La reconnaissance américaine du génocide arménien n'a « aucune valeur », selon Erdogan

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La guerre mémorielle est toujours liée aux conflits géopolitiques


La résolution adoptée mardi par la Chambre des représentants du Congrès américain pour reconnaître le génocide arménien ne laisse personne indifférent, à commencer par la Turquie, qui y voit un « acte politique dénué de sens ». L'Arménie évoque quant à elle un « vote historique » qui apportera un peu de réconfort aux descendants des survivants.




La résolution en question a été adoptée en séance plénière mardi par 405 des 435 représentants du Congrès – républicains et démocrates – afin de commémorer le génocide arménien, de rejeter les tentatives [...] d'associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien et d'éduquer la population sur ces faits.


Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, parle d'une mesure sans aucune valeur. Il a même remis en question une visite prévue le 13 novembre prochain à Washington.


Je m'adresse au public américain et au reste du monde : cette mesure n'a aucune valeur, nous ne la reconnaissons pas, a-t-il déclaré lors d'un discours devant les députés de son parti. Un pays dont l'histoire est entachée par des génocides et l'esclavage n'a ni le droit de nous faire des remarques ni le droit de nous donner des leçons.



Dans notre foi [musulmane], le génocide est interdit [...] Nous voyons cette accusation comme la plus grande insulte qui soit à notre nation.


Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie


Déjà, le ministère turc des Affaires étrangères avait réagi dans la nuit de mardi à mercredi pour condamner fortement [un] acte politique dénué de sens [ayant pour] seuls destinataires le lobby arménien et les groupes anti-Turcs.



La Turquie a également convoqué l'ambassadeur américain à Ankara, la capitale, pour discuter d'une décision dépourvue de fondement juridique ou historique.


Des sources ont toutefois indiqué à l'AFP que la convocation de David Satterfield était également liée à l'adoption mardi soir par la Chambre des représentants d'une autre résolution prévoyant des sanctions contre des responsables turcs relativement à l'offensive en Syrie, d'où les troupes américaines se sont retirées cet automne.


Aussi, l'historien Souren Manoukian relativise la portée de la reconnaissance du génocide arménien par le Congrès américain. Selon lui, cette reconnaissance devrait être évaluée à travers le prisme de la politique étrangère des États-Unis à l'égard de la Turquie. Car le génocide continue d'être un instrument politique, une carte à jouer entre les mains des puissances mondiales, estime-t-il.


Le premier ministre arménien Nikol Pachinian a néanmoins salué mercredi le vote historique de la Chambre des représentants. Dans un message sur Twitter, il a estimé que cette résolution est un pas audacieux vers la vérité et la justice historique, qui offre également un réconfort à des millions de descendants des survivants du génocide arménien.


Les deux hommes se serrent la main en regardant les photographes.

Le premier ministre arménien Nikol Pachinian accueilli par le président français Emmanuel Macron à l'Élysée le 14 septembre 2018.


Photo : AFP/Getty Images / BERTRAND GUAY




Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays. Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5  million d'Arméniens ont été tués pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l'Autriche-Hongrie.


La Turquie refuse pour sa part l'utilisation du terme « génocide », évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps.




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