Michael Ignatieff est un cas classique de "beau parleur". Il aime séduire par les mots et donne souvent l'impression de prendre plaisir à s'écouter faire de belles phrases. Mais il traduit rarement ses beaux mots en actions et n'hésite pas à se contredire au besoin.
Prenez son opération "charme" lancée au Québec. En 1993, il avouait dans son livre Blood and Belonging n'avoir "jamais voyagé dans le Québec francophone". Ce qui ne l'a pas empêché à Laval, le week-end dernier, de s'exclamer "c'est mon Québec!" en rappelant l'histoire de ses grands-parents russes enterrés dans les Cantons-de-l'Est...
Se vantant de reconnaître la "nation" québécoise, Iggy refuse par contre de mettre un peu de viande sur l'os. C'est non à l'ouverture de ce qu'il appelle la "boîte de Pandore" constitutionnelle ou à l'annulation de la Loi sur la clarté. Voici d'ailleurs ce qu'il pensait de cette "nation" en 1993: "si le Québec devient souverain", écrivait-il, "la voie serait ouverte à la tyrannie ethnique de la majorité" [sic]. Bon. Vous me direz qu'il n'y a que les idiots qui ne changent jamais d'idée. Vrai. Mais avouez que le contraste est saisissant entre ses belles paroles d'aujourd'hui et son ouvrage de 1993.
Quant au fond, et non la forme, les belles paroles d'Iggy ressemblent à celles d'un Stéphane Dion. Lorsque Iggy dit ne voir aucune "contradiction" entre la fierté d'être Québécois et celle d'être Canadien, on entend Dion déclarer ceci en 1997: "Ensemble, l'identité québécoise et l'identité canadienne forment une formidable complémentarité. C'est une erreur que de les concevoir opposées l'une à l'autre." Du nouveau? Pas pour le moment. Et rien pour crier au messie. Le PLC se porte certes mieux au Québec avec 32 % d'appuis, contre 36 % pour le Bloc et 19 % pour le PC. La chute de Harper au Québec explique surtout ce mouvement: le vote fédéraliste retourne simplement à son foyer libéral naturel. Son ambitieux lieutenant Denis Coderre a beau se dire parti à la chasse aux "souverainistes fatigués", pour l'instant, le Bloc demeure le choix des souverainistes, fatigués ou non, et des nationalistes mous. Du moins, ceux qui votent encore. La raison? Si des nationalistes mous votent encore Bloc, c'est qu'ils y trouvent leur compte comme électeurs. Et c'est aussi que depuis l'échec des accords de Meech et Charlottetown, AUCUN des autres partis fédéraux ne leur offre des engagements concrets aptes à renforcer le Québec au sein de la fédération. La séduction par les mots, c'est bien beau. Mais celle par des gestes concrets l'est encore plus.
De fait, Iggy déploie sa séduction nettement plus au Canada anglais. Force du nombre et loyautés nationales obligent. Et c'est surtout là qu'est l'argent - le nerf de la guerre face à des conservateurs aux coffres dangereusement bien garnis. D'où les mamours que fait M. Ignatieff à Toronto et Bay Street, son univers naturel. Ex.: le 1er avril, des membres du gratin torontois paieront 1100 $ chacun, soit la contribution maximale à un parti politique permise au fédéral, pour jaser privément avec le chef libéral dans une réception V.I.P. Cette levée de fonds est d'ailleurs organisée par un trio de gros portefeuilles: l'influent financier Purdy Crawford, Frank McKenna de la Banque TD et la sémillante multimillionnaire de Magna International et ancienne députée Belinda Stronach. Sous Iggy, le PLC retourne donc à ses alliés traditionnels, partis depuis 2006 jouer dans le carré de sable de Harper!
Puis il y a sa grande séduction de l'Ouest canadien, d'où son entichement soudain pour les sables bitumineux albertains. Chercher des votes dans l'Ouest, c'est aussi la possibilité qu'il laisse Harper abolir le registre des armes à feu dans un vote prochain. Faut croire que le PLC ne veut plus qu'on lui rappelle que ce registre, créé par Chrétien en 1995 au coût projeté de deux millions de dollars, a fini en 2006 en scandale, coûtant plus d'un milliard de dollars! Plus onéreux que le scandale des commandites, on n'a jamais su si cette facture finale tenait de la corruption, de l'incompétence ou des deux.
L'ENTONNOIR
Monique Jérôme-Forget a annoncé que plusieurs tarifs gouvernementaux seraient "indexés" dès 2011. On nous dit que c'est pour mieux préserver les services publics maintenant que le Québec est dans le rouge. Ah bon? Et s'il avait rapatrié les deux points de TPS abandonnés par Harper, ce serait 2,5 milliards de dollars récurrents par année que nous aurions depuis deux ans. Faites le calcul. Bref, le gouvernement entend accorder aux entreprises des crédits d'impôt à coups de centaines de millions de dollars, mais ce sont les contribuables qui en paieront la facture en se tapant des tarifs plus élevés. Les plus démunis et les travailleurs à petits salaires écoperont. Tout comme la classe moyenne qui, à force d'essuyer des augmentations de ceci et cela, se retrouvera tassée dans le fond de l'entonnoir. Ce dont on ne semble avoir aucune compréhension chez nos élites politiques. Et ce qui explique peut-être aussi pourquoi, en temps de crise, on laisse le Casino de Montréal se commander un lifting de 300 millions de dollars sur quatre ans. Ce qui veut dire qu'il finira par coûter au moins le double.
LES PRIMES DE LA CAISSE DE DÉPÔT
Face à la colère des citoyens, les élus américains ont demandé au PDG d'AIG, dont la gestion incompétente coûte une fortune au Trésor public, de fournir au Procureur général la liste des gestionnaires et le montant que chacun a reçu en prime de rendement. La majorité a d'ailleurs accepté d'en rembourser pour 50 millions de dollars. La Caisse de dépôt et placement a beau avoir annulé ses primes pour 2008, ses pertes de 40 milliards de dollars nous coûteront plusieurs centaines de millions à éponger. De plus, en 2007, malgré la crise déjà prévisible du papier commercial, elle avait augmenté les primes versées à ses employés. Mais son système de primes est complexe - une partie couvrant l'année en cours et une autre le rendement à plus long terme sur trois ou cinq ans. Alors, comment justifier qu'on annule les primes seulement pour 2008? Un beau sujet d'intérêt pour la prochaine séance, en avril, de la commission parlementaire spéciale sur la Caisse...
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