La technologie n'est pas un Dieu

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Il faut ajuster les lois fiscales à la réalité du numérique

Technophile réaliste, Peter Simons estime que l’on ne doit pas tout sacrifier au pied de l’autel du nouveau dieu qu’est la technologie. Et le GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple et cie) n’est certainement pas un dieu.


L’homme d’affaires à la tête de la chaîne Simons avance sur le pont entre l’ancienne et la nouvelle économie en tentant de tirer son épingle du jeu pour assurer la pérennité de son entreprise. Il réfléchit à haute voix.


Après le Refus Global de Paul-Émile Borduas, dénonçant en 1948 l’immobilisme de la société québécoise, Peter Simons  se demande s’il ne serait pas temps d’instaurer un «Refus Millénaire» pour remettre en question l’irresponsabilité sociale des géants du numérique et dénoncer l’inaction politique à revoir les règles fiscales.


La fiscalité


Pour lui, la solution équitable consiste à appliquer la taxation au point de consommation. Si Québec ne peut changer le monde, le gouvernement peut dire : «c’est ainsi que nous fonctionnons». À son avis, il faut réécrire les règles fiscales et réaliser qu’il faut taxer au point de consommation. Et surtout se tenir debout devant les géants du numérique en faisant «valoir nos valeurs comme société», puisque les taxes soutiennent les systèmes de santé et d’éducation au Québec.


Depuis quelques mois, Peter Simons soutient que les lois fiscales, les règles gouvernementales et les formes de taxations doivent être revues et transformées pour correspondre à la nouvelle réalité dans l’univers de la révolution numérique 4.0. Les hommes et les femmes en politique doivent prendre leurs responsabilités et mener le bateau à bon port.


«Lorsque l’on dit qu’Uber ne fait pas de taxi, ou que Netflix ne fait pas de la télé, c’est un non-sens», affirme-t-il. Car Uber transporte des passagers et Netflix propose des émissions de télé, même si leurs modes de fonctionnement ne correspondent pas aux méthodes traditionnelles.


Accélération


Il rappelle qu’avec l’héritage de l’ancienne économie, il y a beaucoup de coûts associés. En dehors des impôts, il y a les taxes à la consommation et les taxes foncières. «Le monde change et je milite depuis l’automne pour que l’environnement fiscal et l’environnement politique changent rapidement». La première phase de transformation a été importante, mais la prochaine sera plus forte encore, elle doublera de taille.


«Demandez-vous comme être humain comment vous passerez au travers. Ça m’inquiète beaucoup parce que nous serons dans une accélération géométrique du changement. L’humain comprend bien le changement linéaire, mais nous sous-estimons la puissance du changement géométrique qui aura des impacts importants» dans l’économie, dans le commerce et au plan social.


L’adaptation des lois pour faire face à l’accélération des changements dans la nouvelle économie est une évidence, un «no-brainer», lance M. Simons. «On vient d’investir 220 millions $ pour apporter Internet dans les régions éloignées. C’est une décision de société que j’appuie parce qu’une communauté sans Internet n’a pas accès à l’information, à l’éducation, à la capacité de se construire. C’est une infrastructure essentielle pour nos communautés. Ceux qui ont payé cela, c’est vous, c’est moi, c’est nous tous avec nos taxes et nos impôts.»


Il est évident, selon lui, que le monde de l’éducation et des entreprises québécoises, comme la sienne, vont utiliser ces nouveaux canaux, mais ce sera le cas aussi de Netflix et d’Amazon qui n’auront rien investi dans le système. Il faut aussi que les entreprises étrangères acceptent leur part de responsabilités. L’équité doit faire partie des règles.


Compétition équitable


«Je suis prêt à jouer le jeu de la compétition», mais sur un pied d’égalité. Il ne peut concevoir que le Québec investit des millions pour laisser le champ libre aux commerçants étrangers sans compensation. «Est-ce que ça serait juste de vous dire : vous, vous le payez et moi je vais l’utiliser pour vendre sur Internet. Ça ne marche pas. Pourquoi? Parce que nous sommes dans une ère de technologies que les gens de la politique ne comprennent pas. On comprend l’enjeu comme société, mais j’ai l’impression que la classe politique est détachée», voire déconnectée de cette réalité, répète M. Simons.


Rappelant son admiration pour les gens en politique qui font le sacrifice de la vie publique, il estime inconcevable et inconséquent leur manque d’action et de vision pour prendre les mesures appropriées pour juguler le problème. Il rappelle la classe politique ce qu’il répète à ses employés : «Soyez capitaine de votre bateau et allez quelque part. Vous n’aurez pas de regret à avoir tenté quelque chose».


Les monopoles


Il prend l’analogie d’une maladie qui attaque un troupeau. Au début, ce sont les éléments faibles, malades et plus vieux qui sont touchés. Mais si rien n’est fait pour enrayer la maladie, ce seront les sujets sains qui tomberont. Avec l’absence de règles dans le commerce électronique, la même chose pourrait se produire dans l’économie. «Si Bombardier tombait, on ne serait jamais capable de recréer cet environnement économique et tous les emplois qui viennent avec», illustre-t-il.

Alors, l’économie mondiale devra faire un effort massif de régulation avec le GAFA comme cela fut réalisé avec Standard Oil dans les années 1930 pour casser les monopoles des industries qui avaient mis de côté leur rôle dans la communauté.


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