Les années ’30, de Bourassa, Groulx, Laurendeau, O’Leary

La première grande poussée indépendantiste s’est échouée sur le récif Duplessis

Celle des années ’70 s’écrase sur quoi???

L’âme des peuples se trouve dans leur histoire

On ne sait pas toujours que Henri Bourassa, petit-fils de Louis-Joseph Papineau, grand défenseur de la foi et de la langue de sa race, détourné par Action nationale, en vint à professer que le nationalisme était un péché.
Le chanoine Lionel Groulx, qui réclama longtemps son pays français en Amérique, finit par expliquer que ce qu’il voulait dire, c’était « à l’intérieur de la Confédération ».
Très admiré par De Saint-Denys Garneau, André Laurendeau, tout comme Pierre Dansereau très jeune, se gargarisaient de nationalisme, voire de fascisme servi par un gouvernement totalitaire à l’italienne pour affronter l’unilinguisme anglais du gouvernement fédéral. C’était avant l’émancipation par voyages en Europe où la montée de Mussolini et Hitler commençaient à inspirer des doutes. La formule « Notre nationalisme » de Laurendeau s’étendit à « l’internationalisme » (interculturalisme?).
Pour Claude Hurtubise, de la revue LaRelève, le nationalisme devint inacceptable.
Les mouvements Action catholique, Action française, Action nationale (Groulx), face aux expressions comme « éducation nationale » exercèrent une rupture avec le « national » : qualificatif « humain » plutôt que « national », l’état humain de la nation puisque ce mot sépare… Vinrent Guy Frégault et l’abbé Jean-Marie Parent (revue LesIdées) qui répudièrent les mots race, sol, terre, sang… On parle de nation « spirituelle », qui donne accès à l’universel (comme nous verrons nationalisme civique après 1995). Jean-Charles Harvey, journaliste économiste, dira : l’humain est essentiel, le national est secondaire. Laurendeau, après son expérience en Alsace, sentit l’urgence de dissocier le catholicisme de la droite nationaliste. On entendit bien les noms de Jacques Maritain, influent dans les mouvements JOC, JEC (être d’abord, c’est l’individu avant la nation)… Henri Daniel Rops, Emmanuel Mounier, fort présent par la revue Esprit, sans être jamais venu au Québec.
L’Action française de Montréal (1917-1928), dirigée et animée par l’abbé Groulx à compter de 1920, avait pris le relais du nationalisme donnant d’ailleurs voix, pour la première fois tout au long de l’année 1921, à une « enquête » où se formule un projet tout préventif d’indépendantisme. Cette enquête de 1921 sera le référant par excellence autant d’un André Laurendeau que d’un Dostaler O’Leary. Une conscience historique de l’indépendantisme se construit alors des balises. Les Jeunesses Patriotes en vinrent à rejeter le projet du chanoine Goulx, d’une Laurentie qui couvre une partie de l’Ontario et de l’Acadie, mais en comptant sur des députés fédéraux qui feraient respecter les minorités françaises dans la Confédération de 1867. Leur idée fut carrément de promouvoir l’indépendance (du Québec) par un gouvernement énergique.
Aux ecclésiastiques impliqués en politique déjà nommés, on peut ajouter le dominicain Georges-Henri Lévesque, le frère Marie-Victorin, le père Émile Legeault, puis le jésuite Rodolphe Dubé, qui écrivit sous le pseudonyme François Hertel : « Le beau risque »… qu’on croyait original à René Lévesque. D’ailleurs, de la même façon, le « Maître chez nous » qu’on attribue à Jean Lesage remonte aux « Jeune-Canada » des années ’30. Les ecclésiastiques étant encore parmi les plus éduqués du Canada français, et la séparation Église/État n’étant pas faite, ils occupaient allègrement le champ politique.
Comment l’effervescence nationaliste (laurentienne ou indépendantiste) fit-elle long feu?
C’est qu’elle ne se trouva pas de chef!!
Lionel Groulx, comme prêtre, voulant mettre la pédale douce, souffla le chaud et le froid, étapiste, il fit glisser l’État français vers l’autonomie provinciale (gouvernance souverainiste?)
André Laurendeau, trop jeune et dubitatif après son séjour en France.
Paul Gouin, à l’Action libérale nationale et Maurice Duplessis, à l’Union nationale, s’étaient présentés comme les chefs de deux nouveaux partis porteurs des attentes des jeunes nationalistes. Gouin auquel les Jeune-Canada avaient accordé leur confiance plus qu’à son parti s’est finalement fait flouer par Duplessis. Rapidement, par son abandon des revendications nationalistes en matière de nationalisation des pouvoirs hydro-électriques, par la mise à l’écart des plus nationalistes de ses députés et par les couleurs pro-capitalistes et anti-syndicalistes tôt annoncées, Duplessis avait déçu et son élection (1936), laissé « un goût de cendre ». Il allait s’approprier l’idée d’autonomie provinciale jusqu’à laquelle Groulx avait reculé. Le nationalisme retourne à la case départ de 1896.
« Il faudra comprendre les vents du temps de guerre et d’après-guerre pour voir jusqu’où et comment les maisons ancestrales avaient changé d’air et de luminosité avant 1960. »
Tiré (librement) de Yvan Lamonde, prof d’histoire à McGill : « La modernité au Québec 1 La Crise de l’homme et de l’esprit 1929-1939 » Fides, 2011, 323 p.
Si l’indépendantisme vit des cycles, les années 2000 sont en train d’en boucler un… Est-il encore temps de retrousser la courbe tombante? Pouvons-nous utiliser l’expérience passée pour contourner les écueils? Même mur fédéral : unilinguisme dans la fonction publique, les douanes à Montréal à l’époque. Disparité des forces (partis,mouvements, revues), totalitarisme et Église en moins. Tentation de confier nos ressources à l’Europe, aux É.U. Corruption. Et par-dessus tout, déficit de chef.
Quel est notre plus grand ennemi?

