Qualifiant Martine Ouellet de « pressée » à faire du Québec un pays, le chroniqueur Michel David doute de la capacité du PQ à se faire élire en promettant un référendum à la prochaine élection et croit qu’il devrait tout miser pour simplement prendre le pouvoir et sauver le modèle québécois menacé par les politiques d’austérité des libéraux.
Or, dans un Canada condamné à être dirigé au profit des autres provinces par la droite conservatrice ou libérale, pourquoi opposer social-démocratie progressiste liée au modèle québécois et projet de pays, alors que le PQ perd justement des appuis à négliger ces deux enjeux inter-reliés ?
Le chroniqueur du Devoir, Michel David, dans son article La « pressée », publié le 3 février dernier, sur la candidate à la chefferie du Parti québécois Martine Ouellet, et son programme prévoyant un référendum dans un premier mandat, pose plusieurs bonnes questions sur l’avenir du parti et de l’indépendance, même si on peut aussi très bien ne pas partager son pessimisme et être en désaccord avec lui.
« La plus grande difficulté pour le PQ serait plutôt de faire élire un gouvernement majoritaire sur la base d’une plate-forme prévoyant la tenue d’un référendum dans un premier mandat. »
Michel David a raison de souligner que la tâche de se faire élire en misant sur l’indépendance ne sera pas facile pour le PQ, mais la plus grande difficulté depuis 1998 est plutôt de se faire élire de façon majoritaire tout court. À la prochaine élection en 2018, ça fera 20 ans que le PQ n’a pas formé un gouvernement majoritaire. Pourquoi ?
Si Michel David voit l’indépendance comme un boulet pour la reprise potentielle du pouvoir du PQ à la prochaine élection, plusieurs, comme Josée Legault, estiment, au contraire, que la mise au rancart de l’indépendance par le PQ (depuis le référendum volé de 1995) et sa stratégie attentiste des « conditions gagnantes » pour le OUI avec un modèle dit de « bonne gouvernance » (ayant la fâcheuse manie de multiplier les errances à droite de la social-démocratie) est en train de couler le parti et la chance de faire du Québec un pays.
Michel David le dit pourtant lui-même en mentionnant que Martine Ouellet fait le constat que Louis Bernard faisait durant la course à la chefferie de 2005 :
« Comme M. Bernard, Mme Ouellet propose que le PQ cesse de jouer sur les deux tableaux et assume pleinement son option. Le passé n’a-t-il pas démontré qu’un « bon gouvernement » péquiste ne suffit pas à produire les ‘‘conditions gagnantes’’ ? Au contraire, d’une élection à l’autre, le PQ recueille de moins en moins de voix et la souveraineté ne cesse de baisser dans les sondages. »
« Non seulement la perspective d’un référendum provoquerait une ruée des électeurs fédéralistes vers les urnes pour empêcher la tenue d’un troisième référendum, mais les souverainistes qui craignent de le perdre pourraient aussi choisir de bouder le PQ », écrit Michel David.
Il a raison sur le fait que les électeurs fédéralistes sortiront en grand nombre pour s’opposer au PQ si son programme électoral pour la prochaine élection prévoit un référendum. Mais n’est-ce pas là une évidence récurrente à laquelle le PQ fait face depuis sa naissance ?
Le vote fédéraliste très majoritairement en faveur du Parti libéral sort toujours fort, d’une façon ou d’une autre… Alors, aussi bien dire qu’on remet le projet du OUI à la semaine des 4 jeudis si les fameuses « conditions gagnantes » reposent sur la non-participation massive des électeurs du camp du NON.
Oui, il est vrai que certaines périodes de l’histoire furent plus favorables que d’autres pour les projets indépendantistes. Le Québec a d’ailleurs raté au moins trois rendez-vous avec l’Histoire (1775, 1837-1838 et 1967) avant même les deux premiers référendums, comme le souligne Pierre Dubuc dans Le Québec et la nouvelle donne internationale.
