La morale est pour les gens d’en bas

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La morale est-elle une affaire de classe sociale ?



On est quand même niaiseux, avouez.




À nous sentir coupables pour tout et pour rien, quand un sans-abri nous demande de l’argent et qu’on n’a pas de monnaie, ou quand on se rend compte qu’on a oublié de laisser un pourboire à la femme de chambre à l’hôtel.




Pendant ce temps-là, les gens « en haut » fraudent le système à coups de millions sans ressentir le moindre remords.




L’ODEUR DE GRAISSE




La morale a été inventée par les gens d’en haut pour garder les gens d’en bas tranquilles.




S’assurer qu’ils ne foutront pas le système à l’envers.




Avant, c’était le clergé qui faisait le job. Du haut de leur chaire, les prêtres disaient à leurs ouailles d’accepter leur sort, de respecter les Dix Commandements et de ne pas faire pleurer le Bon Dieu.




Sinon, c’était l’enfer direct.








Sophie et Richard ne sont pas bons aux fourneaux, mais ils savent cuisiner leurs invités! Invitez-vous à la table de Devine qui vient souper? une série balado originale.





Aujourd’hui, ce sont les spécialistes en éthique, les professeurs, les chroniqueurs qui s’assurent de garder le couvercle sur la marmite. « Un bon citoyen fait ce qui est juste », disent-ils.




Sauf que les gens d’en haut s’en foutent d’être justes ou pas. Ils veulent juste passer Go et mettre la main sur le magot.




C’est comme s’ils vivaient au 30e étage et que la morale était une sorte de brouillard qui s’arrêtait au 29e.




Ils sont au-dessus.




Ça ne les touche pas, ça ne les affecte pas.




À cette altitude, l’air est différent. Moins dense, plus léger.




Tu peux commettre des crimes et ça ne t’empêche pas de dormir.




Alors que ceux qui vivent dans le brouillard ne cessent de tourner dans leur lit.




À se demander s’ils ont été de bons maris, de bonnes épouses, de bons parents, de bons citoyens.




Écrasés par la morale.




Or, aux étages supérieurs, la morale pèse moins lourd. On ne la sent presque pas.




C’est à peine un parfum. Un effluve. Qui vient d’en bas.




Comme l’odeur de graisse qui chatouille nos narines quand on vit au-dessus d’un resto.




LES AFFRANCHIS




Vous croyez qu’Arthur Porter, Gilles Vaillancourt, Michael Applebaum, les mononcles avinés de la commission Charbonneau ou les patrons cravatés de SNC-Lavalin pensaient à la morale, vous ?




Pas une miette.




La morale, c’est pour les salariés, ceux qui travaillent pour les autres et vivent sur le plancher des vaches.




Quand on navigue dans les hautes sphères, on n’a pas à porter ce poids.




On a une carte spéciale.




Chez SNC-Lavalin, ce « beau fleuron du Québec », on a construit des prisons pour le pire dictateur de la planète, Mouammar Khadafi.




Ces geôles servaient à torturer des prisonniers politiques ? Peut-être, c’est ce que certains ont dit. Nous, on ne le sait pas, on ne pose pas de question.




On fait les plans, c’est tout.




On est discret, en haut. On respecte la vie privée des gens.




De toute façon, l’argent n’a pas d’odeur, alors à quoi ça sert de mettre son nez dans les affaires des autres ?




DES GAZ LOURDS




Regardez les gros bonzes de l’Église catholique.




À force de fréquenter Dieu, ils ont perdu le contact avec les gens d’en bas.




Le Bien et le Mal sont des gaz lourds, comme le butane. Ils ne s’élèvent jamais bien haut.