Carte électorale et poids politique des régions

La solution passe par le scrutin proportionnel

Ottawa — tendance fascisante


Encore une fois, la révision de la carte électorale québécoise aura servi de déclencheur à un épisode de la crise sur l’évanescence du poids politique des régions en décroissance démographique.
S’étant fait passer un savon par des députés libéraux houspillés par des gens des régions, le ministre Benoït Pelletier vient de jeter à la poubelle la proposition de révision de la carte que la Commission de la représentation électorale (CRE), un organisme indépendant des partis politiques, avait dévoilée à la mi-mars et sur laquelle elle se préparait à tenir des auditions publiques à compter du 21 avril.
Accueillant sur le tard une recommandation de la CRE qui, dès décembre 2001, avait prié les parlementaires d’entreprendre une réflexion sur le sujet, M. Pelletier a dit vouloir renégocier avec les partis d’opposition les critères et les paramètres que la Loi électorale édicte pour la confection de la carte. Il a posé deux prémisses à ces tractations: mieux équilibrer la représentation démographique et la représentation des régions périphériques ou sujettes à un dépeuplement.
Comme solutions possibles, il envisage soit une augmentation du nombre de circonscriptions, soit l’élargissement de la norme démographique de plus ou moins 25% de la moyenne d’électeurs par comté, soit l’imposition d’un critère quant à la superficie maximale des circonscriptions qui pourrait conduire à la reconnaissance dans la loi de plusieurs circonscriptions d’exception.
Or, toutes ces solutions sont boiteuses sinon fantaisistes et sentent l’improvisation à plein nez. Ainsi, il faudrait porter de 125 à 150 le nombre de circonscriptions pour que la Gaspésie conserve ses quatre circonscriptions actuelles. L’Ontario, plus populeuse que le Québec ne compte pourtant que 107 députés. D’autre part, la création de 10 ou 12 circonscriptions d’exception rappellerait les fameux «comtés protégés» établis dans les Cantons de l’Est au début de la Confédération pour protéger la minorité anglophone. Le gouvernement de l’Union nationale les a dissous à la fin des années 1960 parce qu’ils rappelaient les «bourgs pourris» de l’Angleterre du 19e siècle. Quant à l’élargissement de l’écart démographique de plus ou moins 25% de la moyenne d’électeurs (jusqu’à 30% ou 35% par exemple), il irait contre la tendance prévalant dans la plupart des pays d’assurer une plus grande équité entre les électeurs d’une circonscription à l’autre et, dans ce but, de l’établir plutôt à 15%.
Une compensation nationale avec une redistribution régionale des sièges
Mais, étonnamment, le ministre Pelletier semble maintenant rejeter du revers de la main une solution qui satisferait ses deux prémisses (mieux équilibrer la représentation démographique et la représentation territoriale). Il la favorisait pourtant naguère alors qu’il avait même promis de déposer, avant la fin de 2006, un projet de loi instaurant un mode de scrutin mixte (majoritaire-proportionnel) avec compensation. Ce système a fait l’objet d’un large débat public depuis 2003. Un avant projet de loi été présenté par les libéraux en 2004. Le principe de ce dernier –mais non ses modalités- a obtenu l’appui d’une grande majorité des 2 000 participants à une commission parlementaire en 2006.
En décembre 2007, un rapport du directeur général des élections a validé une modalité importante de ce projet: la compensation proportionnelle serait nationale mais la redistribution des sièges se ferait au niveau des régions. Cette formule, mise de l’avant récemment par trois organismes citoyens voués à la réforme du mode de scrutin, devrait rallier les opposants régionalistes qui craignent une diminution du poids politique des régions. L’ajour de circonscriptions régionales plurinominales (à plusieurs sièges) aux circonscriptions uninominales actuelles permettrait en effet d’améliorer la représentation régionale à l’Assemblée régionale car il atténuerait les écarts, exacerbés par le système actuel, entre les régions en croissance démographique et celles qui se dépeuplent.
Cette solution aurait également le mérite de la transparence puisqu’elle éliminerait les tractations à huis clos entre trois partis politiques qui tenteront de s’entendre sur une formule faisant passer leurs intérêts particuliers avant l’intérêt général. Elle serait aussi un pas valable vers l’instauration d’un mode de scrutin par représentation exclusivement régionale qui pourrait éventuellement accompagner une décentralisation de pouvoirs de Québec vers les régions que nous considérons comme étant la seule façon de renforcer véritablement les régions.
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Paul Cliche, auteur du livre «Pour réduire le déficit démocratique: le scrutin proportionnel»

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Membre fondateur du Mouvement pour une démocratie nouvelle et auteur du livre Pour une réduction du déficit démocratique: le scrutin proportionnel ; membre de Québec Solidaire; membre d’ATTAC Québec; membre à vie de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal.





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