La sacoche de Jérôme-Forget

Crise mondiale — crise financière



Optimiste, Monique Jérôme-Forget? Ou réaliste? Pendant que l'Ontario annonce un déficit de 500 millions $ pour l'année budgétaire en cours, la ministre des Finances du Québec prévoit un budget équilibré cette année et l'an prochain! Ou bien sa boule de cristal est meilleure que celle des économistes, ou bien le gouvernement Charest a joué à l'écureuil et nous a caché des économies en vue d'élections générales en 2009. Dans les deux cas, souhaitons qu'elle ait raison, parce que le Québec n'a pas les moyens de retomber en déficit.
Voyons d'abord ce qu'a dit la ministre lorsqu'on lui a demandé si le Québec pouvait éviter un déficit cette année : "L'année qui vient (2008-2009), très certainement, l'autre année qui vient (2009-2010), également, je vais vous dire pourquoi. Vous savez, on me reproche beaucoup d'être proche de ma sacoche. Bien, je l'ai tellement été que finalement, j'ai des réserves pour 2009, importantes. Vous allez le voir dans la mise à jour économique, qu'il y a des réserves importantes."
Monique Jérôme-Forget n'est pas à l'abri d'erreurs, mais en général, elle dit ce qu'elle pense. Si elle affirme aujourd'hui, dans un climat économique aussi incertain, qu'elle a des réserves suffisantes pour éviter un déficit en 2009, c'est que la sacoche doit être bien garnie. Où a-t-elle ramassé ce magot? Pincez-moi, je ne le sais pas. Parce que rien, absolument rien dans son dernier budget ne permettait de prévoir une telle situation. Et rien ne permettait de croire que la crise financière des dernières semaines serait grave au point de plonger une province aussi riche que l'Ontario en situation déficitaire. D'ailleurs, la Banque du Canada a confirmé hier encore la gravité de la situation, en diminuant à 0,6 % la croissance économique pour l'année en cours. Le dollar canadien est tombé en bas de 0,80 $ et le baril de pétrole se transigeait à 70 $. L'incroyable jeu de yo-yo auquel nous soumet l'économie internationale depuis quelques semaines fait qu'il faut être devin pour prédire ce qui va se produire. Alors, quand la ministre nous dit qu'elle aura un budget équilibré l'an prochain, il y a anguille sous roche. Peut-être que c'est vrai... Peut-être que le gouvernement Charest a ratissé les fonds de tiroirs et s'est bâti une réserve confortable afin de présenter un budget électoral appétissant en février prochain.
Mais si ce n'est pas vrai et que la ministre a péché par excès d'optimisme, je ne voudrais pas être fonctionnaire aux Finances cet hiver. Parce que les pressions politiques seront énormes pour inventer des trucs comptables susceptibles de gonfler les revenus ou de réduire les dépenses. Je sais que ça ne se fait pas et que le vérificateur général a les politiciens à l'oeil. Mais quand un gouvernement prépare des élections, la tentation est forte d'aider la nature et de ramasser les pots cassés par la suite.
En attendant, j'ai entendu au moins une chose rassurante dans le discours de la ministre hier. Il n'y aura pas de "bing bang" dans sa mise à jour économique. En clair, cela veut dire que le gouvernement ne se lancera pas dans une foule d'annonces coûteuses pour contrer la récession appréhendée. Ce serait fou d'engager des fonds publics, avant même de savoir si récession il y aura, et si c'est le cas, quels secteurs de l'économie seront touchés.
L'opposition demande un "plan". Qu'on lui en donne un. Ça coûtera quelques heures de travail aux fonctionnaires, et le papier sur lequel il sera rédigé. Quant aux fonds publics, attendons la tempête avant de savoir s'il faut s'acheter des parapluies ou des habits de neige.


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