Je suis toujours étonné de voir à quel point certains médias québécois francophones ont le clavier facile pour traiter les nationalistes « d’identitaires » (et toutes les déclinaisons de repli, d’exclusion, etc, qui viennent avec) mais la retenue bien ficelée quand vient le temps de traiter de « multiculturalisme Trudeauien ». On lui substituera nombre d’euphémismes qui évitent, autant que possible, de faire usage du mot. Pourtant, le premier ministre Trudeau en fait usage à profusion; c’est même l’axe principal sur lequel il fonde sa gouvernance. Au Québec, il semble y avoir un embargo quant à l’usage de ce terme.
Le 13 avril dernier le premier ministre du Canada a livré un discours dans le cadre d’une cérémonie qui célébrait le Puthandu, soit le nouvel an du calendrier tamoul. Afin de parfaire ses connaissances de tous ces anniversaires qu’aime célébrer et souligner le premier ministre du Canada, on s’abonnera d’ailleurs à son fil de nouvelle (pm.gc.ca). Juste dans la dernière quinzaine, le PM a souligné les fêtes suivantes : Vaisakhi, Pourim, Holi, Norouz, et Pâques… Donc le PM du Canada livre un discours au sein duquel il y va d’une affirmation lourde de sens, fondatrice de sa gouvernance. Ce n’est pas rien.
« In his statement on the occasion of Puthandu, the New Year’s Day in the Tamil calendar, Prime Minister Justin Trudeau reiterated (13 April 2016) his strong belief that multiculturalism builds the new national identity of Canada.
“Canada is strong because of the many diverse and vibrant cultures that come together to form the base of its identity,” Trudeau said. »
Cette déclaration a aussi été reprise dans la communication officielle du bureau du premier ministre et pourtant, je cherche des occurrences où des médias du Québec en auraient parlé et je n’en trouve pas. Pourtant, on parle ici du PM du Canada qui définit comment devrait se décliner la « nouvelle identité canadienne!!
Je le répète, ce n’est pas rien! Silence radio.
Au cours des derniers mois, le PM du Canada, sur la scène internationale, s’est employé sans relâche à faire la promotion de cette « nouvelle identité canadienne » sans que cela ne soit clairement établi dans la presse québécoise. Frilosité, euphémismes… Pendant la même période par contre, combien d’évocations de « dérives identitaires »… Une couverture surabondante de ce thème lors de la visite de Marine Lepen par exemple mais bien peu de visibilité quant aux déclarations suivantes de Justin Trudeau sur la scène internationale…
21 janvier 2016, sommet économique de Davos
« Speaking in Davos on Jan. 21, 2016, Justin Trudeau, Canada’s prime minister spoke eloquently about why multiculturalism needs to be an integral part of all children’s education. It’s important, he said, that everyone have the tools to understand “you don’t have to choose between the identity that your parents have and being a full citizen of Canada.”
Dans ce discours, le PM du Canada fait l’apologie de l’appropriation culturelle et défend la notion que l’identité canadienne se construit à partir de l’assemblage des identités que les nouveaux arrivant ajoutent à cette mosaïque sans avoir besoin de les renier.
24 novembre 2015 et 31 janvier 2016, entrevues distinctes à la CBC
« Canadians are quick to point out that ISIS is wrong, that Islam is not incompatible with the Western secular democracy, a free place like Canada«
« L’État islamique n’a pas raison, l’islam n’est nullement incompatible avec les société laïque occidentales comme la nôtre« .
Et pendant ce temps, Philippe Couillard, le plus grand allié de Justin Trudeau dans la promotion de ce multiculturalisme sans limite, cette « nouvelle identité canadienne », travaille d’arrache-pied afin de faire adopter son liberticide projet de loi 59, sa version d’une loi anti-blasphème faite sur mesure pour contenter les plus radicaux prosélytes religieux qui sévissent au Québec et au Canada…
10 mars 2016, réception officielle avec le président Obama, dîner présidentiel, Washington.
À cette occasion, le PM du Canada, sachant que l’initiative d’ouvrir grandes les portes à plus de 25 000 réfugiés syriens en très peu de temps crée des remous au sein de la classe politique américaine, y va d’un vibrant plaidoyer selon lequel l’accueil desdits réfugiés est une preuve de la réussite du multiculturalisme canadien. Rien dans son discours sur le fait que six des plus grandes villes canadiennes qui accueillent les réfugiés avaient au même moment demandé l’arrêt de l’initiale si chère à Trudeau. Les ratés logistiques et l’incapacité de répondre aux impératifs du gouvernement fédéral au sein des échelons inférieurs ont conduit des villes comme Vancouver, Toronto et Ottawa à demander une pause. Extrait du discours de Justin Trudeau :
« Canadians know this. It’s why communities across the country welcomed more than 25,000 Syrian refugees over the past four months. Not as visitors or temporary citizens, but as Canadians. And Americans understand this, too. It’s why each generation has welcomed newcomers seeking liberty and the promise of a better life.
“We know that if we seek to be greater, we must do greater things. Be more compassionate. Be more accepting. Be more open to those who dress differently, or eat different foods, or speak different languages. Our identities as Canadians and Americans are enriched by these differences, not threatened by them.
This statement goes in line with Trudeau’s firm belief in multiculturalism based on open door immigration policy. »
On remarquera que le PM du Canada s’assure de ne présenter qu’une image idyllique, irréaliste, de ce multiculturalisme sans limite qui se base sur une immigration de masse sans contraintes d’intégration à la nation d’accueil. Ce qui est encore plus vrai dans le cas du Québec soit dit en passant. La majorité des nouveaux arrivants refusent les cours de francisation et n’ont que faire de la « spécificité » de la nation qui les accueille.
Dans les faits, le parti Libéral du Québec, en allié indéfectible de la promotion de cette « nouvelle identité canadienne » a tout avantage à ce que les nouveaux arrivants ne s’intègrent pas, sinon du moins qu’ils le fassent à la manière dont Justin Trudeau en fait l’apologie, soit par l’apprentissage de la langue d’usage au Canada, l’anglais et le partage des principes fondateurs de ce multiculturalisme.
En clair, sous le règne libéral de Philippe Couillard, les 700 nouveaux arrivants qui sont accueillis chaque semaine à Montréal, débarquent en terre « canadienne » et non « québécoise ». La nuance est fondamentale. C’est la différence entre intégration à une société distincte, pour le moment à l’intérieur du Canada, et son accaparement aux principes fondateurs de ce multiculturalisme qui est incompatible avec la notion même de société « distincte ».
Mais voilà des nuances pourtant capitales que trop peu de médias se donnent la peine de rapporter. Comme pour le projet de loi 59 du PLQ qui ne reçoit pas l’ombre de la couverture réservée au projet de loi 60 du PQ (la démoniaque charte de Drainville) même si les enjeux soulevés par l’un et l’autre sont tout aussi importants. Non, silences complaisants. C’est ainsi qu’en ce pays du Canada on a démontés la notion de laïcité républicaine pour lui substituer un dogme en apparence immuable, incontestable (au prix des accusations d’intolérance pour ceux qui osent…), celui de la « nouvelle identité canadienne » si chère à Trudeau…
Le multiculturalisme sans limite, tout beau, sans faille, parfait.
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