Les problèmes « d’intégration » traités par la dérision

La « Mosquée dans la prairie » divise

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Au centre islamique de Montréal, l’imam Charif est assis sur le sol, entouré de quelques disciples. Tous se tiennent le ventre. Pour la prière ? Certainement pas avec tout ce brouhaha. Ils tentent tant bien que mal de contenir leurs éclats de rire.

Et pour cause, l’imam et ses acolytes regardent un enregistrement de la série [La Petite Mosquée dans la prairie->], une comédie qui propose de rire des problèmes d’intégration des musulmans au Canada. Le sitcom, diffusé par la chaîne anglophone canadienne CBC, met en scène la petite communauté musulmane d’un village fictif de Mercy, au cœur des prairies canadiennes. Zarqa Nawaz, la conceptrice de cette comédie en huit épisodes, raconte avec un humour décapant le quotidien d’immigrés musulmans qui cherchent à vivre en harmonie avec leurs hôtes.
Dans la communauté musulmane de Montréal, pas de protestation ni d’éloges à propos de The Little Mosque on the Prairie. Les gens sont plutôt partagés à l’image d’Oum Kalthoum, chercheuse à l’Université montréalaise McGill. « Mes copines marocaines jugent la comédie convenable. Certaines estiment qu’elle distille un humour un peu trop simple. » Du côté des islamistes, le ton est un peu plus sec. Ils trouvent le programme chargé de xénophobie dans une Amérique obsédée par sa sécurité. « J’ai enregistré le dernier épisode pour le montrer à notre imam », raconte Saad. Ce Canadien de 35 ans, d’origine égyptienne, croit tenir une affaire aussi scandaleuse que celle des caricatures danoises. Il compte même engager une procédure judiciaire pour interdire la diffusion de la série. « Cette comédie est grotesque et raciste. » Vivant au Canada depuis vingt ans, il se revendique des Frères musulmans.
Une chair peu excitante
Sur l’écran, les scènes sont éloquentes. Les acteurs se demandent par exemple si un moniteur homosexuel de natation peut enseigner cet art aux jeunes musulmanes ? Puisque les chairs exposées de ces femmes ne l’excitent pas. L’imam Charef et ses fidèles esquissent des sourires timides. Djamila trouve parfois la série lourde. Par exemple, elle ne se retrouve pas dans la musulmane voilée, elle qui se dit en plus féministe. « Ce sitcom est fantaisiste. » Mais c’est de la comédie « Non, elle nous fait passer pour les idiots de service en Amérique », tonne-t-elle.
A l’inverse, les chroniqueurs [Ihsaan Gardee->4025], dans le Toronto Star, et Aisha Sherazi, dans le Citizen, apprécient. A leur avis, la série offensera certaines personnes, musulmanes ou non, mais ils espèrent que d’autres y trouveront une occasion de rire d’eux-mêmes.
L’imam affirme, de son côté, que le sitcom est éclairant : « Les Canadiens et la presse internationale en parlent à cause de la peur des musulmans. Mais notre histoire ici est bien réelle. La première mosquée a été construite dans les années 1930 dans l’Alberta. » « Aujourd’hui, la télévision montre cette réalité méconnue », poursuit l’imam. « Nous rions de ces Canadiens qui découvrent que nous avons des petites salles de prières dans les coins perdus de l’Amérique profonde. Peut-être qu’avec cette comédie, on peut répondre à certains clichés. Le rire est parfois un bon remède. »
Sid Ahmed Hammouche


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