SOURCES JOURNALISTIQUES

La commission d’enquête a 15 mois pour faire le travail

Trop long, et un mandat trop restreint, dit l’opposition

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Tout pour noyer le poisson

La Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques imaginée par le gouvernement libéral présente de gros défauts de fabrication, signalent les partis d’opposition à l’Assemblée nationale.

Le Conseil des ministres a adopté mercredi le décret dans lequel il confie au juge Jacques Chamberland, à l’ex-chef de police Alexandre Matte et à l’avocate spécialisée en droit des médias Guylaine Bachand la tâche d’« enquêter », de « faire rapport » et de « formuler des recommandations » sur les pratiques policières « susceptibles de porter atteinte au privilège protégeant l’identité des sources journalistiques » d’ici au 1er mars 2018.

Les commissaires pourront analyser les pratiques — y compris celles relatives à « l’obtention et l’exécution d’autorisations judiciaires » pour épier des journalistes — ayant cours depuis le 7 mai 2010 (dévoilement de l’arrêt R. c. National Post). Toutefois, « la commission d’enquête devra user de prudence pour s’assurer de ne pas venir porter atteinte au processus judiciaire en cours », a averti la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, deux semaines après la mise au jour de quelques cas de journalistes épiés par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et la Sûreté du Québec (SQ).

D’ailleurs, M. Chamberland, M. Matte et Mme Bachand ne pourront ni se prononcer sur la légalité de la vingtaine de mandats de surveillance accordés par la juge de paix Josée de Carufel visant l’iPhone du chroniqueur Patrick Lagacé réclamés par le SPVM ni forcer la Conférence des juges du Québec à témoigner des contraintes imposées aux juges de paix. « De facto, la magistrature n’est pas contraignable. De facto », a insisté Mme Vallée lors d’une conférence de presse sur la colline parlementaire.

Or, « il n’y a rien qui empêche la magistrature dans ses fonctions d’administration de venir expliquer comment [elle] procède », a mentionné la députée péquiste Véronique Hivon. « Quels sont les critères qui guident les juges ? Quelle est la formation qui est donnée aux juges ? Quel est leur travail au quotidien ? »

Interventions politiques

Le gouvernement libéral a aussi demandé à la commission Chamberland de démêler « les allégations d’interventions politiques auprès des corps de police de nature à compromettre » le privilège qui protège l’identité des sources journalistiques.

Il y a fort à parier que les trois commissaires décortiqueront l’entretien téléphonique du 10 septembre 2013 durant lequel le ministre péquiste Stéphane Bergeron avait questionné le directeur général de la SQ, Mario Laprise, sur le « coulage d’information confidentielle » à l’égard de la « surveillance électronique » dont le président de la FTQ, Michel Arsenault, avait fait l’objet. Déterminé à trouver la source de ces fuites, l’état-major de la SQ avait alors demandé et obtenu des piles de relevés d’appels téléphoniques de six reporters, dont les journalistes d’enquête Alain Gravel, Marie-Maude Denis et Isabelle Richer. Le Parti québécois souhaite connaître la « vérité » sur ce cas, mais également sur « le cas de M. Dutil ». En 2012, le ministre libéral Robert Dutil avait demandé à la SQ d’enquêter sur une fuite d’informations confidentielles concernant l’affaire Ian Davidson.

La ministre Stéphanie Vallée a invité la Commission d’enquête à dévoiler son rapport final et ses recommandations dans les « meilleurs délais et au plus tard » dans 15 mois et demi, c’est-à-dire le 1er mars 2018. « C’est quand même un échéancier qui est raisonnable », a-t-elle soutenu à la presse.

Le gouvernement a fixé un délai trop long, selon les partis d’opposition. « Les dirigeants de la Sûreté du Québec [et du Service de police de la Ville de Montréal] pourront encore s’asseoir sur le fait qu’en attendant les recommandations, c’est “ business as usual ”, et ça, c’est inacceptable », a dit le député solidaire Amir Khadir.

D’autre part, le gouvernement a précisé mercredi qu’« aucun blâme » ou « aucune conclusion ou recommandation à l’égard de la responsabilité civile, pénale ou criminelle de personnes ou d’organisations » ne devront apparaître dans le rapport de la commission Chamberland. « C’est une clause standard », a fait valoir Mme Vallée, pointant le mandat de la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ce ne fut toutefois pas le cas pour la commission Charbonneau ou encore la commission Johnson.
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