Au même titre que certaines conjonctures sont plus favorables que d’autres pour la gouvernance en général.
Sauf que l’argument qu’il faudrait attendre les « conditions idéales » pour proposer un référendum gagnant et faire un pays ne tient plus la route et cause principalement la déroute du PQ. Un argument boiteux ressemblant de plus en plus à une légende attentiste racontée par l’homme qui a vu l’homme qui a jamais vu l’ours parce qu’il est mort de vieillesse en attendant les conditions idéales pour aller dans le bois.
Michel David affirme également que les électeurs souverainistes ayant peur de perdre le prochain référendum pourraient décider de « bouder » lors de la prochaine élection, si le PQ s’engage à tenir un référendum. Effectivement. Une minorité pourrait le faire.
Mais les électeurs indépendantistes du PQ qui iront voter pour le bouder, en ayant peur de perdre le référendum, vont voter pour qui ? Pas les libéraux quand même. La CAQ ? L’ADQ/ CAQ a déjà fait le plein de votes à droite du PQ depuis longtemps.
Quant à ceux de gauche, qui ont peur de perdre le référendum, et qui sont supposés avoir aussi peur pour le modèle québécois menacé par l’austérité libéralo-caquiste, ont-ils intérêt à bouder le PQ en votant pour un tiers-parti progressiste qui n’a aucune chance de gouverner, alors que seul un PQ dirigée par la plus social-démocrate des candidats à la chefferie est en mesure de prendre le pouvoir et coaliser les électeurs à la fois progressistes et indépendantistes? La réponse logique et pragmatique à cette question est évidemment non.
D’ailleurs, plusieurs militants de Québec solidaire et d’Option nationale appuient déjà la candidature de Martine Ouellet à la chefferie du PQ.
« Certes, la solution idéale serait un Québec souverain qui défendrait les valeurs de justice sociale et de solidarité en Amérique du Nord, mais si cela n’est pas possible à brève échéance, ne vaudrait-il pas mieux parer au plus pressé et sauver ce qui peut l’être du modèle québécois, quitte à remettre la quête du pays à plus tard »
Pourquoi opposer le projet de pays et la social-démocratie progressiste à l’origine de l’État providence québécois menacé de démantèlement par l’austérité néolibérale des libéraux de Couillard au pouvoir à Québec, dans un Canada condamné à être dirigé au profit de l’Ontario ou de l’Ouest par la droite conservatrice de Harper ou le centre-droit des libéraux de Trudeau?
Oui, le Québec n’est pas un goulag et oui le Québec a réussi à se doter d’un filet social en évoluant dans le cadre fédéral. C’est vrai. Mais cela ne signifie pas nécessairement pour autant que le Québec ne serait pas plus gagnant d’être indépendant. Et la preuve est qu’aucun peuple devenu libre n’a encore jamais renoncé à son indépendance pour essayer de se développer, comme le Québec, avec seulement la moitié de son argent et de ses libertés.
L’indépendance n’est pas un caprice mais une nécessité. Un constat que même les plus à gauche sur l’échiquier ont déjà fait, comme Françoise David, dans le livre « Au bout de l’impasse à gauche » publié en 2007, en rêvant à une prise de pouvoir de QS qui ne surviendra toutefois jamais : « Je souhaite aussi que ce Québec solidaire soit souverain, puisse prendre en main son destin, édicter toutes ses lois, lever tous ses impôts. Il y a là un rêve, un projet qui appelle à la solidarité et à l’exigence. Car nous avons besoin de la souveraineté pour réaliser la plénitude du projet porté par la gauche québécoise. »
Comme quoi l’empressement de Martine Ouellet à faire l’indépendance relève donc de la cohérence et du gros bon sens pour quiconque prétend vouloir sauver le modèle québécois. Car on parle d’un préalable pour faire du Québec un endroit plus juste, plus vert et plus prospère.
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