La nécessité de réfléchir, mais surtout d’agir, du Parti québécois

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Parler de souveraineté ne suffit plus ; il faut prendre le pouvoir et poser des gestes d'État

Les candidats élus et battus, y compris l’ex-chef Jean-François Lisée, se réunissent « à huis clos » samedi à Montréal afin de tirer les leçons de la dernière campagne électorale du Parti québécois, qui s’est conclue sur son pire résultat enregistré en 50 ans. Quels sont les ressorts de la défaite du 1er octobre dernier ? Quels sont les défis à relever d’ici au prochain rendez-vous électoral ? Tour d’horizon.


Causes de la défaite


Un « problème d’identité »


La stratégie de « chasser les libéraux » en 2018, puis de « réussir l’indépendance » en 2022, « dans cet ordre », a plombé le PQ, indique sans détour l’ancien ministre des Finances Nicolas Marceau. « Nous sommes un parti indépendantiste qui reporte l’enjeu, qui fait de l’indépendance un objectif parmi d’autres », dit le candidat défait dans Rousseau. « Ça donne donc un parti dont l’identité n’est plus claire, et c’est pour moi le premier enjeu. Diluer l’indépendance [au fil des ans] a mené à l’éclatement de la coalition qu’était le PQ », ajoute-t-il, tout en appelant à l’adoption d’un discours souverainiste clair et assumé.


Il y a eu « les conditions gagnantes », « l’assurance morale de gagner », « la gouvernance souverainiste et l’idée d’attendre 2022 » : le PQ « a épuisé ses stratégies d’adaptation à l’environnement électoral », fait valoir le politologue Eric Montigny. Cette forme d’attentisme a fini par « éroder le clivage Oui-Non » qui a longtemps servi le PQ, dit-il.


Le chef Lisée


Plus d’un militant contacté par Le Devoir en veut toujours à son ancien chef Jean-François Lisée pour avoir pressé de questions Manon Massé sur l’identité du vrai chef de Québec solidaire lors de l’ultime débat électoral. Il a alors perdu la bataille de la crédibilité qu’il menait contre le chef caquiste, François Legault.


M. Lisée cherche aujourd’hui la « rédemption » en tentant de démontrer à coups d’appels téléphoniques et de messages électroniques qu’il avait bien fait sur le plateau de TVA, fait remarquer un candidat désirant ne pas être nommé. Celui-ci avoue avoir stoppé net, le soir du « face à face » de TVA, les dépenses de son équipe de campagne. « Cet homme-là [M. Lisée] a à porter sur la conscience, sur sa conscience, la plus grande défaite de l’histoire du parti indépendantiste au Québec. À sa place, que ce soit de sa faute ou pas, j’aurais de la misère à dormir », affirme-t-il.


La volonté de changement et le poids des mauvaises décisions


Mathieu Traversy, qui a mordu la poussière dans Terrebonne le 1er octobre dernier, est persuadé que les électeurs ne voyaient pas le PQ « capable de répondre » à leur désir de chasser les libéraux du pouvoir et à leur soif de changement. « On s’est ramassés dans la craque du sofa, le PQ », soutient-il.


Les candidats ont porté le poids des décisions impopulaires prises par les gouvernements péquistes successifs. Un candidat défait raconte qu’un électeur refusait net de l’appuyer en raison des coupes salariales imposées aux employés de l’État en 1982 par le gouvernement Lévesque. « Je n’étais même pas né », fait-il remarquer au Devoir. Il s’est aussi fait reprocher, en lieu et place du PQ, non pas d’avoir élaboré la charte des valeurs québécoises, mais d’en avoir fait « un enjeu électoral en 2014 ». Il s’est également fait rappeler le feu vert donné à l’exploration pétrolière sur l’île d’Anticosti — qui a « fâché notre gauche » — et l’annonce d’une hausse d’impôt rétroactive pour les plus nantis — qui a « fâché notre droite » — sous le gouvernement Marois.

 



Défis à relever


Réflexion sans complaisance, mais dans l’ordre


Après la débâcle électorale du 1er octobre, « c’est important que tout soit sur la table », insiste Mathieu Traversy, qui est actuellement en cure de « désintox » de la politique forcée.


« La reconstruction de la coalition péquiste ne pourra se faire avec seulement les indépendantistes sociodémocrates », croit Nicolas Marceau. Ce dernier soutient que le PQ doit se « recentrer sur l’axe gauche-droite, et sur l’axe identitaire également. Ça prend des positions plus équilibrées, plus consensuelles », pense-t-il.


Un militant influent suggère lui aussi de débattre de tout, « à part le fait d’être indépendantiste et social-démocrate », mais dans l’ordre. Il craint de voir le PQ prendre les mauvais plis du Bloc québécois, qu’il décrit comme un « camp de réfugiés » tombé dans « des niaiseries ».


Rallier l’appui de tous les indépendantistes


Animée par la conviction que le PQ ne dispose pas du « monopole de l’indépendance », Gabrielle Lemieux, propose de « mettre le Parti québécois au service du mouvement indépendantiste ». « Quand je parle de “mouvement [indépendantiste]”, je parle de quelque chose de très, très large qui rassemble autant les individus qui se réclament de l’indépendance que les organisations, les partis politiques, les leaders politiques, les politiciens », précise la présidente du PQ. La jeune trentenaire garde un « grand espoir » pour l’avenir en raison de la présence de « tous ces gens et toutes ces organisations indépendantistes » dans le paysage politique québécois. « Reste que le défi est [de trouver] comment tout le monde peut travailler ensemble », souligne-t-elle.


Eric Montigny y voit « un changement important » s’opérer. « Depuis le début, le PQ rassemblait tous les indépendantistes, avec un chef qui établissait le chemin pour y arriver. On entre dans une nouvelle phase où ce leadership n’est plus entre les seules mains du chef du PQ. »


« Miser sur ses forces » : ses convictions indépendantistes et ses jeunes


Le PQ peut compter sur des milliers de militants animés d’une « cause tellement importante » à leurs yeux : l’indépendance du Québec — ce qui n’est pas le cas de la Coalition avenir Québec ou encore du Parti libéral du Québec, fait valoir Gabrielle Lemieux.


Le président général de la Société Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte, appelle les « élus indépendantistes à remettre, sérieusement, maintenant, le cap sur l’indépendance ». « C’est là le seul moyen de faire renaître l’espoir, de faire renaître le Québec », soutient-il. « L’indépendantisme, s’il n’est pas proactif, ne peut que s’enliser dans la boue du statu quo constitutionnel. Bien sûr, il ne s’agit pas de faire des concours de credo indépendantiste, mais que les indépendantistes sortent de la passivité. Je plaide donc pour l’action », poursuit-il.


La députée de Marie-Victorin, Catherine Fournier, est partante. Elle invite ses consoeurs et confrères à « recentrer [le PQ] autour de [leur] projet fondateur de faire du Québec un pays et à recommencer à additionner ». « Il faut certes réfléchir, mais aussi agir. Trop souvent, le Parti québécois a fait des constats sur sa situation sans avoir le courage de faire les gestes qui s’imposaient par la suite », note-t-elle.


Martine Ouellet demeure convaincue que le PQ « a tout à gagner à s’aligner sur l’indépendance ». Par ailleurs, l’instigatrice du Mouvement Québec indépendant demande « qu’on arrête de dire que les jeunes ne sont pas indépendantistes et ne s’y intéressent pas ». Près de la moitié des jeunes ont voté il y a un mois et demi pour QS ou le PQ, « deux partis indépendantistes ».


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