Ces jours-ci, des directions d’école de plusieurs régions du Québec demandent aux enseignants de planifier la rentrée à la fin août comme si la COVID-19 allait disparaître cet été.
Les groupes sont formés pour chaque niveau, le nombre d’élèves par classe est fixé et les profs sont assignés. Pour l’instant, la question de la distance entre les bureaux ne fait pas du tout partie de l’équation.
De la maison, les profs doivent organiser la prochaine année sans tenir compte d’éventuelles mesures de distanciation sociale, quitte à déchirer une partie du plan dans quatre mois.
«Ce qu’on est en train de vivre, c’est la préparation de la prochaine année comme si c’était une «année normale»», résume une enseignante dans une école primaire de Québec, qui a demandé à garder l’anonymat.
Alors que le gouvernement Legault n’a pas encore divulgué son plan de réouverture des établissements scolaires pour le reste de l’année et que l’incertitude plane sur l’évolution de la pandémie, il est beaucoup trop tôt pour organiser la rentrée de l’année 2020-2021, déplorent deux grands syndicats qui représentent les enseignants.
Présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini dit avoir interpellé il y a déjà trois semaines le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, à propos du mécontentement des enseignants concernant la planification de la rentrée. Elle attend toujours.
À son avis, les enseignants ne peuvent pas organiser la prochaine année comme si tout allait redevenir comme avant. «Il est trop tôt pour faire les scénarios de l’an prochain», dit Mme Scalabrini. Selon elle, trop de questions demeurent sans réponses alors que la crise de la COVID-19 continue de s’accentuer au Québec.
«On ne sait même pas : est-ce qu’on va tous rentrer? Est-ce qu’on va rentrer en même temps? Est-ce qu’on va entrer un groupe d’élèves à la fois? Un niveau sur deux? On ne sait rien de ça», ajoute la présidente de la FSE.
Le président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Sylvain Mallette, ne comprend pas l’empressement de certaines directions d’école à planifier la prochaine année sans prendre en considération la prolongation possible des mesures de distanciation sociale.
«On se retrouve avec des petits boss de bécosse qui donnent des mandats, qui jouent aux rois de la montagne et on se retrouve dans une situation où on demande à des profs de réfléchir à des plans alors qu’il y a une variable qui est fondamentale, c’est la question de la sécurité», dit-il.
«Même si les écoles ouvrent au mois de septembre prochain, on aura des choix à faire, poursuit M. Mallette. On ne pourra pas faire semblant qu’il n’y a pas eu une crise, on ne pourra pas faire semblant que les élèves les plus vulnérables n’ont pas été affectés, donc il faudra qu’on s’organise de toute façon».
Exigences du ministère
Selon le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Nicolas Prévost, les directions d’école n’ont pas le choix de planifier la rentrée en fonction d’une année normale.
Le ministère de l’Éducation fixe des échéances en la matière et les directions sont légalement tenues de les respecter en vertu des conventions collectives, souligne-t-il.
« On se retrouve avec des petits boss de bécosse qui donnent des mandats, qui jouent aux rois de la montagne et on se retrouve dans une situation où on demande à des profs de réfléchir à des plans alors qu’il y a une variable qui est fondamentale, c’est la question de la sécurité »
— Le président de la Fédération autonome de l’enseignement, Sylvain Mallette
Et même si la rentrée est perturbée par la COVID-19, il faudra tout de même prévoir un retour éventuel à la normale, fait valoir M. Prévost.
«Si en septembre on ne revient pas avec une école normale et qu’on est encore en distanciation sociale, et qu’il y a encore des règles précises [à cet égard], ce sera un scénario complètement différent, je suis d’accord, dit-il. Mais dans l’année, quand l’école va reprendre son cours normal, le scénario qu’on est en train de planifier présentement va pouvoir être prêt, donc on ne sera pas dans l’improvisation, on va être déjà organisé».
La FQDE souhaite obtenir du ministère de l’Éducation un scénario par étapes qui comprendrait à la fois le retour en classe cette année et la rentrée à la fin de l’été. «On l’attend quand même avec beaucoup d’intérêt pour être sûr de savoir où on s’en va», dit Nicolas Prévost.
Mardi, le ministère de l’Éducation a reçu des questions du Soleil à propos de la planification de la rentrée, mais n’a pas donné de réponses.