Squared

Ouhgo (Hugues) St-Pierre196 articles

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Fier fils de bûcheron exploité. Professeur retraité d'université. Compétences en enseignement par groupes restreints, groupes de réflexion, solution de problèmes. Formation en Anglais (Ouest canadien), Espagnol (Qc, Mexique, Espagne, Cuba), Bénévolat latinos nouveaux arrivés. Exploration physique de la francophonie en Amérique : Fransaskois, Acadiens, Franco-Américains de N.-Angl., Cajuns Louisiane à BatonRouge. Échanges professoraux avec la France. Plusieurs décennies de vie de réflexion sur la lutte des peuples opprimés.





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10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2012

    L'historien Mathieu Noël vient de publier un livre sur les indépendantistes des années 1930. Je vous le recommande:
    http://www.edvlb.com/Lionel-Groulx-reseau-independantiste-annees-1930/Mathieu-Noel/livre/9782896493128

  • Archives de Vigile Répondre

    15 janvier 2012

    L'historien Mathieu Noël vient d'écrire un livre sur les indépendantistes des années 1930. Je vous le recommande :
    http://www.edvlb.com/Lionel-Groulx-reseau-independantiste-annees-1930/Mathieu-Noel/livre/9782896493128

  • Bruno Deshaies Répondre

    19 décembre 2011

    19 décembre 2011, par Bruno Deshaies
    « Les années ’30, de Bourassa, Groulx, Laurendeau, O’Leary »
    M. Ougho a soulevé un beau problème et il a posé des questions intéressantes.
    Il est évident que les années 1930 ont marqué une étape dans l’évolution de l’idée indépendantiste au Québec. Comme la question est assez complexe, j’ai préféré rédiger une chronique particulière. Elle sera publiée dans les prochains jours sur Vigile.
    P.-S. Je viens tout juste de constater le deuxième commentaire de GV. Je l'apprécie au sujet de Duplessis. On tourne les coins un peu trop rond sur cette période de notre histoire.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2011

    Pour moi Duplessis ne se comprend vraiment qu'à travers la répression du mouvement républicain qui culmina en 1837-1838. Ce fut alors toute la mouvance progressiste qui fut décimée. Le réflexe réactionnaire atavique d'un Duplessis n'est rien d'autre que le réflexe d'un peuple décimé politiquement et incapable de s'affirmer en raison d'un oppression fondamentale, une oppression qui lui est superposée. Sa grande noirceur est essentiellement une grande noirceur canadienne imposée au Québec par la violence.
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2011

    Juste un petit mot pour dire que la contribution de Groulx doit être évaluée en écartant les pièges de l'anachronisme. Groulx était un homme de son temps. Maurice Séguin aura à sa suite compris et expliqué pour la première fois de façon rigoureuse et sans émotivité le rapport entre les deux nations au Canada. Le grand mérite de Groulx c'est d'avoir permis, en défricheur, qu'une pensée indépendantiste pleinement assumée voit ensuite le jour.
    Pourquoi ça n'a pas marché ensuite. Si on veut bien aller au-delà des erreurs des politiques, il faut admettre que l'enracinement de l'indépendantisme rationnel et conséquent de Séguin est demeuré minoritaire dans ce qu'il convient d'appeler le «mouvement souverainiste». Les souverainistes sont encore les bons premiers à s'entretenir les uns les autres dans l'illusion du fédéralisme qu'on croit pouvoir influencer dans le sens de nos intérêts et des «possibilités» de l'autonomisme. Est-il besoin de donner des exemples ?
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    18 décembre 2011

    Sur quoi la poussée souverainiste s'écrase-t-elle?
    La réponse est facile: Les tristes événements du 11 septembre 2001 qui rendent désormais impossible la souveraineté parce que les citoyens sentent d'abord et avant tout le besoin d'être protégés.
    Si, comme ils le disent, la guerre au terrorisme dure plusieurs générations, le projet de souveraineté du Québec est terminé pour de bon. Car dans deux cents ans, les descendants d'immigrants seront majoritaires au Québec et on sait que ces derniers préfèrent l'anglais au français pour la grande majorité d'entre eux.
    La preuve que les gens ont besoin de se sentir protégés, c'est qu'ils recherchent celui qui respire le plus l'esprit de décision et la stabilité quand ils votent. Voilà pourquoi on a Harper au fédéral et qu'on aura Legault majoritaire à la prochaine élection provinciale.
    Voir: "Sondage : une centaine de sièges pour la CAQ"
    http://www.vigile.net/Sondage-une-centaine-de-sieges

  • Laurent Desbois Répondre

    17 décembre 2011

    Le 12 octobre 1889, au cours des débats à la Chambre des communes, Henri Bourassa se fait huer par des députés anglophones. Quand il tente de s’expliquer en français, il se fait crier : « Speak White ! ». En octobre 1899, il démissionne comme député de Labelle pour marquer sa dissidence à l'égard de la politique du premier ministre d'alors, Wilfrid Laurier, qui appuyait la participation du Canada à la Guerre des Boers en Afrique du Sud. Il fut réélu par acclamation comme député indépendant dans une élection partielle, en janvier 1900.
    À bout de patience, Laurier en vint à adopter une stratégie de discours vagues; on dirait aujourd'hui une «langue de bois». Le nationaliste québécois Henri Bourassa finira par donner à Wilfrid Laurier le surnom de «Waffley Wilfy» («celui qui parle pour ne rien dire»), alors que des Canadiens anglais prétendront que le nom de «Sir Won'tfrid» («celui qui ne veut pas») lui convenait mieux. En général, les anglophones trouvaient que Laurier était trop français, les francophones, trop anglais! C'est à cette époque que les députés de langue française se firent répondre en Chambre «Speak white!» En effet, lorsque le député Henri Bourassa s’opposa aux idées de certains de ses collègues anglophones, il se fit huer et reçut comme réponse lorsqu'il s'expliquait en français: «Speak white!» À l'exception des francophones, personne ne le comprenait! Rappelons qu'on introduira la traduction simultanée qu'en 1969.
    Le nationaliste québécois Henri Bourassa finira par donner à Wilfrid Laurier le surnom de «Waffley Wilfy» («celui qui parle pour ne rien dire»),
    « L’histoire de la Confédération canadienne, c’est la série lamentable de nos déchéances et de nos défaites par la fausse conciliation. » Henri Bourassa

  • Archives de Vigile Répondre

    17 décembre 2011

    À mon premier commentaire, j'ajouterais ces quelques lignes.
    Avant la fin des années cinquante du XXe siècle, l'indépendantisme n'a jamais été ce qu'on pourrait appeler un mouvement de masse. Groulx et son équipe, dites-vous, ont mené, dans les années vingt, une «enquête préventive» sur l'indépendance. C'est bien dit. Groulx, comme Francoeur avant lui, constatait que les Anglais ne respectaient guère ni l'esprit ni même la lettre de ce qu'il croyait être le pacte confédératif de 1867. Si bien qu'il s'était dit qu'il nous fallait, bien malgré nous en quelque sorte, nous préparer à la rupture dudit pacte et, par conséquent, à l'indépendance. C'était une éventualité, notons-le, que Groulx envisageait quand même avec grand plaisir.
    S'il a paru reculer par la suite, c'est parce que la rupture ne s'est finalement pas produite et que l'idée d'indépendance n'a jamais, avant le tournant des années soixante, essaimé des groupes les plus nationalistes pour se répandre au-delà et devenir ainsi un véritable mouvement de masse. Il faut dire que les conditions ne s'y prêtaient guère. Non seulement manquions-nous cruellement de cadres, mais le gouvernement du Québec n'était alors littéralement qu'une espèce de grosse administration municipale dont le financement, somme toute modeste, dépendait de la minorité «rhodésienne» qui monopolisait presque toutes les ressources et dont la richesse reposait en très grande partie sur l'exploitation éhontée de notre travail.
    Après la Seconde guerre mondiale et la mise en oeuvre, ici comme un peu partout ailleurs en Occident, d'une politique plus ou moins keynésienne, la classe ouvrière a vu ses revenus croître assez pour que surgisse dans le paysage un spécimen humain jusque-là à peu près inconnu : le contribuable canadien-français. Dans le premier tome de la biographie que lui consacre Pierre Duchesne, Jacques Parizeau explique tout cela brillamment.
    C'est cela surtout qui a contribué, tout au long des années cinquante, à rendre notre «moignon de gouvernement», comme disait Pierre Falardeau, de moins en moins dépendant de St. James Street. C'est cela aussi qui a contribué du même coup à faire apparaître comme de moins en moins utopique l'idée d'indépendance du Québec. Entretemps, toujours grâce à l'amélioration relative mais réelle de la condition ouvrière, l'instruction se répandait chez les nôtres et des cadres se formaient. Aussi ces cadres aspiraient-ils, plus ou moins consciemment, à assumer à Québec le même type de responsabilités dont les Anglais se réservaient plus que la part du lion à Ottawa.
    Les conditions sociologiques minimales étaient alors réunies pour que l'indépendantisme devînt enfin un véritable mouvement de masse. Mais Groulx, à ce moment-là, n'enseignait plus. Il ne lui restait guère plus qu'une décennie à vivre. Toutefois, une nouvelle génération d'historiens qu'il avait lui-même formée avait pris la relève et n'a pas été étrangère, loin de là, à l'engagement indépendantiste d'une bonne partie de la jeunesse de l'époque.
    Il n'est donc pas juste, du moins à mon avis, de parler d'un recul ou d'une sorte de repli de Groulx et de comparer son autonomisme à celui qui semble revenir à la mode aujourd'hui. Sans être foncièrement hostile à l'indépendance, Groulx ne l'a envisagée que temporairement et un peu par défaut sans jamais en faire vraiment un cheval de bataille, et cela, je le répète, parce que les conditions sociologiques de l'époque ne s'y prêtaient pas. Aujourd'hui, après un demi-siècle d'indépendantisme militant, passer d'un projet d'indépendance à un projet d'autonomie, c'est vraiment un recul qui a quelque chose de tragique. Au temps de Groulx, l'autonomisme était le prélude normal à l'indépendantisme. Aujourd'hui, il est comme anachronique et risque d'en être le mouroir.
    Mais, heureusement, rien n'est encore joué.
    Luc Potvin
    Verdun

  • Archives de Vigile Répondre

    16 décembre 2011

    Monsieur,
    Votre texte ne manque pas d'intérêt.
    Dans les années vingt, en effet, après Tardivel et après la fameuse motion Francoeur dont on soulignera le centenaire en 2017, Lionel Groulx a envisagé l'indépendance du Québec. Plusieurs raisons peuvent expliquer l'échec de cette «première grande poussée indépendantiste», comme vous dites.
    À mon avis, l'une de ces raisons, c'est l'ambiguité que peut comporter le mot «nationalisme». Il était normal qu'un penseur canadien-français comme Groulx cherchât son inspiration du côté de la France. Or, le «nationalisme» en vogue là-bas, à cette époque, ce n'en était pas un de libération d'une patrie asservie. La France, après tout, était encore une puissance politique, pas une colonie comme le Québec. Le «nationalisme» de certains de ses intellectuels en était donc un d'exaltation de la nation, d'exaltation parfois excessive et confinant au chauvinisme, il faut l'admettre.
    Chez un Déroulède, un Barrès et plus encore un Maurras, ce «nationalisme» avait un très fort relent d'antidreyfusisme. Or, l'immense erreur des antidreyfusards, comme n'a cessé de le leur reprocher cet autre «nationaliste» qu'était Charles Péguy, c'était d'avoir opposé eux-mêmes la nation à la vérité et à la justice. Pour eux, l'armée était une institution sacrée et un symbole de la nation, alors toute accusation lancée contre l'armée équivalait selon eux à une trahison de la nation. Autrement dit, pour eux, il y avait des situations où la nation devait être défendue même au prix de la vérité et de la justice. «France über alles», semblaient-ils vouloir dire. Péquy, lui, valorisait tout autrement la nation : il la croyait toujours assez forte pour affronter la vérité et sortir elle-même grandie du triomphe de la justice.
    Le «nationalisme» français des Déroulède, Barrès, Maurras, était donc très différent de celui, sans doctrine bien élaborée, qu'avaient promu, avant Groulx, l'historien Garneau et le premier ministre Mercier, c'est-à-dire un nationalisme convenant à une petite nation colonisée, sans État véritable, ni armée, ni industrie. Le «nationalisme» français de l'époque ne s'opposait pas nécessairement à l'impérialisme, il pouvait même être perçu comme une sorte de pré-impérialisme, alors que le nôtre, par sa seule existence, était un défi lancé à l'impérialisme britannique comme à tout impérialisme, il avait de nature, pour ainsi dire, un sens et une vocation éminemment anti-impérialistes.
    Ce n'est pas lancer la pierre à Groulx que d'admettre que, comme tout le monde, il a pu commettre quelques erreurs au cours de sa longue vie. Chercher de l'inspiration du côté de Déroulède et de Maurras en fut une, certes. Du côté de Barrès aussi, mais un peu moins quand même, car, s'il fut lui aussi antidreysfusard, Barrès eut quand même l'intelligence élémentaire de ne pas s'enliser dans un royalisme révolu et c'est résolument qu'il embrassa la République.
    Cela dit, de cette erreur pour laquelle il serait permis de plaider les circonstances atténuantes, Groulx s'est fort bien racheté par la suite. Chez nous, ce fut toujours aux formations politiques les plus progressistes de son temps qu'il a donné son appui le plus ferme : l'Action libérale nationale et le Bloc populaire. Cela, ses dénigreurs adorent l'oublier. Jamais l'Union nationale ne l'a enthousiasmé, même s'il a bien sûr approuvé, dans les années cinquante, le rétablissement de l'impôt provincial. Il s'est en revanche montré emballé par la Révolution tranquille, en particulier par les projets de nationalisation qui en constituèrent l'essentiel. Enfin, aux antipodes de tout esprit réactionnaire, il s'est réjoui sans réserves de l'accession à l'indépendance des peuples du tiers monde, y trouvant même un exemple pour le nôtre.
    Car voilà bien ce dont il n'était sans doute pas encore nettement conscient lui-même dans les années vingt et trente. Son nationalisme, comme celui, instinctif, de notre peuple et de tous les peuples colonisés, c'était, bien évidemment, un nationalisme de nation dominée et non un nationalisme de nation dominante. C'était le nationalisme d'une nation colonisée aspirant non pas à la domination, mais bien à la simple liberté, en toute égalité de droit avec les autres nations, ni plus, ni moins.
    Alors, que Groulx, durant un temps, se fût en partie, et en partie seulement, nourri de la pensée de Déroulède, de Barrès ou de Maurras, c'est déplorable, certes, et d'autant plus que cela a contribué à entretenir une certaine confusion sur la nature exacte de notre nationalisme. Toutefois, considérant l'ensemble de son oeuvre et de son évolution politique, il n'y a pas lieu de lapider Groulx ni de lui refuser une gratitude éternelle qu'au contraire, peu de nos intellectuels méritent autant que celui-là.
    Comme Victor Hugo et quelques autres, c'est bien au soir de sa vie que Lionel Groulx est devenu pleinement lui-même. Et, au soir de sa vie, Groulx fut nettement et plus que jamais l'ami de tous les dominés et l'ennemi de tous les dominants.
    Ce n'est quand même pas pour rien que, dans l'Église, il n'a toujours été qu'un simple chanoine, lui qui avait pourtant, à lui seul, plus d'envergure que cent évêques réunis...
    Luc Potvin
    Verdun

  • Serge-André Guay Répondre

    16 décembre 2011

    Je ne crois pas que l'indépendantisme soit dans une «courbe tombante». Ça grouille de partout depuis le début des années 2000: nouveaux mouvements, nouveaux partis, nouveaux débats, nouvelles idées, nouveaux médias web,... et, certes, de nouveaux écueils, une situation incontournable lorsqu'on avance toutes sirènes allumées. Et ce n'est pas parce que la cause indépendantiste est à la baisse dans les sondages qu'il faut paniquer. Les Québécois sont surprenants le temps venu des élections. En politique, un mois est une éternité. Quant à la disparité des forces, elle sera toujours présente, en faveur de l'un ou de l'autre. Quant au Fédéral, il ne faut pas s'en faire non plus puisqu'il se dresse devant les Québécois comme un miroir nous rappelant sans cesse nos différences, ce qui n'est pas une mauvaise chose. On pourrait même dire que le Fédéral travaille fort pour la cause indépendantistes de par son comportement. Enfin, il ne sert à rien de blâmer la chef actuelle du PQ pour la baisse momentanée de la popularité de la cause indépendantiste au sein de la population. Car, à bien y penser, ce n'est pas la chef qui est en cause, mais le comportement des troupes.