Ouellet et le PQ vs Desmarais

La transformation de La Presse en ONBL: un tournant névralgique à négocier correctement.

02f305c7206470b786e8d0d36435f13f

Tribune libre

Depuis cinquante ans, depuis le jour où elle est tombée dans le giron de la famille Desmarais, La Presse a servi d’instrument docile aux partisans du fédéralisme pour s’opposer bec et ongles à l’indépendance du Québec, avec une ligne éditoriale toute « soviétique » en faveur du PLC et sa succursale provinciale, le PLQ, de même qu’une couverture des nouvelles subtilement tendancieuse sous une apparence affectée de fausse objectivité destinée en fait à orienter l’opinion et à faire paraître le nationalisme québécois sous un jour insidieusement négatif. Sous la gouverne de tous ses dirigeants successifs à la rédaction, on peut dire que c’est mission accomplie.


Toutefois cela ne s’est pas fait sans faire de dégâts, notamment sur les plans financier et lectoral : entre autres choses, la désaffectation progressive des francophones à l’endroit du quotidien fondé par Trefflé Berthiaume a eu comme conséquence une baisse inéluctable du lectorat qui s’est traduit par un manque à gagner toujours grandissant, déficit jamais véritablement avoué mais néanmoins généreusement épongé, année après année par la famille Desmarais par le biais du Groupe Gesca, elle-même créature de Power Corporation. Que ne ferait-on pas pour une aussi noble cause que celle de ce « plusse magnifique pays » constamment menacé de divorce par les « vilains séparatiss’ ». Mais il faut croire maintenant que la générosité a atteint ses limites pour ces mécènes contre nature chez qui l’instinct des affaires semble vouloir enfin reprendre le dessus sur les prétentions philanthropiques.


D’où le dilemme : comment se départir de ce qui est devenu un canard boiteux sans pour autant voir pâlir son influence au sein des médias? Au moyen d’une « astucieuse astuce », que Jacques Parizeau lui-même n’aurait sans doute pas reniée : transformer le journal moribond en OBNL (Organisme à But Non-Lucratif) et s’assurer de pouvoir en nommer les administrateurs. Ensuite cette mécanique infernale roulera toute seule en se perpétuant  d'elle-même tout en poursuivant les mêmes objectifs, aux frais de l’État et de quelques « généreux donateurs ». Autrement dit : finis les déficits mais, dans l'ombre, les marionnettistes pourront continuer à tirer les ficelles.


Toutefois il y a un os : cette transformation nécessite une loi de l’Assemblée nationale et l’accord de tous ses membres sans exception pour que ce « tour de passe-passe » concocté à la va-vite passe comme une lettre à la poste.


Pour le PLQ, la CAQ et QS, pas de problème : malgré le fait que l’idée a été lancée en faisant fi des délais normalement prévus et en bousculant la procédure normale, tous sont d’accord pour passer une loi en catastrophe, sans trop réfléchir, pour contenter la famille Desmarais. Cet empressement à faire plaisir étonne dans un lieu où les gens sont plutôt réputés pour se traîner les pieds avec plus ou moins de mauvaise foi. Reste le PQ et Martine Ouellet à convaincre et à faire plier.


Sans surprise, les pressions doivent être très fortes pour que ces derniers cèdent : chantage émotif des dirigeants, supplications des syndiqués qui craignent de perdre leur emploi dans le cas d’un refus, imprécations du chef du gouvernement qui ne manquera pas de les accuser de « vouloir régler des comptes ». Le climat doit être lourd et les couteaux voler bas.


Et pourtant il y a ici un débat de fond essentiel qui ne devrait pour rien au monde être escamoté. La question est posée : un journal qui devient un OBNL comptant sur l’aide de l’état peut-il continuer à agir comme s’il était encore la propriété d’un conglomérat privé qui se comporte comme un groupe de pression dans le but évident d’influencer l’opinion publique?


Manifestement la réponse est NON ! Ce journal devrait refléter dans ses pages, de manière neutre et objective, l’ensemble des tendances observées dans la sphère politique et n’en privilégier aucune. Pour ce faire, il est essentiel d’obtenir des principaux acteurs les garanties requises et, entre autres choses, de priver les anciens propriétaires, dont le parti-pris est archi-connu, du pouvoir de nommer les administrateurs de la nouvelle société.


Les tenants de l'indépendance ont toujours cruellement manqué de moyens médiatiques pour faire connaître et progresser leur option. Par conséquent j’espère, comme citoyen, que Martine Ouellet et les députés du Parti québécois auront le courage de faire face à l’adversaire et de refuser catégoriquement d’appuyer toute loi qui, par sa complaisance partisane, ne viserait qu’à accommoder les anciens propriétaires et à perpétuer à moindres frais l’état de choses actuel.



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé