Il suffit de lire quelques passages de l’oeuvre d’Hubert Aquin pour se rendre compte de l’héritage intellectuel de cet écrivain : une pensée qui nous éclaire de façon claire et parfois brutale sur notre actualité sociale et politique. Et pourtant, quarante ans après sa mort (Hubert Aquin s’enlève la vie le 15 mars 1977), tant les milieux intellectuel que politique font preuve d’une amnésie généralisée sur cet écrivain qui a tenté de penser l’avenir de sa communauté.
Hubert Aquin fut réalisateur et superviseur à Radio-Canada (1955-1959), puis réalisateur et producteur à l’ONF (1959-1963). Au début des années 60, il milite pour le R.I.N. et dirige de brillante façon la revue Liberté. C’est au cours de cette décennie qu’il se tourne vers la littérature. Il publiera Prochain épisode en 1965, Trou de mémoire en 1968, L’Antiphonaire en 1969, Point de fuite en 1971 et Neige noire en 1974. Reconnu comme un écrivain d’avant-garde, Hubert Aquin sera lauréat de plusieurs prix, dont celui d’Athanase-David en 1973. Parallèlement, il mène une carrière en enseignement, ce qui l’amène à oeuvrer au Collège Sainte-Marie, à l’UQAM et à l’Université de Buffalo. En 1975, il devient directeur littéraire des Éditions La Presse. Il sera congédié un an plus tard pour avoir critiqué publiquement les politiques culturelles de cette maison d’édition vis-à-vis des oeuvres québécoises.
Malgré un parcours impressionnant qui ne laisse personne indifférent, nombreux sont ceux qui ont peine à reconnaître la contribution d’Hubert Aquin. Une des raisons vient peut-être du fait qu’il a coupé l’herbe sous le pied à de nombreux idéologues qui ont tenté et qui tentent toujours de repenser la nation et nationalisme en fonction de valeurs universelles. Cependant, la première explication provient de sa pensée elle-même, une pensée qui tente d’expliquer l’ambivalence des Québécois face à leur avenir et qui nous remet en question dans ce que nous sommes : une communauté fatiguée à la seule idée de devoir exister à l’extérieur du système actuel. Évidemment, ce manque de reconnaissance vient possiblement du fait qu’il ait prôné la violence et la clandestinité pendant une courte période de sa vie.
Situation de conquis
Lorsqu’on lit les écrits d’Hubert Aquin, il nous est permis de constater que le projet qu’il désire pour sa communauté trouve ses origines dans la défaite des plaines d’Abraham et dans ses suites, comme la Confédération. Pour lui, cette dernière a institutionnalisé la situation de conquis et de minoritaires des Canadiens français, aujourd’hui Québécois. Ce faisant, elle a créé chez eux toute une série d’attitudes et de comportements qu’il appelle « fatigue culturelle », d’où l’idée de doter le Québec de son indépendance afin de libérer les Québécois de cette structure aliénante et « infériorisante ».
Indépendantiste convaincu, Hubert Aquin n’en était pas moins déçu des précisions apportées à ce projet d’avenir. Pour lui, ce projet doit avoir un nom, un programme et un système politique. Constatant les effets dévastateurs du bilinguisme sur les minorités francophones hors Québec, mais également sur les immigrants demeurant sur le territoire québécois, il se positionne en faveur de moyens légaux qui obligeraient les immigrants à fréquenter des écoles de langue française. Pour ce qui est des moyens d’accession à l’indépendance, il favorise la lutte politique et parlementaire. Bien qu’il ait pris le maquis pendant une courte période de sa vie, il revint à ses positions de départ. Avec le temps, Hubert Aquin écrit avoir compris la nécessité d’élaborer un plan d’action, d’être persévérant et patient.
Au-delà du projet politique, c’est dans la défense du nationalisme qu’Hubert Aquin s’est particulièrement distingué. Dans « La fatigue culturelle du Canada français » publié en 1962, il a eu l’intelligence et l’habileté de repérer les faiblesses des attaques de Pierre Elliott Trudeau contre le nationalisme et de les réintégrer dans sa propre lecture de l’histoire, en dépouillant ce nationalisme des préjugés qui l’accablent et en le réhabilitant dans ce mouvement de l’histoire de l’humanité qui est celui de l’universalisme. À cet égard, il ne considère pas la nation comme une réalité ethnique. Les déplacements de population, l’immigration et les assimilations ont eu pour effet de produire une interpénétration des ethnies dont l’un des résultats est le regroupement non plus selon l’origine ethnique, mais selon l’appartenance à un groupe culturel partageant une langue commune. Dépourvu de son caractère ethnique, Hubert Aquin juge qu’il devient totalement injustifié d’associer le nationalisme québécois au racisme et à tous ses abominables dérivés.
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