La troisième défaite

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Une perspective trop étroitement canadienne qui fait totalement abstraction du contexte économique et politique international

Les souverainistes québécois ont vécu leur troisième référendum - par procuration celui-là - et ont subi leur troisième défaite. Tous les péquistes qui avaient fait le pèlerinage à Édimbourg, y compris Pierre Karl Péladeau qui se préparait sans doute à lever le poing aux côtés des vainqueurs, en seront quittes pour revenir au pays et à la réalité.

J'entendais hier à Radio-Canada des commentateurs parler de victoire morale, et même de «résultat serré», certains poussant le déni jusqu'à s'interroger sur l'éventualité d'un deuxième référendum écossais!

La réalité, c'est que si le fait de faire grimper l'option d'une dizaine de points en quelques mois représente effectivement un joli exploit, il s'agit néanmoins d'une défaite, et d'une grosse. En tout cas, cela semble bien être l'opinion du leader nationaliste Alex Salmond, qui, loin de voir une «victoire morale» dans ce 45%, a démissionné quelques heures après l'annonce des résultats.

Personne n'avait prévu un pareil écart, sauf la sociologue Claire Durand, qui a osé prédire, il y a quelques jours, une victoire du Non par sept points au moment où tous les observateurs s'attendaient à un vote serré en faveur de l'une ou l'autre option. Mme Durand, notre oracle national, a sur les autres analystes de sondages l'avantage d'introduire au-delà des chiffres une compréhension fine des sociétés. Elle a attribué 67% des indécis au camp du Non (plutôt que 75% comme au référendum de 1995), car elle estimait que «la tendance à cacher ses sympathies pour le Non était moins forte en Écosse» parce que la campagne du Better Together avait «plus de force» que celle du tandem Johnson-Chrétien.

Cette victoire du Non aura des répercussions immédiates en Espagne. Elle brise l'élan des indépendantistes catalans qui se mobilisent pour un référendum (interdit par Madrid en vertu de la constitution) le 9 novembre, et sert d'avertissement aux petites nations tentées par l'aventure indépendantiste. Si l'Écosse n'a pas voulu faire le saut, elle qui jouissait de l'atout unique que constituait sa richesse pétrolière, que dire des autres petites nations?

Le parlement écossais gagnera-t-il plus de pouvoirs de l'exercice, comme l'ont promis les trois chefs de partis nationaux? (L'Écosse n'a même pas, comme les provinces canadiennes, de pouvoir de taxation!)

La dévolution promise n'est pas chose faite. D'abord, avec le départ de Salmond, l'Écosse perd son champion le plus enflammé. Ensuite, il s'agit d'un engagement très vague et purement personnel, venant du leader d'un parti d'opposition (le travailliste Ed Miliband), du leader d'un parti minoritaire (Nick Clegg), et d'un premier ministre, David Cameron, à qui l'on a reproché son manque de leadership durant la campagne.

Ce projet devra être soumis aux députés des trois partis et au Parlement de Londres, et pourrait se heurter à l'opposition d'une partie de l'opinion publique, qui estime que l'Écosse a déjà été trop gâtée en subventions de toutes sortes et qu'une dévolution maximale à l'Écosse ouvrirait une boîte de Pandore, dans la mesure où le pays de Galles et l'Irlande du Nord réclameraient la même chose.

Cela s'est déjà passé en Espagne. Après avoir accordé un statut régional à la Catalogne, Madrid a dû octroyer, mutatis mutandis, un statut spécial aux autres régions. En outre, contrairement au Canada, où le premier ministre jouit de pouvoirs quasi présidentiels, les parlementaires britanniques ont énormément d'ascendant et peuvent même renverser le chef du parti gouvernemental. En 1990, la grande Margaret Thatcher elle-même s'est fait montrer la porte par son caucus!

Déjà, des critiques s'élèvent chez les tories, plusieurs députés, de même que la ministre du Rail, Claire Perry, reprochant à M. Cameron d'avoir trop promis sous l'effet de la panique. La suite promet d'être houleuse...


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