L’engouement du gouvernement conservateur pour la commémoration de la guerre de 1812 n’a visiblement pas de limite. Après les reconstitutions, les livres, les monuments et les gravures, l’événement historique controversé vient de trouver une énième incarnation dans une bande dessinée interactive spécialement conçue pour iPad par l’Office national du film (ONF), en partenariat avec Patrimoine Canada. Un quart de millions de dollars a été injecté dans ce projet imaginé par la division numérique anglophone de l’Office et désormais livré dans les deux langues officielles.
Baptisée Les Loxley et la guerre de 1812, l’application numérique pour iPad souhaite offrir « à la population canadienne un moyen divertissant et gratuit de redécouvrir l’histoire de son pays », a indiqué l’ONF jeudi par voie de communiqué. Elle met également en format interactif la bande dessinée du même nom, signée Alan Grant pour le scénario et Claude St-Aubin pour le dessin, et produite avec la collaboration du ministère du Patrimoine canadien. L’oeuvre a été publiée à l’origine en anglais par la maison Renegade Arts Entertainment. Elle retrace tout en planches et en couleur la vie des Loxley, une famille fictive du Haut-Canada dont le destin est déchiré par le conflit anglo-américain, qui a fait rage il y a plus de 200 ans le long de la péninsule du Niagara.
L’ONF assure que cette application, dont une version pour Androïd est en préparation, ne répond pas à une commande spéciale du gouvernement Harper et a été mise en oeuvre à l’interne par le producteur de la division anglophone de l’ONF-Interactif, Loc Dao. 235 000 $ y ont été injectés à ce jour.
« C’est du gaspillage d’argent pour donner une nouvelle fois de l’importance à un événement historique dont l’impact n’a pas été si important que ça dans l’histoire canadienne », s’est indigné hier l’historien Jacques Lacoursière, consterné d’apprendre que la guerre de 1812 attisait une nouvelle fois les « dérives commémoratives » du fédéral. « On veut par tous les moyens essayer de nous faire croire que la nation canadienne est née à ce moment-là, au mépris des faits historiques. C’est de la récupération et c’est dommage. »
La guerre de 1812, pour laquelle le fédéral a planifié plusieurs espaces de souvenirs depuis le début de l’année, sème la discorde chez les gardiens de la mémoire collective, qui déplorent les relectures impressionnistes et idéologiques de l’événement par l’administration Harper.
Tout en cherchant à donner de la démesure à la chose, le gouvernement Harper tend également à inscrire dans l’imaginaire que cette guerre contre les Américains a aussi fédéré les Canadiens anglais et Canadiens français, qui se seraient alors mis en choeur au service de la couronne britannique pour bouter l’ennemi du Sud sur ses terres.
Une vision du passé largement véhiculée par le ministre du Patrimoine, James Moore, mais que contestent vertement plusieurs historiens militaires spécialistes de cette époque trouble. Au total, le gouvernement fédéral a consacré 28 millions de dollars dans la commémoration du bicentenaire de la bataille, qui dans les livres d’histoire jusqu’à récemment, ne laissait pas présager une telle importance.
Destinée au public, mais également au monde de l’éducation, l’application conçue par l’ONF dit ne vouloir rien d’autre que « présenter la guerre de façon innovatrice » en nous « faisant ressentir les répercussions du conflit sur une famille et en montrant comment l’expérience de cette famille en particulier s’intègre dans la vaste fresque de la guerre » et ce, par l’entremise « d’illustrations réalistes, de musique et d’effets sonores ».
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