la Condition féminine.


Or, il s’avérerait par la suite que la ministre responsable de la Condition féminine refusait néanmoins de se dire féministe.


En entrevue, elle fut même incapable de nommer la moindre «grande figure du mouvement féministe» qui, pour elle, aurait été «une source d'inspiration» au cours de sa vie. «S’'il y en a une qui m'inspire plus que les autres?», lança-t-elle, «à première vue, je vous dirais non»...


Bref, un remaniement qui, dans ses grandes lignes, rate le coche.


Ce qui, dans la gestion courante d’un gouvernement, comme on le voit amplement depuis, ne peut qu’avoir des impacts négatifs.


 




 




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